Vision d'avenir, nuances dans l'ensemble loyaliste, positions indépendantistes: ce qu'on peut retenir de l'entretien de Philippe Gomès, membre fondateur de Calédonie ensemble

Philippe Gomes, invité du JT du 13 novembre 2022
Philippe Gomès, membre fondateur de Calédonie ensemble, élu de la Nouvelle-Calédonie, était l'invité du journal télévisé dimanche 13 novembre. Il a évoqué la vision de son mouvement concernant l'avenir, les échanges parisiens sur le sujet, les futurs groupes de travail et le positionnement des indépendantistes.

Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, et Jean-François Carenco, ministre délégué aux Outre-mer, sont attendus à partir du 28 novembre dans le cadre des discussions sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. La "suite" des échanges qui ont eu lieu dans l'Hexagone sans les indépendantistes. L'État annonce déjà des réunions techniques dans ce cadre.

Côté indépendantiste, deux sons de cloche résonnent. Le Palika formule une demande de bilatérale avec l'État mais reste nuancé sur sa participation aux groupes de travail annoncés. L'UC, elle, déclarait vendredi qu'elle ne discutera pas avec l'Etat tant que la question de la souveraineté pleine et entière ne sera pas à l'ordre du jour.

Quant aux loyalistes, ils se sont tous rendus à la séquence parisienne. Mais ne se sont pas entendus sur la plateforme commune rappelant leurs valeurs fondamentales non négociables, puisque Calédonie ensemble n'a pas paraphé le document.

Quel poids la trajectoire de CE aura-t-elle dans ce contexte ? Quel regard son leader charismatique porte-t-il sur les positions des indépendantistes ? Quelle position le parti loyaliste adoptera-t-il ? Ce sont les grandes thématiques que Steeven Gnipate a abordées avec Philippe Gomès dimanche 13 novembre, au journal télévisé. Voilà ce qu'on peut en retenir.

Toujours disponible pour les négociations

Philippe Gomès bel et bien présent sur la scène politique alors qu'il a annoncé la quitter, en début d'année"Je ne retirerai pas un mot à la déclaration que j’ai faite sur votre plateau", a-t-il confié. "Je ne me suis pas représenté aux législatives et je ne me représenterai pas en 2024..."

Je suis toujours élu à la province Sud et au Congrès. Mon mandat court jusqu’en 2024 et j’avais dit sur ce plateau que j’étais à la disposition de Calédonie ensemble et de l’État pour participer au dialogue de sortie de l’Accord de Nouméa. C’est dans ce cadre que j’exerce mon travail d’élu et de membre de Calédonie ensemble.

Philippe Gomès

"Et ce ne serait pas responsable non plus parce que, franchement, est-ce qu’il y a une époque plus importante que celle qu’on vit aujourd’hui ?", s'interroge-t-il. "On passe de trente-cinq années à autre chose et on ne sait pas encore qu’est-ce que c’est, cet autre chose. J’ai ma petite pierre, enfin je pense, en toute humilité, à mettre à cet édifice".

Sans consensus local, pas de modification de la Constitution 

La Convention des partenaires s’est conclue sur la constitution de groupes de travail. La conclusion des travaux est attendue pour mai 2023. Philippe Gomès exprime ses attentes, "formulées de manière claire par le ministre de l’Intérieur... Il l’a dit devant la mission du Sénat, et c'est bien qu'il ait remis l'église au centre du village, ou la grande case au centre de la tribu : Il n’y aura pas de référendum de projet en 2023, rappelle l'élu Calédonie ensemble. Ce qui est à ses yeux "une très bonne chose !", car selon lui, "il faut donner du temps au temps. Alors certes, ça pose des difficultés pour le pays, bien évidemment. Des gens partent, bien évidemment. Les entreprises hésitent à investir, bien évidemment. Mais pour autant, il faut arriver par le dialogue à rendre cette année 2023 productive pour aboutir à un consensus politique local."

S’il n’y a pas de consensus politique local, on ne pourra pas modifier la Constitution de la République à la majorité des 3/5e. Le consensus local est le préalable au consensus national et c’est ensuite qu’on a le référendum de projet. C’est ça, la trajectoire ! Et le ministre l’a rappelé.

