INTERVIEW. Saint-Louis, Azerbaïdjan, Ataï... Retour avec le procureur sur une activité judiciaire "hors norme" depuis les émeutes en Nouvelle-Calédonie

Le procureur de la République, Yves Dupas, dans les studios de NC la 1ère, le 5 septembre 2024.
En un peu plus de trois mois, on recense plus de 2 600 interpellations et 200 incarcérations pour les faits les plus graves sur le territoire. Un véritable marathon pour le personnel judiciaire de Nouvelle-Calédonie. Yves Dupas, le procureur de la République, revient sur les affaires en cours. Entretien.

Onze victimes tuées par arme à feu, des maisons incendiées, des commerces et des entreprises détruits... La Nouvelle-Calédonie a connu depuis le 13 mai une vague de violences sans précédent. Ces émeutes, inédites sur le Caillou, tant par leur intensité que par leur durée, ont aussi provoqué une "déflagration" pour les instances judiciaires, qui font face à une montagne de procédures, dont certaines pour des faits extrêmement graves.

Invité dans les studios de NC la 1ère, le procureur de la République a accepté un entretien en longueur pour revenir en détail sur quelques dossiers judiciaires.

Retrouvez l'intégralité de cet entretien en vidéo.

©nouvellecaledonie

NC la 1ère : Le FLNKS a annoncé le dépôt d'une plainte pour viol sur une jeune femme de 22 ans, qui se serait produit le 30 août à Montravel, à Nouméa, par des hommes cagoulés et munis de gilets pare-balles. Mais contrairement à ce qu'avance le front, rien ne prouve selon vous qu'il s'agissait des forces de l'ordre. Pour quelles raisons ? 

Yves Dupas : Tout d'abord, cette enquête est en cours. Nous avons mené différentes investigations d'ores et déjà pour établir la matérialité de l'infraction, par rapport aux faits dénoncés. Et si l'infraction est caractérisée, pour identifier les auteurs de ces faits, qui sont des faits graves bien évidemment. 

Sur cette affaire de viol, le parquet a diligenté une enquête dès le 30 août. Il n'a attendu personne pour faire son travail.

Yves Dupas, procureur de la République


NC la 1ère : Si ce ne sont pas les forces de l’ordre, est-ce que cela pourrait conforter l’hypothèse, défendue dans le camp indépendantiste, de l'existence de milices ?

Y.D. : Rien, à ce stade de l’enquête, ne permet de mettre en cause qui que ce soit. Je crois qu'il faut que la justice fasse son travail sereinement, sans commentaire sur une procédure qui est en cours. Le parquet a diligenté cette enquête dès le 30 août. Il n'a attendu personne pour faire son travail. Donc, laissons les enquêteurs et le parquet agir sereinement. 


NC la 1ère : Autre actualité de ces derniers jours, la nomination à la tête du FLNKS de Christian Tein, l'un des leaders de la CCAT, incarcéré actuellement en Alsace. Vous affirmez qu'il ne s'agit pas d'un prisonnier politique. Comment définir ce qu'est un prisonnier politique ? Amnesty International précise que cette définition concerne aussi les personnes emprisonnées pour s'être opposées par actions violentes ou non au pouvoir en place. 

Y.D. : Je m'en tiens à la définition d'un certain nombre d'institutions judiciaires et Christian Tein n'est pas détenu pour des motifs politiques. Il est mis en examen pour un certain nombre de chefs d'infractions :  d'association de malfaiteurs, de vol et de destruction par incendie en bande organisée. Et donc ça n'est pas un prisonnier politique à mon sens. Mais il est toujours présumé innocent, je tiens à l'indiquer.

L'hypothèse de notre enquête, déclenchée le 17 mai, repose sur un certain nombre d'actions qui étaient planifiées, préparées, organisées, coordonnées, visant un certain nombre d’objectifs.

Yves Dupas


NC la 1ère : Dans plusieurs médias, vous parlez de la CCAT comme d'une organisation criminelle. Pourtant, l'enquête est encore en cours. Quels sont les éléments matériels qui vous permettent d'être aussi affirmatif ?

Y.D. : L'hypothèse de notre enquête, déclenchée le 17 mai, repose sur un certain nombre d'actions qui étaient planifiées, préparées, organisées, coordonnées, visant un certain nombre d’objectifs. Donc c'est une organisation criminelle présumée, avec ces responsables de la CCAT. Je respecte le principe de la présomption d'innocence. Mais je tiens à indiquer qu'il s'agit de faits particulièrement graves, de nature criminelle. 


