Les monopoles contribuent directement au coût élevé de la vie quotidienne dans nos territoires, selon le ministre de l’Intérieur et des outre-mer. Gérald Darmanin veut limiter leur influence. Son objectif est "de casser des monopoles, de bousculer des intérêts (…souvent très puissants) et de redonner la plus libre concurrence possible à l'intérieur des territoires ultramarins".
Il a pris certains décideurs au dépourvu lors de la troisième édition du forum "Les outre-mer aux avant-postes", organisé par Le Point à Paris. Gérald Darmanin s’est voulu clair : "Je ne suis pas un socialiste révolutionnaire, mais je peux cependant constater qu'il y a des monopoles capitalistiques insupportables. Quelques familles, qu'elles soient extérieures aux territoires, ou de l'intérieur du territoire, qui organisent la non-concurrence. On ne peut pas accepter le monopole de la distribution, de la production (…)".
Les filières de la canne et de la banane dans le viseur
Il cite des exemples : "Ce qui se passe en Martinique à propos de la canne et de la banane n'est pas acceptable. C'est le cas aussi en Guadeloupe et à La Réunion". Le ministre pense que l’accaparement des richesses par une petite minorité génère frustration sociale et radicalisme politique : "Il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des territoires qui ont des associations qui veulent l'indépendance si la République n'est pas capable de mettre fin à des monopoles d'argent".
Ces déclarations font écho au quinzième anniversaire des crises sociales qui ont secoué la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe entre novembre 2008 et mars 2009. La dénonciation de la vie chère était au cœur des mobilisations populaires.
Gérald Darmanin donne aussi une résonance à la tentative du gouvernement socialiste de François Hollande de renverser la table. Le ministre des outre-mer d’alors, Victorien Lurel, n’a pas pu faire appliquer la loi de 2013 votée à son initiative sur la fin des monopoles et oligopoles. Le ministre valide également, sans le dire, les conclusions de la commision d’enquête parlementaire sur le coût de la vie outre-mer dont le rapporteur était le député de Martinique Johnny Hajjar.
Les patrons sont mécontents du ministre
Ces propos du numéro 3 du gouvernement ont provoqué l’exaspération de l’un des plus influents groupes de pression des milieux économiques. La FEDOM (Fédération des entreprises d’outre-mer) regrette cet "anathème sur les opérateurs économiques".
Le ministre "sous-estime le rôle et le travail de l’autorité de la concurrence sur la question des monopoles », écrit-elle dans sa dernière lettre d’information. Les écarts de prix s’expliquent aussi par "l’inaction des pouvoirs publics centraux ou locaux".
La FEDOM déplore ces déclarations "qui occultent la complexité des situations". Elle se dit en attente, par exemple, d’une loi d’orientation ou de programmation du développement. Cette initiative pourrait "redonner de la cohérence entre l’action de l’Etat sur les territoires (…) , les trajectoires et les stratégies territoriales définies par les collectivités locales (…) ) et les besoins des acteurs économiques ".
Malgré tout, les hauts dirigeants de l'État reconnaissent que le coût élevé de la vie engendre une instabilité persistante qui entrave l'essor de l'activité économique, la libération des forces productives, la concurrence commerciale et l'innovation technologique. En conséquence, la modernisation des régions d'outre-mer est compromise par des pratiques archaïques que le gouvernement juge injustifiables.