Philippe Gomès

"Nous avons un tronc commun" 

Sur l’unité des non indépendantistes, Philippe Gomès explique qu'il y a "un tronc commun. C’est pas d’indépendance, ni d’indépendance association. C’est l’ouverture du corps électoral, pour permettre notamment aux jeunes majeurs dont aucun des parents n’est citoyen de pouvoir voter, aux conjoints de citoyens calédoniens de pouvoir voter, à ceux qui sont investis durablement dans le pays de pouvoir voter. Ce tronc commun, c’est revoir la clé de répartition et le nombre d’élus par province. C’est inscrire la Nouvelle-Calédonie dans l’axe indo-Pacifique. Il y a un ensemble de choses qui nous rassemble au sein de la majorité présidentielle".

A entendre Sonia Backès, présidente de la province Sud, cette unité des loyalistes devrait passer à la vitesse supérieure, à condition que Calédonie ensemble règle ses problèmes internes. Réponse de l'intéressé : son parti, CE, a son propre centre de gravité, son ADN, sa philosophie et se démarque sur des points précis. Exemple :

Il y en a un certain nombre qui appellent ça "partition", d’autres "hyper-provincialisation", ou encore "différenciation". Nous c’est non (...), non à une Nouvelle-Calédonie découpée en tranches comme un saucisson. La Nouvelle-Calédonie est une et indivisible.

Philippe Gomès

L'ancien député remet par ailleurs en avant l'idée de "calédonisation des compétences régaliennes" et l'adhésion "au droit à l’autodétermination, c’est-à-dire le droit de demander un référendum" sur une base "d'au moins les deux-tiers du congrès". Donc "plus les uns contre les autres mais les uns avec les autres puisqu’il faudrait à la fois les voix des indépendantistes et des non-indépendantistes". Et pour cause déclare l'élu :

Notre centre de gravité, c’est qu'il faut tisser des liens entre le Oui et le Non. Le Non à l’indépendance l’a emporté de manière nette, claire, à trois reprises (...) Mais 47% de la population, quasiment un Calédonien sur deux, a voté pour l’indépendance. On ne peut pas nier leur existence.

Philippe Gomès

"La vraie question de fond, c’est l’UC et le Palika"

Les groupes de travail annoncés permettront-ils d'aborder des questions de fond ? "La vraie question de fond", rétorque Philippe Gomès, "c'est celle de l’UC et du Palika. Aujourd’hui, le Palika dit oui, on est prêt à participer au dialogue et l’UC dit non. C’est pour moi très problématique". Et d'annoncer que son parti jouera la carte de la médiation entre enfants du pays : "nous allons dans les prochaines semaines, avec Philippe Dunoyer et Gérard Poadja, prendre l’angle avec les dirigeants indépendantistes (...) pour essayer de débroussailler ce chemin du dialogue (...) Il faut que nous, entre Calédoniens, on prenne nos responsabilités".

Garder confiance

A deux semaines de la visite ministérielle, la tension continue de monter dans les appareils politiques et si les blocs sont bien ancrés dans leurs fondements, des voix discordantes se font entendre en leur sein. Un contexte qui nécessite, selon Philippe Gomès, "un investissement corps et âme, pour Gérald Darmanin et Jean-François Carenco, dans le dossier calédonien"

Le dossier calédonien, ce n’est pas un dossier technique, c’est un dossier de chair, un dossier de sang, c’est un dossier d’Histoire, c’est un dossier qui un moment a embrasé la France.

Philippe Gomès

Mais l'élu CE se montre confiant envers les deux émissaires attendus en fin de mois.

Questions des internautes. 

  • Accepteriez-vous un corps électoral glissant sur dix ans ?

"Il est nécessaire", martèle l'invité, "la cour européenne des Droits de l’Homme, la Constitution de la République, a accepté le corps électoral gelé à partir du moment où c’était transitoire et le transitoire, ce n’est pas définitif. En conclusion, il faut rouvrir le corps électoral".

Tout le débat avec les indépendantistes sera de trouver un point d’équilibre dans cette réouverture du corps électoral.

Philippe Gomès

  • Vous êtes considéré par certains comme nationaliste, donc pas représentatif des loyalistes. Qu’en pensez-vous ?

"C’est vrai qu’on est Calédonien d’abord, à Calédonie ensemble", pose le ténor de CE. "On considère que les Calédoniens sont un peuple (...) fait de mémoires entrelacées, fait parfois d’oppositions, fait de sensibilités différentes." Pour autant, "ce centre de gravité ne nous a pas empêché, à trois reprises de faire une campagne pour le Non à l’indépendance parce que nous considérons que pour notre pays, ce serait un chemin fortement risqué à fortiori au moment où la Chine recolonise l’Océanie et notamment les pays de la Mélanésie". 

Un entretien complet avec Steeven Gnipate, à retrouver ici :

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