Alors que l’opération Wuambushu semble souffrir d’un coup d’arrêt après une première semaine tumultueuse, elle agite toujours les bancs de l’Assemblée nationale.
"La submersion migratoire" selon Le Pen
La première députée à interpeller la Première ministre, lors des questions au gouvernement ce mardi 2 mai, est la figure d’extrême-droite Marine Le Pen.
"Non, nous n’avons pas à accueillir sur notre sol les délinquants étrangers qui bafouent les valeurs d’asile et d’accueil, lance-t-elle en faisant référence aux Comores et en amalgamant immigration et violence. Mais oui, nous avons à mettre un terme au cauchemar que vivent des Français, notamment en changeant profondément une partie de notre droit sur l’immigration." La députée RN en profite pour parler de son texte à ce sujet "prêt à être soumis au référendum".
"Mme la Première ministre, qu’allez-vous faire pour Mayotte ?", demande-t-elle. Elle prophétise que la situation sur l’île se perpétuera dans l’Hexagone et appelle le gouvernement à "mettre en place une politique dissuasive d’immigration" pour éviter cela.
Elisabeth Borne rétorque dans la foulée sur un ton offensif, accusant Marine Le Pen de se "placer dans la caricature, dans la posture au mépris de la réalité". Elle rappelle que "le gouvernement a mobilisé des forces de l’ordre exceptionnelles pour ramener la sécurité, la tranquillité à Mayotte".
"Nous luttons aux côtés des Mahorais contre l’immigration clandestine qui est l’un de nos combats", poursuit-elle avant de conclure : "La manifestation qui s’est tenue la semaine dernière, avec plus de 1.000 Mahorais en soutien à l’opération engagée par le gouvernement, est la preuve sur place que les Mahorais l’ont bien compris, nous sommes à leurs côtés."
"La France n’est pas à la hauteur" pour K/Bidi
La situation à Mayotte est également abordée par la députée réunionnaise Emeline K/Bidi mais sous un angle radicalement différent. Siégeant au sein de la Nupes, l’élue parle de l’opération Wuambushu comme d’un "fiasco total" avec des expulsions "jugées irrégulières", ou encore les Comores qui "refusent de récupérer [leurs] ressortissants".
"L’immigration incontrôlée et l’insécurité permanente appellent indéniablement des solutions et des moyens. Mais pour endiguer la misère, le mal-logement, le chômage, le manque d’eau, des centaines de policiers ne sauraient suffire", lance-t-elle, critiquant des actions de l'État qui "attise[nt] les violences" et "bafoue[nt] les droits humains".
"La France, pays des droits de l’Homme, n’est pas à la hauteur ici", juge-t-elle, avant de demander à Gérald Darmanin : "Quelle vraie solution avez-vous prévu pour les mineurs isolés, pour ces centaines de personnes que les Comores refusent, pour ces familles sans toit ? Quelle solution pour les Mahoraises et les Mahorais qui sont en droit d’espérer mieux de leur pays, de notre pays ?"
Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer rebondit alors sur les termes "immigration incontrôlée" utilisés par la députée. "Je ne peux mieux dire. Il y a à Mayotte une difficulté qui tient à la démographie" explique-t-il, faisant référence aux nombres d’enfants nés sur l'île de parents étrangers. Il pointe du doigt la surpopulation qui pose d’après lui "des tas de problèmes, des problèmes de l’eau, des problèmes de sécurité, des problèmes d’accès à l’alimentation, à l’école… "
Le ministre de l'Intérieur ajoute ensuite que "le premier problème des Mahorais" est celui de la "sécurité". D'où l'opération Wuambushu qui montre d'après lui son efficacité avec 22 interpellations depuis la semaine dernière. "C’est d’abord le rétablissement de la sécurité à Mayotte qui est la mère de toutes les batailles, avant d’aller vers le logement, vers l’eau et vers évidemment le progrès social", conclut-il.
"L'inefficacité de 40 ans de coopération" pour Youssouffa
Enfin, la députée mahoraise Estelle Youssouffa (LIOT) a interrogé la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna sur la pression que peut mettre la France sur les Comores. La plupart des personnes en situation illégale à Mayotte sont en effet originaires de cet archipel.
"Cette opération [Wuambushu] d'ordre public est freinée par l'obstruction comorienne, dénonce-t-elle. Les Comores qui refusent de reprendre leurs ressortissants malgré l'accord passé avec Paris et les 150 millions d'euros que la France a versés à ce titre."
Après avoir reproché au Quai d'Orsay de ne pas avoir prononcé "un seul mot", elle interroge Catherine Colonna : "Quand admettrez-vous enfin l'inefficacité de 40 ans de coopération avec Moroni [siège du pouvoir aux Comores, NDLR] ? Le nain diplomatique comorien vous a-t-il mis en échec ? Quelle crédibilité pour la stratégie indo-pacifique si la France n'arrive pas à défendre son territoire face aux Comores ? Quelles sanctions prendrez-vous contre les Comores qui déstabilisent Mayotte ?"
Face à ces questions, la ministre des Affaires étrangères a assuré n'avoir qu'un objectif : "conforter la place de Mayotte dans la République", et cela en travaillant main dans la main avec le ministère de l'Intérieur. Elle avance que l'accord mentionné par Estelle Youssouffa est efficace puisqu'il permettrait "d’opérer davantage de reconduites [vers les Comores] que vers tous les autres pays du monde".
Elle défend aussi les 150 millions d'euros versés pour la santé et la formation notamment et qui permettent de "lutter contre les causes profondes des migrations".