Philippe Dunoyer, député de la première circonscription, a d'abord évoqué la surprise provoquée par l'élection de Georges Naturel et Robert Xowie, dimanche 24 septembre, aux sénatoriales. Et cela au détriment des candidats loyalistes, annoncés favoris et soutenus par la majorité présidentielle et Les Républicains. A savoir Sonia Backès, Renaissance, secrétaire d'Etat à la Citoyenneté, présidente de la province Sud. Et Pierre Frogier, sénateur sortant, le Rassemblement-Les Républicains.
Plus d’un tiers des grands électeurs non indépendantistes, une centaine environ, n’ont pas porté leur voix sur Pierre Frogier et Sonia Backès et ça inclut forcément les grands électeurs de plusieurs communes, notamment Nouméa.
Philippe DunoyerNC la 1ère
Pour les Loyalistes et le rassemblement, l'élection d'un sénateur indépendantiste au second tour est le fruit d'un accord, d'une trahison de Georges Naturel, maire de Dumbéa, candidat dissident Les Républicains, avec le FLNKS. Philippe Dunoyer a une autre vision : "ll faut y voir un message, effectivement très surprenant, que personne ne s’attendait à recevoir. Mais il faut l’entendre, ce message. Quand on représente un tiers de cette sensibilité, on envoie un message transpartisan, finalement, qui nous demande de sortir de cette opposition frontale des blocs dont la Calédonie souffre depuis les trois référendums."
Le consensus ensemble?
Sortir des discussions binaires, indépendantistes contre non-indépendantistes, au profit d'une politique au service du développement de la Nouvelle-Calédonie paraît souhaitable à chacun, si l'on en croit les discours des uns et des autres. L'élection de deux sénateurs, maire et ancien maire, élus de proximité, est-elle un pas dans ce sens ? Philippe Dunoyer y voit un message des grands électeurs :"Promouvoir à tout prix le consensus. Qu’il ne peut pas y avoir d’autres solutions que d’arriver à concilier ou à conjuguer, dans le respect du résultat des trois référendums, le Oui et le Non, les aspirations différentes des deux sensibilités. Parce qu’il n’y a pas d’autres voies que de sortir de l’Accord de Nouméa."
Un vote défavorable, aussi, pour Calédonie ensemble
Avec 48 voix au premier tour, le sénateur sortant Gérard Poadja n'a pas satisfait les espoirs de Calédonie ensemble. Le nombre de grands électeurs, appelés à voter aux sénatoriales, dépend beaucoup du nombre d'élus dans les communes et provinces. Ces dernières années, Calédonie ensemble a connu une érosion de sa base électorale et de ses élus. "Je suis déçu pour Gérard Poadja, puisqu’il a accompli un très grand travail au Sénat pendant six ans. C’était le seul candidat avec un programme, estime Philippe Dunoyer. Mais le choix des grands électeurs est un choix qu’il faut respecter. Ce choix-là s’est porté sur M. Naturel et M. Xowie."
Maintenant, l’enjeu, c’est de comprendre, vraiment, quel était ce message, quelle est la dynamique que crée cette élection.
Philippe Dunoyer
Robert Xowie, élu avec les 48 voix de Gérard Poadja au premier tour ?
Crédité, avant les sénatoriales, de 20 à 30 électeurs, Calédonie ensemble n'avait pas le capital préalable pour faire élire le candidat indépendantiste au second tour. Gérard Poadja a choisi de se retirer après le premier. Fort de 48 voix, au-delà des pronostics initiaux. "Gérard Poadja a eu 48 voix, parce que d’autres grands électeurs ont voté pour lui. Au global, ce ne sont pas 48, mais 100 grands électeurs [non-indépendantistes] sur 330, qui n’ont pas validé les autres candidatures", de Sonia Backès, notamment.
"Et ça rejoint, considère l'invité du JT, les réalités de Nouméa, de Dumbéa, de Bourail, de Koumac et d’ailleurs. Je crois qu’il faut avoir du respect et de la considération pour les grands électeurs, qui sont, presque tous, des électeurs de proximité, élus municipaux, ou provinciaux, déjà investis dans la vie de la cité. Ils ont leur propre réflexion. Ce ne sont pas des machines. Il faut leur laisser un choix et c’est un choix qui a été, effectivement, assez spectaculaire."
Que signifie la démission de Sonia Backès du gouvernement ?
A l'Assemblée nationale, Philippe Dunoyer siège dans le groupe Renaissance, ex la République en marche, le parti d'Emmanuel Macron. En cas de victoire aux sénatoriales, Sonia Backès aurait siégé au sein de Renaissance, à la chambre haute. Le député de la première circonscription ne se montre pas affecté par la démission de la secrétaire d'État à la Citoyenneté, de son poste au gouvernement. "C’est la règle républicaine, qui s’était déjà appliquée au moment des législatives, où plusieurs ministres n’avaient, malheureusement, pas pu être élus et avaient démissionné dans la foulée."
Le poids des sénateurs dans la future réforme constitutionnelle
Les parlementaires, députés et sénateurs, calédoniens sont des élus nationaux. A ce titre, ils ne sont pas associés aux discussions sur l'avenir institutionnel. Même élus dans les conseils municipaux et aux provinces. C'est au nom de leur formation politique qu'ils sont consultés:"Le processus de l’avenir institutionnel est entre les mains des formations politiques (…) Quand on révisera la Constitution, ce sera pour inscrire dans la loi fondamentale un accord qu’on aura trouvé localement, à partir d’un consensus. Et dès lors qu’on aura un consensus local, le Parlement suivra, scrupuleusement, ce consensus."
