"On rentre chez soi et on se dit qu'on a fait du travail dégueulasse" : excédés, les soignants des hôpitaux publics dans la rue

Rassemblement des infirmiers et des aides-soignants devant le ministère des Solidarités et de la Santé, à Paris.
Ce mardi matin, infirmiers et aides-soignants s'étaient donné rendez-vous devant le ministère des Solidarités et de la Santé, à Paris, pour exprimer leur colère et leur désarroi face à leurs conditions de travail à l'hôpital public. La1ère.fr a recueilli leurs témoignages.

Danielle, infirmière à l'hôpital Broca à Paris 

 On fait du travail bâclé, et ce sont les patients qui en pâtissent

Danielle est infirmière à l'hôpital Broca à Paris. La Guadeloupéenne de 43 ans ne supporte plus de faire du travail "dégueulasse".

"On subit du sous-effectif permanent et on en a marre ! On ne peut pas travailler correctement : on est constamment en train de courir à droite, à gauche, on fait du travail bâclé et ce sont les patients qui en pâtissent. Et ça, c’est plus possible. Quand on rentre chez soi et qu’on se dit qu’on a fait du travail dégueulasse, je vous assure qu’on remet la profession en question.

Je travaille beaucoup en gériatrie. Ce sont des personnes âgées, certaines sont parfois démentes… C’est pas toujours facile de leur donner leurs médicaments : il y a du refus, de la violence parfois. Mais on ne peut pas passer autant de temps qu’on voudrait auprès d’elles. Quand on a 40 patients et qu’on est seule, comme dans la salle où je suis, ce n’est juste pas possible de prendre ne serait-ce qu’un quart d’heure pour chaque patient."


Rose-May, infirmière à l'hôpital Henri Mondor à Créteil (Val-de-Marne) 

 On a eu des drames, et je crains que ça se reproduise

Rose-Mai redoute la hausse de la violence, et de nouveaux drames, dans les services d'urgence.

"Aux urgences il y a de plus en plus de violence. Les patients qui arrivent pour recevoir des soins ne comprennent pas qu'ils doivent attendre des heures avant d'être pris en charge, et ça peut dégénérer. Des collègues sont parfois pris à parti, menacés de mort. Mais on peut comprendre que quand on arrive aux urgences avec sa vieille mère ou son enfant malade, on est très angoissé, on veut un diagnostic rapide !

Nous, à la CGT, on demande qu'il n'y ait pas plus de trois heures d'attente aux urgences des hôpitaux. Car on a eu des drames, après de longues attentes, et je crains que ça se reproduise, qu'on ait à nouveau des morts si on continue ainsi."


Micael, aide-soignant à l'hôpital Cochin à Paris 

Cette politique est dangereuse pour les soignants comme pour les patients 

 
Micael est aide-soignant à l'hôpital Cochin à Paris. Il dénonce une politique "dangereuse pour les soignants comme pour les patients".
  
"A Force Ouvrière on demande l'arrêt de la mutualisation des services entre les hôpitaux car cette politique est dangereuse pour les soignants comme pour les patients. Elle entraîne notamment des fermetures de lits, dans mon service on en a fermé huit. Et qui dit baisse du nombre de lits pour accueillir des patients dit baisse de l'activité, et donc baisse des rentrées d'argent...

Et la direction en profite alors pour dire qu'elle n'a pas les moyens de recruter du personnel pour palier le sous-effectif ! La conséquence de tout ça, c'est une mauvaise prise en charge des patients, et des soignants en souffrance au travail.


Martine*, aide-soignante à l'hôpital Bicêtre au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) 

Les effectifs sont mal répartis dans les services

"A l'hôpital il n'y a pas la même charge de travail selon les services, hors il y a peu d'effectifs et ils sont mal répartis car les quotas de personnel sont les mêmes partout. Prenons l'exemple de l'orthopédie, qui est un service très lourd avec des patients qui ne peuvent pas toujours se déplacer seuls, qui sont avec des appareillages, parfois des plaies ouvertes... C'est un travail très difficile physiquement, pénible. Mais le quotas d'infirmiers et d'aides soignants sera le même que dans un service de psychiatrie légère, qui nécessite beaucoup moins de travail physique. Ca ne peut pas continuer comme ça."

* Le prénom a été changé, Martine préfère rester anonyme.

Pierre Lacombe et Morad Bouretima ont recueilli le témoignage de deux jeunes infirmières de Guyane et de Guadeloupe qui travaillent aux urgences de l'hôpital Necker AP-HP de Paris. Regardez: 
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