NC la 1ère : Des élus loyalistes parlent de terrorisme et non d'organisation criminelle. Quelle est la différence d'un point de vue juridique ? 

Y.D. : Le caractère "terroriste" de ces faits constatés n'a pas été retenu. Très clairement, nous n'avons pas affaire à une organisation qui visait à atteindre l'État et l'ensemble ou une partie des citoyens, comme on a pu effectivement le voir dans d'autres actions à caractère terroriste. Et donc, même si la question a pu se poser à un moment donné, il n'y a pas eu de débat sur la nature de ces faits. Ils relèvent d'un mouvement insurrectionnel, sur fond de radicalisation identitaire, on peut le dire, et qui ont conduit à commettre une infraction de droit commun dans le cadre d’une bande organisée, d'une structure assez hiérarchisée.


NC la 1ère : Les avocats du FLNKS demandent le dépaysement de l'enquête sur les leaders de la CCAT. Ils questionnent l'impartialité de la justice en Calédonie et estiment que des magistrats venus de l'Hexagone auraient peut-être une autre
lecture du dossier. Que leur répondez-vous ? 

Y.D. : Les critères juridiques permettant un dépaysement ne sont pas réunis dans ce dossier. Cette information judiciaire doit se poursuivre sur le territoire, par des magistrats qui ont, non seulement la compétence, mais qui offrent aussi toutes les garanties d’impartialité. Ce sont deux magistrats instructeurs et donc la question n'a pas lieu de se poser. 

Il m'avait été posé comme question que d'autres commanditaires, dans la sphère politique, pourraient être concernés par cette information judiciaire. Nous verrons en fonction des investigations menées.

Yves Dupas


NC la 1ère : Vous avez évoqué récemment une possible implication de personnalités politiques indépendantistes dans la préparation de ces exactions, où en sont les investigations ? 

Y.D. : Les investigations sont en cours dans le cadre de cette information judiciaire. Il m'avait été posé comme question que d'autres commanditaires, dans la sphère politique, pourraient être concernés par cette information judiciaire. Nous verrons en fonction des investigations menées. Mais cette information judiciaire peut effectivement conduire, peut-être, à la mise en cause d'autres profils de commanditaires, plus en tant que superviseurs, autour de Christian Tein. Mais il n’y a pas eu de garde à vue pour l’instant. 


NC la 1ère : Depuis le 13 mai, plus de 2 600 personnes ont déjà été arrêtées dans le cadre des émeutes. Cela représente un Calédonien sur 100. Est-ce que cela signifie qu'il y a beaucoup de récidivistes parmi ces émeutiers ou que cette insurrection est portée par beaucoup de personnes ? 

Y.D. : C'est un volume de procédures effectivement qui est hors normes, pour nous. Avec des atteintes aux biens, des faits de vol, de recel, de destruction par incendie. Nous avons également beaucoup de faits d'atteintes aux personnes, notamment à l'encontre des forces de l'ordre. Des faits d'entrave à la circulation sur la voie publique. Des faits de détention d'armes, de port d’armes illégal. Ces faits se raréfient puisque la situation, du point de vue de l'ordre public, est en voie de normalisation, hormis certains secteurs. Ce travail d'enquête n'était pas évident sur les premiers jours des exactions. Il s'amplifie depuis le 13 mai, parce que s’ajoutent les résultats de police technique et scientifique, l'exploitation des vidéos qui ont pu circuler sur les réseaux sociaux ou sur le réseau public de vidéoprotection. Les gens viennent déposer plainte et ils ont raison. Tout ce travail d'enquête alimente notre activité pénale qui est très conséquente. 


NC la 1ère : Mais sur les 2 600 personnes interpellées, s’agit-il essentiellement de  récidivistes ?

Y.D. : Sur un certain nombre de faits, de violence volontaire notamment, nous avons parfois effectivement des profils récidivistes. Sur l'effet de vol ou de recel de vol, par moments, ce sont des primo-délinquants, qui profitent d’un effet d’aubaine. Il y a des gens insérés socialement, et puis sur Saint-Louis, nous avons des auteurs de violence sur les forces de l'ordre, qui sont souvent très connus et qui ont déjà été condamnés à de nombreuses reprises, notamment pour des faits violents.


NC la 1ère : Cette diminution du nombre d’exactions se ressent-elle sur l’activité judiciaire ?

