Début de soirée. Square Louise Michel, Montmartre. Nous entamons notre circuit Nuit Blanche avec - il faut l’avouer - un peu d’inquiétude : la pluie s’est invitée à la fête et la scène dressée pour accueillir le spectacle Kaldûn Requiem d’Abdelwaheb Sefsaf se couvre vite de bâches pour préserver le décor et les installations électriques et éviter qu’ils prennent l’eau. La troupe répète quand même :
Le ciel se fiche bien de savoir que la Nuit Blanche s’est déplacée d’octobre à juin justement pour éviter ces aléas météorologiques ; ni même qu’il est venu gâcher la fête pour la chorégraphe venue de La Réunion Soraya Thomas dont le spectacle Les Jupes qui devait se tenir en extérieur, dans l’enceinte de la Galliera le Musée de la mode, a du être annulé. Les pluies de l’après-midi ont eu raison de la scène montée pour l’occasion ; c’était la première fois que la compagnie venait représenter un spectacle à Paris. Gageons que nouvelle occasion lui sera donnée.
Après les répétitions de Kaldûn Requiem (nous y reviendrons), cap sur le jardin de Belleville pour l’un des moments les plus étranges de ce parcours Outre-mer : une longue et lente procession mêlant tradition japonaise et contexte mahorais autour de la thématique de l’eau. We will not bow, performance déambulatoire signée Marlon Griffith, avec ses personnages porteurs d’eau et drapés de noir offre ainsi en plein 20e arrondissement une touche de poésie et de malice :
Retour vers Montmartre, aux Arènes du même nom, pour une rencontre avec l’artiste américain Edgar Arceneaux, qui dans sa performance The Mirror Is You mêlant théâtre, peinture et matières évoque et explore ses racines créoles, au cœur d’une Louisiane héritière elle aussi du système de colonisation et de l’esclavage :
Comme nous n’étions pas loin, retour vers le bagne calédonien narré tout en spectacle par Abdelwaheb Sefsaf dans Kaldûn Requiem ou le pays invisible. Magnifique textes et chants offert au public du Square Louise Michel. Le lieu choisi pour la prestation ne doit sûrement rien au hasard, Kaldûn… évoquant le sort des Kabyles et des Kanaks à l’époque du bagne où la communarde Louise Michel avait elle aussi été expédiée :
Ensuite direction le centre de Paris, plus précisément le Théâtre de la Ville dont le vaste hall s’était transformé en scène pour la création signée Jean-François Boclé, Julien Boclé et Thierry Pécou I can(’t) breathe. Toute une chorégraphie pour six danseurs entre percussions, chants et textes puissants puisés dans l’œuvre du psychiatre et écrivain martiniquais Frantz Fanon, autour notamment de la condition de l’homme noir :
Enfin, au bout de cette Nuit blanche, après Fanon, ce sont les mots de Patrick Chamoiseau qui ont résonné dans la grande cour de la Bibliothèque historique de Paris. La metteuse en scène Astrid Bayiha y donnait Lucioles, adaptation entre autres du profond Frères migrants de l’écrivain martiniquais. Très belle mise en scène qui a su tirer profit des lieux et faire mieux entendre encore le propos hautement humaniste de Chamoiseau :