Politique. Le mouvement indépendantiste calédonien à la croisée des chemins

Le drapeau du courant indépendantiste en Nouvelle-Calédonie.
L’Union progressiste en Mélanésie (UPM) et le Parti de libération kanak (Palika) réunissent leur congrès respectif les 9 et 10 novembre. Ils pourraient envisager de quitter le FLNKS pour porter, à travers l’Union nationale pour l’indépendance, un projet de “souveraineté partagée.”

La rupture constatée à l’occasion du congrès du FLNKS de Koumac sera-t-elle consommée ce week-end ? En tout cas, l’option d’un départ du front est sur la table que ce soit du côté de Poum, où se tient le 41e congrès de l’UPM, ou de Kaala Gomen, où sont réunis les militants du Palika pour le 49e rendez-vous annuel du mouvement.

Politique de la chaise vide

Fin août, le Palika comme l’UPM ne s’étaient pas rendus à Koumac, en raison d’un désaccord sur l’ordre du jour avec l’Union calédonienne et le Rassemblement démocratique océanien. Bien que le consensus entre les 4 composantes du front soit la règle pour toute décision, l’UC et le RDO avaient décidé de maintenir le congrès, qui a vu l’intégration au sein du front de la CCAT et des nationalistes (Parti travailliste, Dynamique unitaire sud, etc.), ainsi que la désignation au poste de président du FLNKS de Christian Tein.

Depuis, ni l’UPM, ni le Palika ne participent plus aux réunions hebdomadaires du FLNKS, et si l’Union calédonienne assure en ce moment l’animation du front (tournante tous les trois mois entre les différentes composantes), c’est en lieu et place de l’UPM, qui n’a pas pris le relais du RDO au 1er octobre comme il l’aurait dû.

Les deux formations doivent décider ce week-end de quitter ou non le FLNKS mais du côté du Palika, on estime aujourd’hui être libre de tout engagement : “Nous n’avions pas été conviés à ce congrès assure pour sa part Judicaël Selefen, l’un des porte-parole du Palika. Et on a dit que l’on n’était pas concerné par les décisions qui y ont été prises. L’important pour nous aujourd’hui, c’est de savoir comment on suit le portage politique de notre combat, l’accession à l’indépendance.”

L’alternative UNI

“L’outil FLNKS, on l’a un peu laissé de côté, assume pour sa part Victor Tutugoro, le président de l’UPM. Bien sûr, revenir est une option. Mais on en privilégie une autre, qui est de faire de l’UNI une alternative." Les deux mouvements sont en effet membres depuis 25 ans de cette coalition électorale née en 1999 pour contrer l'influence grandissante de l'Union calédonienne. C'est d'ailleurs sous cette bannière qu'UPM et Palika siègent au congrès. "Pourquoi nous disons "l’UNI, plutôt que le FLNKS"? Parce que c’est le FLNKS qui a tout cassé. Et donc, si on a envie de reconstruire non seulement l’économie du pays mais aussi de construire l’avenir, il faut envoyer un message de confiance auprès des non-indépendantistes et de tous les autres citoyens pour construire notre pays.” Pour l'UPM, le FLNKS, qui a donné des gages à sa ligne la plus radicale en intégrant la CCAT, n’est plus capable de rassembler au-delà de son propre camp.

Pourquoi nous disons "l’UNI, plutôt que le FLNKS" ? Parce que c’est le FLNKS qui a tout cassé. 

Victor Tutugoro, président de l'UPM

La fracture du 13 mai

“Les événements du 13 mai ont certainement tracé une ligne de démarcation entre deux types de projet d’indépendance”, pointe de son côté Judicaël Selefen. Souveraineté “pleine et entière” pour les uns, “souveraineté partagée” pour les autres, les différents courants du FLNKS sont divisés sur la question.

Échaudé par une séquence “post-référendaire”, marquée depuis 2021 par des revirements sur la participation ou non de délégations indépendantistes aux négociations qui ont fini par éclipser le fond, le Palika ne veut pas rater le train des discussions à venir. “À défaut de clarification, nous, on s’engage à porter un projet de manière claire et précise, sur lequel on s’est positionné depuis 2013, l’indépendance association”, indique Judicaël Selefen. Avec une volonté affichée d'aller convaincre au-delà de l'électorat indépendantiste : “On ne fait que reprendre une hypothèse de sortie que l’Etat nous a proposée, mais c’est à nous de le nourrir ce partenariat, qu’est-ce qu’on veut, qu’est-ce qu’on ne veut pas ? Où ça commence, où ça finit ? C’est l’exercice que l’on devra faire avec l’ensemble des Calédoniens, donc les craintes et les peurs, nous, on invite les gens à nous les dire, comme leurs attentes.”

"C’est à nous de le nourrir ce projet d'indépendance avec partenariat. Qu’est-ce qu’on veut, qu’est-ce qu’on ne veut pas? Où ça commence, où ça finit ? C’est l’exercice que l’on devra faire avec l’ensemble des Calédoniens."

Judicaël Selefen, porte-parole du Palika

Place de la coutume

À Poum, l’UPM planchera en atelier sur un autre fait saillant de ces derniers mois : la place grandissante prise par les représentants coutumiers dans la sphère politique. “On voit ce qui se passe avec Inaat Ne Kanaky et le grand chef Hippolyte Sinewami qui est allé s’exprimer devant l’ONU, qui a déclaré la souveraineté sur ses terres, ça interroge”, estime Victor Tutugoro, également inquiet du marasme dans lequel se trouve l’économie : “On a touché le fond du fond. Sans économie en état de marche, il n’y a pas de stabilité politique. Regarder Haïti, le Soudan. Il faut reconstruire. Sinon il n’y a pas d’avenir.”

Les militants devraient se prononcer sur la sortie du front d’ici à dimanche soir et leur décision est très attendue du côté du FLNKS. Selon nos informations, le congrès du front annoncé pour fin novembre pourrait être reporté à décembre, voire janvier. Le temps de digérer la nouvelle donne.