Y.D. : Oui, parce que nous tenons moins d'audience sur comparution immédiate. En mai, nous avions une audience de comparution immédiate chaque jour. Là, nous ajustons notre organisation. Nous avons recours à la comparution immédiate quand il le faut, par rapport à la gravité de certains faits. Mais le volume de procédures à traiter au quotidien, notamment en comparution immédiate, s’est réduit par rapport au traitement concomitant de l'ordre public. 

Ce travail d'enquête au long cours va continuer à nous alimenter pendant encore douze mois.

Yves Dupas


NC la 1ère : Demandez-vous des renforts de l’Hexagone pour vous soulager ?

Y.D. : Oui, des renforts de magistrats sont nécessaires. Parce que ce travail d'enquête au long cours va continuer à nous alimenter pendant encore douze mois, selon nos estimations. C’est le délai nécessaire pour traiter tout ce contentieux provenant des exactions depuis le mois de mai et ça n'est pas fini. 


NC la 1ère : Beaucoup de Calédoniens s’interrogent sur les lenteurs de la justice pour toutes les autres affaires qui ne sont pas liées aux émeutes. Comment arrivez-vous à concilier tous ces dossiers ? 

Y.D. : Nous faisons des priorités et bien sûr, la gestion du contentieux des émeutes est capitale. Ceci étant, les chefs de juridiction sont attentifs notamment à d'autres contentieux, ceux des affaires familiales ou du tribunal mixte de commerce, puisque nous dénombrons une augmentation du nombre de déclarations de cessation de paiements. Nous sommes conscients que les émeutes ont produit une déflagration, qui va bien au-delà du contentieux pénal. Le contentieux civil, commercial, est fortement concerné également. 

 

NC la 1ère : Cela aura-t-il des conséquences sur le calendrier judiciaire comme les assises, par exemple ?

Y.D. : En principe, les sessions d'assises seront tenues normalement. Les dossiers à juger sont importants. D'abord parce que la personne peut être incarcérée depuis de très longs mois. Et puis du point des victimes, qui attendent leur procès. 


NC la 1ère : Plus de 200 comparutions immédiates se sont déjà tenues au tribunal. Le Camp-est est surpeuplé. Privilégiez-vous les peines alternatives, comme les bracelets électroniques ou le travail d'intérêt général ? 

Y.D. : La stratégie du Parquet, c'est effectivement de donner des réponses pénales proportionnées, adaptées. On tient compte de la gravité de l'infraction et de la personnalité de l'auteur. Depuis le 13 mai, nous avons ordonné 444 mesures alternatives. Ce sont des procédures qui donnent lieu à certaines mesures comme le travail d'intérêt général pour certaines infractions. Évidemment, pour les délits les plus graves, ce sont des réponses pénales importantes qui sont données, et qui sont effectivement proportionnées. Mais le "tout carcéral" n'est absolument pas une solution.


NC la 1ère : Faute de places au Camp-est, une soixantaine de prisonniers a déjà été transférée dans l’Hexagone, à 16 000 km de leur famille. Certains sont-ils partis sans leur consentement ? 

Y.D. : Nous avions, parmi ces 60 condamnés, un certain nombre qui avait de très longues peines ou des peines conséquentes. Globalement, ces condamnés sont orientés en Métropole de manière à tendre vers un parcours d'exécution de peines adaptées. Un certain nombre a souhaité aussi rejoindre l'Hexagone, même avec des peines beaucoup plus courtes pour bénéficier des dispositifs de réinsertion, de formation professionnelle, qui est balbutiante au Camp-est.


NC la 1ère : Deux associations ont vu le jour depuis les émeutes : l’une pour défendre “les prisonniers politiques” de la CCAT, l'autre pour la défense des auteurs présumés du meurtre des trois jeunes Kanak à Ducos, au tout début des émeutes. Est-ce que vous avez eu l'occasion de les rencontrer ? 

Y.D. : Je n'ai pas rencontré ces associations, mais ce que je sais, c'est que la justice a fait son travail, qu’il s'agisse d'une victime kanak qui est abattue par un gérant de société ou par une autre personne propriétaire d'un bien, qui s'est déclarée menacée et qui fait usage de son arme en touchant mortellement la victime. Elle a ouvert des informations judiciaires contre les auteurs de ces crimes présumés, avec des réquisitions de placement. Il s'agit de détentions provisoires qui ont d'ailleurs été suivies par le juge des libertés et de la détention. Ils ont été transférés également en Métropole. Deux personnes ont été mises en examen et transférées dans l’Hexagone [concernant les trois homicides de Ducos, ndlr]. 


