Les premiers câbles sous-marins
Le premier câble sous-marin de télécommunications a traversé la Manche en 1850 pour relier le cap Gris-Nez et le cap Southerland en Angleterre. Il a fonctionné pendant 11 minutes. Huit ans plus tard, le premier câble transatlantique est posé entre Valentia en Irlande et Trinity Bay en Terre-Neuve, soit 4 200 km de câbles. Il a permis de transmettre le premier message de 100 mots entre la reine Victoria et le président des États-Unis. Enfin, le premier câble sous-marin reliant la France et les États-Unis est arrivé en 1869. Il reliait Brest à Cape Cod près de Boston via Saint-Pierre-et-Miquelon.
Désormais, plus de 450 câbles sous-marins occupent le fond de nos océans. Le plus long, 2Africa, est en cours de déploiement et s’étendra sur 45 000 km. Il reliera en 2024, 33 pays, dont la France, et 3 continents, l’Afrique, l’Europe et l’Asie.
Un fil de l’épaisseur d’un cheveu
ASN, Alcatel Submarine Networks est l’un des quatre principaux fabricants mondiaux de câbles sous-marins. L’an passé, dans cette usine où se relaient 600 salariés 24h sur 24 et 7 jours sur 7, 45 000 km de câbles ont été construits.
La fibre optique, capable de transmettre des ondes lumineuses et transmettre nos données, fait la taille d’un cheveu. Dans les câbles, elle fonctionne par paire, une pour chaque sens de transmission. Un seul câble peut en accueillir jusqu’à 40. Très fragile, elle est d’abord colorée pour être repéré lorsqu’une panne se produit et ensuite protégée. C’est le métier et le savoir-faire d’ASN: " La première étape, c'est d’abord d’intégrer les fibres dans un tube inox, ensuite, on vient rajouter autour du tube des fils d'aciers qui sont tressés et qui permettent de protéger l’intérieur de la pression au fond de l’eau." indique Florence Palacios, la directrice d’ASN.
Le cuivre ou l’aluminium permettra ensuite d’accompagner l’électricité indispensable à l’amplification du signal optique. Une dernière couche isolante et le câble, dont certains sont à peine plus épais qu’un tuyau d’arrosage, va rejoindre une immense cuve ou il sera enroulé par des "lovers". "Ça parait simple comme ça, mais c’est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Si le lovage est mal réalisé, ça peut créer une défaillance électrique et donc un problème pour nous et notre client", affirme Thomas Lecointe, le directeur opérationnel du site. "À ce jour, nous n’avons pas trouvé de moyens plus efficaces que la force des bras pour réaliser cette opération", ajoute-t-il.
Avant de rejoindre les navires câbliers chargés de les déployer au fonds des mers, ces câbles sous-marins vont être raccordés à des répéteurs. "Pour que le signal puisse traverser les mers sur plusieurs milliers de km, il est nécessaire d’amplifier le signal à peu près tous les 70 km".
Les ambulances de l’internet
Nous avons pu visiter l’un de ces navires câbliers à Brest. Le Pierre de Fermat appartient à la Compagnie française Orange Marine, filiale maritime de l'opérateur français de télécommunication Orange. Elle en possède six, ce qui représente environ 1/3 de la flotte mondiale.
Ce navire, avec son robot sous-marin et sa charrue, parcours les océans pour poser des câbles, mais aussi pour les réparer lorsqu’une panne intervient : "Nous avons notamment posé le câble Kanawa qui relie la Guyane à la Martinique. Il a aussi déployé un câble en Guadeloupe pour raccorder les îles des Saintes, Marie-Galante et la Désirade à l’île principale de la Guadeloupe qui elle-même est connectée par des câbles transatlantiques vers le reste du monde", affirme Didier Dillard, Directeur général Orange Marine.
Le câble est simplement déposé au fond de la mer ou enterré au moyen d’une charrue. Celle-ci effectue une tranchée pour permettre "l’ensouillage" du câble et ainsi, le protéger surtout en eau peu profonde des chaluts et des ancres qui pourraient l’endommager.
La réparation, c’est la deuxième mission de ces navires câbliers. Ces 15 dernières années, Orange Marine a effectué plus de 600 interventions partout dans le monde.
Le navire vient se placer juste au-dessus de la zone où le câble est endommagé. "On va se positionner au plus près du défaut, plonger éventuellement notre robot sous-marin pour aller vérifier la position du défaut et pour pouvoir commencer la réparation", explique Cédric Boulos, le commandant du navire.
Le robot sous-marin équipé de 5 caméras est commandé depuis le navire. Il va repérer et inspecter le défaut, puis couper le câble endommagé grâce à un bras articulé et le remonter à la surface. Les jointeurs vont ensuite prendre le relais. L’enveloppe du câble est dénudée et les fibres optiques sont ressoudées. "Je dis toujours, c'est comme un tuyau d'arrosage, là où c'est percé, on coupe le bout, on remet un bout nouveau et on refait deux joins", indique en souriant Yves Delhumeau, le responsable des jointeurs. La soudure effectuée, le câble va pouvoir retrouver sa place au fond de l'eau.
L’appétit insatiable des GAFAM
Malgré l’essor des satellites, les câbles sous-marins demeurent le meilleur relais pour faire transiter nos données. De quoi continuer à affuter les appétits des géants de l’internet. Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook et Microsoft) dont les bénéfices se comptent en dizaines de milliards de dollars, financent aujourd’hui plus de 70 % des câbles posés au fond des mers. Meta (anciennement Facebook) est membre du consortium 2Africa. A l’horizon 2024, ce câble offrira une connectivité internationale sans faille à environ 3 milliards de personnes, soit 36 % de la population mondiale.
Reportage Pierre Lacombe, Bruno Gabetta et Hugo Laridon :