Aucun parlementaire ne pourra s'opposer à cette dynamique.
Philippe Dunoyer
Le document "martyr" de l'Etat va-t-il évoluer ?
En septembre, les discussions de Paris ont permis aux formations indépendantistes et non-indépendantistes, représentatives, de se rencontrer pour poursuivre l'élaboration d'un accord, à venir. À cette occasion, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer a produit un document, qualifié de "martyr", destiné à être modifié, amendé, enrichi, contesté, par les représentants calédoniens.
Le document, brocardé par l'Union calédonienne, devrait faire l'objet d'une nouvelle version, avant la venue de Gérald Darmanin, fin octobre. "On devrait avoir une version 2, qui va certainement reprendre les remontées, les corrections, les observations, de toutes les parties prenantes. Pour continuer de travailler sur les différents points qu’évoque ce texte (...) C’est là, justement, l’intérêt des échanges en formations plénières, ou bipartites, pour qu’on enrichisse ce travail. Que l’on arrive aussi à traiter les points, qui resteront les points les plus durs."
Les propositions de Calédonie ensemble
Présenté à la population et aux militants, lors de réunions publiques, le projet de réforme institutionnelle de Calédonie ensemble propose, notamment, une refonte de l'élection des membres du Congrès. Ou encore une amélioration de la clé de répartition, entre les provinces. Pour ce qui concerne le dégel du corps électoral, Calédonie ensemble prône, là encore, le consensus : "La question n’est pas : 'Est-ce qu’il y aura un dégel ?' La question est : 'Comment ce dégel va pouvoir s’inscrire ?' Sur quel équilibre on va partir. Ça va être la même chose, sur l’exercice du droit à l’autodétermination. Pour éviter que ce droit ne soit réutilisé trop souvent et que, de nouveau, les Calédoniens soient obligés de s’opposer".
Je pense qu’on a l’intelligence collective, pour construire le consensus nécessaire d’ici à la fin de l’année.
Philippe Dunoyer
Les 4,4 milliards du soutien de l'Etat, suffisants pour renflouer les caisses ?
4,4 milliards de francs CFP, c'est le montant de l'enveloppe que l'Etat a décidé de verser à la Nouvelle-Calédonie, pour faire face à ses problèmes de trésorerie et aux menaces de cessations de paiement. Une aide assortie de conditions. Le pays doit se réformer, pour ne plus revoir se produire de telles situations: "Merci à l’Etat de nous amener ces 4,4 milliards de francs CFP. Qui ont un premier effet, celui de repousser la date de cessation de paiements de la caisse locale de retraites, la date de cessation de paiements du régime handicap. Qui vont pouvoir aider financièrement les hôpitaux, qui ont de gros problèmes de trésorerie", réagit Philippe Dunoyer.
"Voilà quatre ans qu’on explique que l’on a deux réformes structurelles à mener. Une réforme budgétaire, parce qu’on fait face, chaque année, à un delta de huit milliards de recettes, issus notamment des rendements de la TGC. Une réforme sociale, parce que chaque année, on a dix milliards de trou dans le Ruamm. On creuse cette situation. On demande ces réformes et pour le moment, les gouvernements successifs n’ont pas réalisé ces réformes."
C’est pour ça que l’Etat, dit: 'Cette aide, je vous la donne, mais je la conditionne aux réformes.'
Philippe Dunoyer
Prix de l'alimentation, inflation : faut-il craindre une explosion sociale ?
En Nouvelle-Calédonie, la vie est en moyenne 30 % plus chère que dans l'Hexagone. Pour le seul secteur de l'alimentation, c'est 78 % supplémentaires que les ménages doivent acquitter. Dans le même temps, l'inflation gagne le territoire et les prix sont toujours plus hauts. Les plus modestes rencontrent de plus en plus de difficultés à s'en sortir. "La réponse ne peut pas être d’augmenter la pression, dans des endroits et des secteurs qui sont, déjà, très lourdement impactés. L’activité économique tourne au ralenti. Le pouvoir d’achat de tous les Calédoniens est de plus en plus amputé (...) Il faut, bien sûr, travailler sur des recettes. Il faut travailler sur les dépenses. Sur la gouvernance. Sur le pilotage. Il faut que, comme sur l’avenir institutionnel, l’on dépasse nos clivages et qu’on arrive à se rassembler. Il y va de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, du développement économique et de la création d’emplois."
Nickel : Glencore menace de cesser de financer l'usine du Nord
L'annonce faite par le groupe métallurgiste est venue ajouter des craintes à un secteur déjà sinistré. Le nickel, dont la Nouvelle-Calédonie recèle un quart des ressources mondiales, n'est pas rentable sur le Caillou. La SLN, l'usine du Sud et KNS font face à des frais de production intenables et à une concurrence intense des usines d'Asie du Sud-Est. Pour Philippe Dunoyer, les réductions de coût passent, tout d'abord, par des alternatives aux prix de l'électricité. "C’est une priorité absolue pour moi. Je pars à Paris, pour un certain nombre de sujets et notamment celui-ci (...) L’Etat est prêt à investir 600 milliards de francs CFP pour réaliser les outils de production d’énergie électrique décarbonée et permettre la meilleure rentabilité des usines. Mais il faut aussi que les usines et leurs actionnaires soient au rendez-vous"
Il y va de la survie de l’outil de travail et des emplois qui font tourner ces outils.
Philippe Dunoyer