NC la 1ère : Onze personnes ont été tuées depuis le début de cette crise. Quelles sont les affaires pour lesquelles les responsables n'ont pas encore été arrêtés ou même identifiés ? 

Y.D. : Nous avons une affaire à Kaala-Gomen où effectivement une personne, qui a d'abord ouvert le feu sur un groupe d’émeutiers, a été atteinte mortellement. Nous n'avons pas identifié les auteurs de ce meurtre. Nous avons pu identifier une personne blessée, victime de ses propres coups de feu. Bien évidemment, nous tenons à élucider aussi le meurtre du gendarme Nicolas Molinari, au Mont-Dore, qui est effectivement l'une de nos priorités. C'est une procédure compliquée parce que c'est à Saint-Louis.


NC la 1ère : Sur Saint-Louis justement, la situation est encore extrêmement compliquée. Beaucoup de Calédoniens se demandent pourquoi la justice n'agit pas là-bas avec plus de fermeté...

Y.D. : La justice agit avec fermeté. D’abord, il y a la question de la sécurité des personnes sur la circulation de cette route provinciale. Le haut-commissaire a mis en place un dispositif [avec deux verrous aux abords de Saint-Louis, ndlr], qui me semble effectivement tout à fait légitime. Il y a deux jours, nous avons encore constaté un certain nombre de tirs sur les gendarmes lorsqu'ils voulaient dégager cette route.

A Saint-Louis, il nous reste à interpeller douze auteurs présumés, qui font l'objet d'un mandat de recherche.

Yves Dupas

Ensuite, sur le traitement judiciaire, rappelons qu'au Mont-Dore, nous avons eu 285 coups de feu tirés en direction des gendarmes mobiles depuis le début des exactions. Nous avons eu des incendies de l'église de Saint-Louis et des bâtiments du presbytère. Et nous avons eu aussi 50 car-jacking sur cette route. Un certain nombre de procédures ont abouti à des interpellations, à des incarcérations. Il nous reste à interpeller douze auteurs présumés, qui font l'objet d'un mandat de recherche sur toute une série de procédures diverses, d'atteintes aux personnes ou d'atteintes aux biens et qui se trouvent encore sur Saint-Louis. Ce sont des faits graves : un car-jacking avec l'usage d'une arme, c'est un crime qui fait encourir la peine de 20 ans de réclusion criminelle. Mais je tiens aussi à préserver la sécurité des forces de l'ordre qui sont appelées à interpeller ces auteurs, qui sont violents et très souvent armés, parfois jusqu’au-boutistes dans la confrontation avec les forces de l'ordre.

NC la 1ère : À l'inverse, d'autres Calédoniens jugent disproportionnée l'action des forces de l'ordre, comme des tirs à balles réelles face à des jets de pierres ou l'envoi de grenades lacrymogènes près des habitations…

Y.D. : Je constate, au bout de plusieurs mois d’exactions, que les forces de l’ordre, d'une manière générale, ont géré avec une grande maîtrise des situations d'affrontements particulièrement délicates. Près de 600 gendarmes ont été blessés, gravement pour certains. Un gendarme a perdu la vie, avec effectivement une balle qui l’a atteint en pleine tête. On a aussi un gendarme qui a perdu la vie lors de l'usage d'une arme. Une procédure est ouverte pour homicide involontaire. C’est le parquet de Paris qui est saisi de ce dossier. 


NC la 1ère : Beaucoup de rumeurs ont circulé depuis le début de ces émeutes, notamment sur la consommation de méthamphétamines par les émeutiers. Qu’ont révélé ces analyses ?

Y.D. : Nous avons procédé à un certain nombre de prélèvements, qui ont été exploités et qui n'ont pas donné lieu à la découverte de méthamphétamines. Il y avait parfois de l'alcool, manifestement beaucoup dans certaines zones, mais en tout cas pas de produits stupéfiants de ce type. Beaucoup en ont parlé, notamment sur les réseaux sociaux et de la part de certains praticiens, mais ce phénomène n'a pas été confirmé.

Sur l'Azerbaïdjan, je n'ai aucun élément à communiquer à ce stade. Je crois qu'il faut rester prudent.

