"On peut donner des conseils plus adaptés aux personnes de notre culture", pour Jérémie Thezenas, infirmier en pratique avancée

Jérémy Thezenas, infirmier en pratique avancée à l'hôpital Simone Veil d'Eaubonne.
À l’heure où le statut des infirmiers en pratique avancée est discuté au parlement, rencontre avec le Guadeloupéen Jérémie Thezenas, IPA dans un service de neurologie à l’hôpital Simone Veil dans le Val-d'Oise.

"C’est une super aventure de se dire que je ne connaissais pas du tout la neurologie il y a encore deux ans ! Aujourd’hui, je peux apporter une expertise et une aide à des patients que j’aurais jamais pensé aider". Jérémie Thezenas a obtenu son diplôme d’infirmier en pratique avancée en 2021, neuf ans après celui d’infirmier classique. Depuis, il travaille au service neurologie de l’hôpital Simone Veil, à Eaubonne dans le Val d’Oise, et s’occupe de patients qui ont subi un AVC ou souffrent de la maladie de Parkinson. Il les voit chez eux, ou en entretien à l'hôpital. Il se rend aussi régulièrement à leur chevet aux urgences de son établissement hospitalier. Ce n’est pas un médecin, mais il évalue l’état du patient, peut adapter les doses d’un médicament et prescrire des bilans complémentaires quand il estime que c’est utile.

Aujourd’hui, 1700 IPA pratiquent sur le territoire français, dans les secteurs des maladies chroniques, des maladies rénales, de l’oncologie et de la psychiatrie. Le diplôme sanctionne deux années d’études supplémentaires après celui d’infirmier.

 Une piste pour les déserts médicaux en Outre-mer

Né en région parisienne, mais d’origine guadeloupéenne, Jérémie Thezenas se sent très concerné par la situation sanitaire aux Antilles. "Je me suis personnellement retrouvé dans une situation familiale où une personne manquait d’accompagnement", confie-t-il. C’est pourquoi Jérémie voit dans le développement des IPA une solution pour les Outre-mer, particulièrement touchés par le phénomène de désert médical - à titre d’exemple, 29 % de la population en Guyane et 25 % de celle de la Martinique vivent dans un désert médical.

Des praticiens qui sont plus proches de leurs patients

L’infirmier en pratique avancée installe une autre forme de dialogue avec le patient. "Ils nous trouvent plus accessibles dans la discussion", constate Jérémie, à l’issue d’une matinée d’entretiens avec plusieurs malades. Parmi lesquels un patient qu’il a encouragé à cesser de fumer, un couple dépassé par la maladie de la femme et à qui il a suggéré de consulter un psychologue, et un autre pour lequel il va mettre en place une aide à domicile.

En Guadeloupe, il imagine des IPA de proximité, en lien avec la culture des patients. "Quand on voit des personnes qui ont la même culture, on peut mieux leur apporter des conseils".

 

Par exemple moi je sais très bien qu’une personne antillaise aime bien manger salé. Donc, quand je vais leur dire de consommer plus de légumes, je vais leur préciser comment les préparer

Jérémie Thezenas

Une loi pour améliorer le statut des IPA

Jusqu’à récemment, peu de gens connaissaient la profession d’infirmier en pratique avancée. Mais l’opposition des médecins libéraux à voir le statut de ces soignants revalorisé par un texte de loi a contribué à mieux les faire connaître du grand public.

Le texte, actuellement débattu au Sénat et à l’Assemblée, permettrait d’élargir la mission des IPA, en leur offrant la possibilité de prescrire certains soins et médicament, et de voir des patients en accès direct, sans passer par la case médecin. "J’apprécie que l’on veuille nous faire évoluer", se réjouit Jérémie, même s’il considère le texte imparfait. "Là, on dit juste qu’il manque des soignants, donc on forme les IPA en deux ans, et quand les médecins vont revenir, on verra la place qu’on leur donne". Ce que souhaiterait Jérémie, c’est que les IPA puissent intervenir dans des domaines de santé plus élargis, mais avec une expertise plus grande.

On pourrait imaginer des infirmiers en neuro qui auraient fait deux ans d’IPA, et un an en plus de neuro, pour être plus efficients dans cette spécialité. Ça veut dire que l’on reconnait la compétence infirmière en leur accordant une compétence supplémentaire. Ça structurerait mieux les besoins

Jérémie Thezenas

Jérémie doit intervenir dans le cadre d’une conférence sur la maladie de Parkison en mai prochain en Guadeloupe. Seul paramédical invité à l'événement, il y défendra le rôle essentiel de ces professionnels dans la prise en charge des patients atteint de ce genre de maladie aux Antilles.