Avec la pêche, le nouveau ministère de la Mer récupère un dossier épineux

Saint-Pierre et Miquelon
"Il ne faut pas opposer les utilisateurs de la mer": en récupérant, en lien avec d'autres ministères, le dossier de la pêche, la toute nouvelle ministre de la Mer, Annick Girardin, va devoir concilier des intérêts souvent divergents entre les marins-pêcheurs et les défenseurs de l'environnement.
Le ministère de la Mer nouvellement créé sera en charge de la politique en matière de pêche maritime, mais "en lien avec le ministre de l'Agriculture", selon un décret définissant ses attributions publié vendredi au Journal officiel.

Le nouveau ministère, dévolu à Annick Girardin, "définit et met en oeuvre, en lien avec le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, la politique en matière de pêches maritimes, notamment en ce qui concerne la réglementation et le contrôle de ces activités ainsi que le financement des entreprises de la pêche", précise le décret.

"Le choix du Premier ministre" est de donner "un portage politique unifié" à la stratégie maritime de la France, a affirmé Mme Girardin vendredi sur France Inter, avant de ménager les susceptibilités et d'ajouter que "bien sûr, plusieurs ministres interviennent sur le secteur maritime et c'est ensemble que nous allons le faire".

Concernant la pêche, toutefois, Mme Girardin s'est voulue très claire:
 

C'était compliqué d'avoir un ministère de la Mer sans la pêche, pour la fille de marin que je suis, pour celle qui a toujours porté les combats de la pêche.

Annick Girardin, ministre de la mer 



Globalement, ONG environnementales et acteurs économiques de la mer saluent le retour après quasiment 30 ans d'absence d'un ministère de plein exercice dédié intégralement à la Mer, mais attendent de voir les priorités de sa feuille de route.

"C'est assez satisfaisant, c'est assez novateur, par rapport à tout ce qui s'est fait depuis 40 ans", a déclaré à l'AFP Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches, optimiste sur "l'articulation entre les différents ministères" et qui évoque un dispositif "équilibré".

Cette architecture est également jugée intéressante par François Chartier, chargé de campagnes Océans, chez Greenpeace France: "Que la pêche ne soit plus à l'agriculture n'est pas un recul, c'est clair et net. (...) L'assimiler à l'agriculture était une erreur et tendait à défendre un modèle productiviste industriel, qui a montré son échec, notamment en Europe avec la politique commune des pêches."

Il s'est montré plus sceptique sur la volonté de la ministre de "s'approprier l'enjeu de protection des océans". Il réclame notamment un "moratoire sur l'exploitation des minerais de fonds marins".
 

"On sait qu'on va entrer dans un moment difficile

"Il ne faut pas opposer les utilisateurs de la mer", a déclaré Mme Girardin, résumant les "deux priorités" dressées par l'Elysée: d'un côté "l'environnement, l'écologie, la lutte contre le dérèglement du climat, la biodiversité", de l'autre "le développement économique et l'emploi".

Pour asseoir sa légitimité, Mme Girardin a rappelé venir "d'un territoire, Saint-Pierre-et-Miquelon, (...) qui a souffert de la surpêche, qui se relève d'ailleurs encore difficilement de cette crise économique, puisque c'était une mono-industrie".

"J'ai à coeur de défendre effectivement les pêcheurs", a-t-elle souligné. "On sait qu'on va entrer dans un moment difficile, avec le Brexit, avec les négociations pêche, qu'on va avoir aussi à porter des sujets importants au niveau européen... et donc la pêche, pour moi, c'était important qu'on puisse la gérer en direct".

Autres compétences partagées: Annick Girardin exercera "conjointement" avec le ministère de la Transition écologique --chargé des transports-- "les attributions relatives aux ports, aux transports maritimes, à la marine marchande et à la réglementation sociale dans le domaine maritime".

"On a dénombré 11 compétences exercées conjointement avec (d'autres ministères) et cinq politiques auxquelles (Mme Girardin) est associée, tout va être une question de collaboration avec les autres ministres pour que ce soit de la complémentarité et non pas de la rivalité", a résumé Charlotte Nithart, porte-parole de l'ONG Robin des Bois.


Deuxième zone économique exclusive au monde grâce aux outre-mer

Elle a toutefois un "a priori positif", rappelant que lorsqu'elle était ministre des Outre-mer, Mme Girardin a "mouillé la chemise" pour améliorer la gestion des conséquences environnementales de l'ouragan Irma en 2017 à Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Le renouvellement de la flotte de pêche, plus économique et vertueuse ou la "sensibilisation environnementale" des futurs marins sont des dossiers susceptibles de faire l'unanimité, pour Frédéric Moncany de Saint-Aignan, président du Cluster Maritime Français, qui représente 430 acteurs de la mer.

Avec 11 millions de kilomètres carré, la France possède en surface la deuxième zone économique exclusive au monde, à 97% grâce aux outre-mer.