ENTRETIEN. "Les gens essayent de vivre au minimum, on est revenu à la base", constate le maire de Yaté Victor Gouetcha

Entretien avec Victor Gouetcha, le maire de Yaté. ©NC la 1ère
Difficultés d'approvisionnement, accès restreint aux soins, précarité ... Victor Gouetcha, le maire de Yaté, a accordé une interview à Nouvelle-Calédonie la 1ère pour faire le point sur la situation dans sa commune, quatre mois et demi après le début de la crise.

Son nom ne fait que rarement la une de l'actualité, ces dernières semaines. Pourtant, Yaté et ses habitants vivent une situation délicate depuis le début de la crise. Reliée au reste de la Grande terre par la route du Mont-Dore, la commune se retrouve isolée en raison des blocages à Saint-Louis. Son maire, Victor Gouetcha, a accepter d'accorder une interview à nos équipes.

>> Retrouvez notre long-format consacré à Yaté, confrontée aux blocages depuis plus de quatre mois. 

NC la 1ère : Quatre mois et demi après le début des émeutes, comment vivent les gens au quotidien à Yaté ?

Victor Gouetcha : Au quotidien, les gens essayent de vivre au minimum et faire vivre leur famille. C'est compliqué. On est revenu à la base, il n'y a plus de surplus. On cible les priorités pour les dépenses.

Rencontrez-vous aussi de difficultés de ravitaillement ?

V.G : En ce qui concerne les difficultés de ravitaillement, au début, on a fait venir les barges jusqu'à la rivière de Yaté, ainsi que les bateaux du gouvernement. Ces derniers mois, on était obligé de passer par le Vallon-Dore, parce que les barges ne venaient plus jusqu'à Yaté. Cela fait un mois maintenant que nous n'avons plus de carburant sur Yaté.

Est-ce que ces difficultés ont un impact sur les prix ?

V.G : On essaie, avec la municipalité, de donner un coup de main aux commerçants pour le transport des denrées, afin d'éviter que ça ne se répercute sur les clients, sur la population.

La question de la santé se pose aussi.  Vous avez un centre médical, avec un médecin qui doit partir à la fin de l'année. Comment gérez-vous ce problème ?

V.G : C'est difficile pour nous d'en parler, parce que c'est une compétence provinciale. Il y a une semaine de ça, nous avons rencontré un collectif qui s'est créé suite à ces difficultés, puis nous sommes allés voir la présidente [de la province Sud Sonia Backès].

A la sortie de la réunion, elle nous a rassurés sur le fait qu'il y a un médecin jusqu'à la fin de l'année. Nous, on ne fait qu'accepter parce que c'est une compétence provinciale. Par contre, dans la commune, on va essayer de se battre avec nos familles, pour qu'il y ait moins d'excès au niveau des denrées, que les gens mangent plus sainement. Prévenir plutôt que guérir, c'est le travail qu'on va faire avec ce collectif.

Il y a quand même des gens qui sont suivis, peut-être pour des dialyses, peut-être pour du diabète... Comment font-ils ?

V.G : Les gens qui font des dialyses toutes les semaines sont sur Nouméa. Par contre, pour ceux qui ont des contrôles toutes les semaines, l'ambulance les dépose au Vallon-Dore. Ensuite, il y a une navette qui va jusqu'à Boulari. Puis de Boulari, une ambulance les amène, soit au Médipôle, soit à la clinique de Nouville.

Que fait la mairie, justement, pour aider, les administrés dans leur quotidien ?

V.G : C'est compliqué parce qu'il y a beaucoup de demandes et on a un budget qui est en baisse de 60 millions de francs. Donc nous, de notre côté, pour aider la population, on fait ce qu'on peut mais faire davantage, on ne peut pas. Au niveau de l'investissement, on essaie de refaire nos routes. Mais avec le problème qu'il y a à Saint-Louis, les entreprises n'osent pas venir jusqu'à Yaté, par mesure de sécurité.

Est-ce que vous attendez un soutien de la province Sud ou de l'État ?

V.G : Oui, on a fait la demande à la province, on a fait la demande au gouvernement et même à l'État, en fonction des compétences. Les pompiers par exemple, c'est le gouvernement, donc on a fait une demande de réserve sanitaire pour cette profession. Les transports et les opérations d'investissement, c'est la province qui peut nous donner un coup de main. On avait demandé de l'aide pour nos routes, mais nous n'avons pas eu de retour écrit. On nous dit que c'est différé, les opérations ne sont pas faites.

Avez-vous l'impression d'être entendus ?

V.G : On est entendus, mais les retours sont toujours les mêmes : nos interlocuteurs sont comme nous, ils n'ont pas les moyens. Même sur les engagements déjà pris, on ne peut pas aller plus loin. Pour nous, c'est difficile de parler de l'avenir. Depuis quatre ans que je suis là, on a vécu le Covid en 2020 quand j'ai pris la mairie. Ensuite, en 2021, la reprise de l'usine par PRNC où on a eu des difficultés aussi, pendant six mois au moins…

En 2024, on commence l'année avec deux décès sur Touaourou par rapport à un conflit. Et ensuite, le 13 mai, tout le monde connaît, on le vit, là… Demain, il y a un nouveau repreneur qui arrive pour Prony Resources. Je ne sais pas comment ça va se passer. C'est des situations qu'on a vécues, donc nous, on est toujours sur le qui-vive.

Donc à Yaté, on vit au jour le jour ?

V.G : Au jour le jour, on peut le dire comme ça. On avait prévu tout un programme au début de notre mandat. Mais c'est difficile d'exécuter tout ce qu'on avait prévu. 

Des propos recueillis par David Sigal et Marion Thellier.