Plus qu'une championne, Alexie Alaïs est avant tout une guerrière. Rien n'arrête la Guyanaise, pas même une grave blessure au genou. Terrassée en septembre, opérée en octobre, elle remarche en décembre. Et la reine du javelot compte bien participer aux JO de Tokyo en juillet 2021.
L'image aussi a fait mal. Septembre 2020. Championnats de France d'athlétisme à Albi. Lorsque la Guyanaise Alexie Alaïs s'effondre à son quatrième essai, les observateurs font la grimace. Ils se doutent que la blessure est grave. Les plus pessimistes ne pensent pas la revoir sur une aire de lancer avant 2022. La logique devrait leur donner raison.
Ils ignorent qu'Alexie Alaïs n'est pas qu'une lanceuse de javelot. La Guyanaise n'est pas qu'une championne. Avant toute chose -et elle se définit d'ailleurs de la sorte- Alexie se sent guerrière. Le combat ne lui fait pas peur. Les défis non plus. La reconstruction de son genou gauche n'est qu'une péripétie, qui ne modifie en rien son rêve olympique.
La guerrière a retrouvé son genou
Nice. 1er octobre 2020. Le Docteur Alain Mandrino opère Alexie. Le chirurgien-orthopédiste se déclare satisfait de son travail, mais attend des progrès rapides de la part de sa célèbre patiente. Un mois plus tard, lors d'une visite de contrôle, il est déçu. La Guyanaise ne parvient pas encore à fléchir son genou à 90 degrés. "Il a retrouvé le sourire, il y a quinze jours lors d'une nouvelle visite, nous rassure Alexie. J'ai bien récupéré au niveau musculaire et donc de la flexion. Prochain rendez-vous début janvier pour déterminer si je peux reprendre les footings."
Notez bien qu'Alexie Alaïs parle d'être autorisée à reprendre la course à pied… trois mois seulement après une triple opération du genou. Si ce n'est pas une guerrière, qu'est-ce que c'est ? "Il y a eu beaucoup de changements, ces dernières semaines, confirme la championne de France 2020 du javelot.
Je remarche pratiquement sans béquille. Je monte les escaliers. Je peux faire du vélo. J'ai aussi repris la muscu. En résumé, je revis.
Cette renaissance accélérée, elle la doit au CERS. Dans ce centre situé à Saint-Raphaël dans le Var, Alexie Alaïs a trouvé des maîtres de la rééducation. Des kinés spécialisés et ô combien exigeants. Tout ce qu'il fallait à une Guyanaise ultra-déterminée : "J'y suis tous les matins du lundi au vendredi. Exercices de kiné purs de 8h00 à 10h30. Travail en piscine jusqu'à 11h30. Et enfin 30 minutes de prépa physique intense. Tout cela sans aucun temps mort. Je suis programmée au CERS jusqu'à la fin du mois de janvier et laissez-moi vous dire que je retrouve la forme à vitesse grand V !"
La guerrière a aussi retrouvé son javelot
Un travail de réathlétisation ultra-intense tous les matins. Et l'après-midi ? Quartier libre ? Pas le genre de la maison Alaïs. Si Alexie n'est pas trop fatiguée, elle va retrouver son groupe d'entraînement au CREPS de Boulouris. Non pas pour faire acte de présence, mais bien pour… lancer. "Le 1er décembre, soit deux mois jour pour jour après mon opération, j'ai repris un javelot en main. Du lancer statique bien sûr mais j'étais déjà tellement contente !"
Surtout que David Brisseault son entraîneur sait se montrer très imaginatif : "C'est du David tout craché. Il a connu tellement de blessures durant sa carrière d'athlète qu'aujourd'hui, il sait ce que je ressens. Il parvient à mettre en place des exercices qui permettent de travailler mon lancer sans solliciter mon genou. C'est à la fois ludique et hyper-pro. Tout ce que je recherche."
Si le plan de reconquête se trouve respecté à la lettre, la championne guyanaise n'a pas hâte pour autant de reprendre la compétition. L'enjeu premier est ailleurs. "Je ne me fixe aucune date de retour. Mon objectif unique est de me sentir en pleine forme. Avec bien sûr l'ambition de me qualifier pour les JO de Tokyo en juillet 2021. Donc savoir si je vais relancer en avril, mai ou juin, peu importe. Je veux juste être prête à me relancer dans l'arène."
La guerrière est bien entourée
La grande chance d'Alexie Alaïs ? Ne pas être une Rambo au féminin. Traduction : pas une solitaire. La Guyanaise peut notamment compter sur sa famille. En novembre dernier, sa mère devait venir passer quelques jours avec elle. Grosse surprise à l'aéroport de Nice : "J'ai tout d'abord vu ma mère. J'étais très émue de la retrouver. Puis j'ai découvert que mon père avait fait le déplacement avec elle. Et enfin, mon filleul (le fils de ma sœur) les accompagnait. Que demander de plus ? Le bonheur intégral !"
Surtout que la lanceuse de javelot a aussi le soutien sans faille de son club du CA Montreuil, des dirigeants de la Fédération et de nombreux athlètes qui lui envoient régulièrement des messages.
"C'est très touchant, toute cette sollicitude. Je me sens vraiment épaulée."
Certains même n'hésitent pas à lui offrir un soutien logistique précieux. Ce fut le cas de la sauteuse en longueur guadeloupéenne Éloyse Lesueur : "Je ne la remercierai jamais assez. Durant les premiers jours qui ont suivi mon opération, elle est venue m'apporter mes repas tous les soirs à la maison. Elle m'a aussi beaucoup parlé. Me mettant en garde contre certaines pratiques dans le sport professionnel. Une grande dame. Vraiment."
En réalité, si Éloyse Lesueur n'a plus besoin d'apporter ses repas à Alexie, c'est parce que cette dernière a retrouvé son… amoureux. "Il travaille à la mairie de Macouria et a demandé une disponibilité d'un an pour être à mes côtés jusqu'aux Jeux Olympiques. Lorsque le maire a appris son projet, ils l'ont pratiquement jeté dans l'avion pour l'Hexagone. Trop fiers qu'une Guyanaise du cru prépare les JO."
Pendant qu'Alexie se rééduque et s'entraîne toute la journée, l'amoureux en profite pour s'adonner à sa passion : le cyclisme. Son niveau le situe parmi les meilleurs de son département. À Saint-Raphaël, il a tout le loisir de s'exercer sur les belles routes du Sud. Le soir venu, les deux tourtereaux se retrouvent heureux et fatigués : "C'est bien simple, rigole Alexie. Au programme : la douche, le dîner et à 21h00, tout le monde dort !"
Le fameux repos de la guerrière...