Yves Dupas


NC la 1ère : On parle aussi beaucoup de l'ingérence de l'Azerbaïdjan. La présidente de la province Sud Sonia Backès a déclaré sur une chaîne de télévision française que Bakou avait aidé financièrement et militairement les indépendantistes kanak. Est-ce que l'enquête avance à ce sujet ?

Y.D. : C'est l'objet de l'information judiciaire de vérifier un certain nombre de points sur l’accompagnement, la méthode, pour articuler ces actions violentes. Il y a des interrogations sur la logistique qui a pu être déployée. Cette enquête est sous l'autorité des deux magistrats instructeurs. Mais je n'ai aucun élément à communiquer à ce stade. Je crois qu'il faut rester prudent. Ce qui est sûr, c'est que l’Azerbaïdjan est un pays ennemi de la France.


NC la 1ère : Dans un récent documentaire de la chaîne australienne ABC, Roch Wamytan, alors président du Congrès, déclare qu'une aide financière a bien été proposée par l’Azerbaïdjan, sans préciser le montant. Il affirme l'avoir refusée mais avoir accepté le financement des voyages à Bakou. Est-ce que cela constitue une infraction ? 

Y.D. : Si, dans le cadre de conventions, il peut y avoir des accords avec des pays étrangers et certains membres d'organisations politiques, je crois qu'il faut effectivement rester prudent sur la commission d’infraction. Nous avons fait un certain nombre de vérifications, qui sont toujours en cours, sur d'éventuels détournements de fonds publics de la part d'élus qui auraient pu aller vers l’Azerbaïdjan notamment, aux frais du territoire. Nous nous limitons à ce champ de vérification.

NC la 1ère : Parmi les récentes affaires, il y a ce Mondorien condamné à huit mois de prison avec sursis pour trafic de vente d'alcool. Est-ce que c'est une sanction pour montrer l'exemple, sachant que cette interdiction a donné lieu à un vaste marché noir en Calédonie ?

Y.D. : Il y avait deux choses dans cette procédure : la vente d'alcool sur une période d'interdiction de vente, et le fait que les produits mis en vente venaient manifestement d'un certain nombre d'actions de pillage. Ce monsieur a été effectivement poursuivi pour recel de vol, principalement parce qu'il écoulait des marchandises dont il connaissait la provenance frauduleuse.

Je pense qu'il y a encore des craintes chez beaucoup de Calédoniens, notamment par rapport au 24 septembre.

Yves Dupas


NC la 1ère : Concernant les barrages, le FLNKS a annoncé que la CCAT allait desserrer l'étau un peu partout dans le pays. Mais il y a aussi de nombreuses barricades des voisins vigilants qui bloquent totalement la route dans certains quartiers. Avez-vous prévu des interventions pour enlever ces barricades ?

Y.D. : Je ne suis pas en charge de la sécurité publique. C'est une question que vous pourriez poser à Louis Le Franc, le haut-commissaire. Je crois qu'il faut quand même distinguer plusieurs choses. D'abord, les barrages des voisins vigilants qui, au départ, étaient là pour protéger des quartiers, éviter certaines intrusions d'individus violents, parce que les forces de l'ordre étaient en difficulté, au vu de leur faible nombre pour gérer une situation insurrectionnelle grave. Deuxièmement, quand je circule dans Nouméa, je vois que beaucoup de barrages ont été levés. 

NC la 1ère : Certains empêche la libre circulation…

Y.D. : On voit quand même que sur certains axes, même s'il y a un barrage bloquant, vous avez une possibilité d'entrer par une autre voie. Donc il n’y a pas une interdiction de circuler sur les voies concernées. Par ailleurs, je sais que la direction de la police nationale s'efforce de dialoguer avec ces voisins vigilants de manière effectivement à faire lever ces barrages. Les choses évoluent. Je pense qu'il y a encore des craintes chez beaucoup de Calédoniens, notamment par rapport au 24 septembre. Il faut intégrer le contexte des émeutes depuis le 13 mai et les ressorts psychologiques des uns et des autres, la volonté de se protéger aussi. 


NC la 1ère : Un mois et demi après le vol des reliques du grand chef Ataï, l’enquête semble avancer. Peut-on en savoir plus ? 

Y.D. : L'enquête avance mais je ne peux pas vous en dire davantage. Nous voulons absolument retrouver ces ossements pour les replacer dans le mausolée et identifier les auteurs de ces dégradations, de ces vols, parce que c'est une atteinte à la mémoire du territoire également. C'est une atteinte à l'esprit de fraternité entre les différentes communautés et en cela, c’est une procédure sensible.