C’est l’histoire d’une crise presque oubliée, en Guadeloupe. Une lutte intense entre les indépendantistes guadeloupéens et le gouvernement français. Durant les années 80, plusieurs attentats à la bombe s’enchainent. A cette époque, Luc Reinette est une figure emblématique. Avec ses mouvements, le groupe de libération armée (GLA) puis plus tard l’alliance révolutionnaire caraïbe (ARC), il revendique la violence comme mode d’action.
La colonisation est un phénomène violent, et comme disait Frantz Fanon, la décolonisation sera peut-être un phénomène violent lui aussi. Pour nous la nation française et la nation guadeloupéenne, deux entités qui s’excluent mutuellement.
Luc Reinette, leader indépendantiste de l'ARC
Il signe plusieurs attentats à la bombe aux Antilles comme dans l’hexagone. Les attentats font plusieurs dizaines de blessés. De cette scission, naitra l’expression des « nuits bleues », qui désigne une série d’attentats à l’explosif.
Crise économique
A la fin des années 70, les Antilles connaissent une grave crise économique, avec un taux de chômage bien supérieur à celui de la métropole. Face à cette crise croissante, les élus tentent d’accompagner l’économie locale par des aides substantielles de l’Etat. Les indépendantistes estiment que ces mesures sont insuffisantes. ils réclament un changement radical, prêts à toutes les actions pour faire entendre leur voix.
Série d’attentats aux Antilles et en métropole
Les 15 et 16 septembre 1980, des bombes éclatent dans les quartiers du Raizet et de la Marina. Le début d'une longue série d'attentats en Guadeloupe qui durera presque 10 ans.
Dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 mai 1983, une explosion touche la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre. Quelques instants plus tard, une autre bombe explose dans la salle d’audience du Palais de Justice, occasionnant d’importants dégâts. Une voiture de gendarmerie d’Anse Bertrand est aussi visée, tout comme les locaux de la perception de Petit-Bourg. Un peu plus tard, c’est celle de Capesterre-Belle-Eau qui est endommagée. La série continue, une autre collectivité du chef-lieu est elle aussi victime d’un engin explosif. Le parquet de Pointe-à-Pitre n’y échappe pas non plus, tout comme la Mairie de Bouillante.
En juin 1983, la capitale est également ciblée. Des charges explosent simultanément à plusieurs endroits sans faire de victimes mais d'énormes dégâts. L'expression, "nuit bleues" s'imposera dans le commentaire des journalistes.
Le 14 novembre 1983, un tournant historique
Au début de l’année 1983, la ferveur à l’égard du gouvernement socialiste de François Mitterrand est retombée. La création en 1982, de la Région Guadeloupe n’a pas convaincue les indépendantistes guadeloupéens. Aux élections régionales et municipales, Lucette Michaux-Chevry obtient la majorité. Ce résultat aura pour conséquence la reprise de la lutte armée de l’ARC.
Dans la nuit du 13 au 14, six attentats à la bombe sont commis en Guadeloupe. Une vingtaine de personnes sont blessées, dont dix grièvement, dans l'un des attentats à la voiture piégée dans la cour de la préfecture de Basse-Terre.
À Pointe-à-Pitre, les studios guadeloupéens de Radio Caraïbe Internationale (RCI) station dépendant de la SOFIRAD, ont été entièrement détruits par l'explosion d'un autre engin. Trois hommes masqués avaient fait évacuer les locaux situés au sixième étage d'un immeuble du centre de la ville.
Regardez ce reportage de RFO Martinique diffusé le 14 novembre 1983 :
La fermeté de l’état
Le ministre de l'Intérieur, Gaston Defferre, exprime sa fermeté à l’égard des indépendantistes dans une allocution. Il annonce des mesures fortes pour trouver les auteurs de ces actions.
Regardez le reportage de RFO Paris, diffusé dans RFO Hebdo, le 20 novembre 1983 :
Arrestation des auteurs des attentats
Un mois après les attentats perpétrés en Guadeloupe contre les locaux de la Préfecture de Basse-Terre et des studios de la radio RCI, neuf personnes sont inculpés après une vague d'interpellations. Toutes appartiennent à l’ARC. Les enquêteurs venant de métropole travaillent sur plusieurs attentats intervenus sur le territoire guadeloupéen dont celui du mois de mai. Celui du 14 novembre va permettre de remonter la filière terroriste.
Regardez ce reportage de RFO Guadeloupe, diffusé le 13 décembre 1983 :
Ouverture du procès des indépendantistes et manifestations
En 1984, le procès de 6 militants indépendantistes s'ouvre à Pointe-à-Pitre, dont certains du MPGI, mouvement pour une Guadeloupe indépendante. Ils sont accusés d’avoir commis les attentats du 14 novembre 1983. Pendant ce temps-là, à l’extérieur du tribunal, des sympathisants pour l’indépendance manifestent leur colère contre la tenue de cette audience.
Regardez ce reportage de RFO Guadeloupe, diffusé le 01 décembre 1984 :
En février 1985, Luc Reinette est condamné avec trois autres indépendantistes pour « violence et attentats » au tribunal de Basse-Terre en Guadeloupe. Il est également jugé dans deux autre dossiers. Le fondateur du MPGI est condamné en première instance à 7, 8 et 5 années de détention. En appel, ces peines sont portées respectivement à 7, 10 et 6 ans.
Cette même année, Luc Reinette s’évade de la prison de Basse-Terre avec Henry Amédien, Humbert Marboeuf et Henri Pératout. Ils seront arrêtés à Saint-Vincent les grenadines après une tentative d’établir un gouvernement provisoire guadeloupéen.
En juillet 1989, ils seront amnistiés. Cela signera la fin des actions de l’ARC.