Peuples autochtones: la France doit reconnaître les spécificités des Kanaks et des Amérindiens(CNCDH)

Les Amérindiens de Guyane et les Kanak de Nouvelle-Calédonie, "peuples autochtones", continuent à subir une marginalisation et un manque d'accès aux droits, dans une France qui ne reconnait pas formellement ces peuples, déplore la Commission nationale consultative des droits de L'Homme (CNCDH).
Dans un avis adopté jeudi à l'unanimité, la CNCDH s'est penchée sur "la place des peuples autochtones dans les territoires ultramarins français", première partie d'un travail plus global sur les droits de l'homme en Outre-mer, qui fera l'objet d'autres avis à venir et d'une publication, a indiqué à l'AFP la présidente de la CNCDH, Christine Lazerges. 

"On attaque par ce qui est le plus délicat, là où on est le plus loin de l'égalité réelle", a-t-elle expliqué, faisant référence à la loi Egalité réelle outre-mer, récemment adoptée au Parlement. Pour cet avis, la CNCDH s'est focalisée sur les Amérindiens de Guyane et les Kanaks de Nouvelle-Calédonie, "les seuls peuples autochtones de la République française" selon les critères de l'ONU: antériorité dans un territoire donné; expérience de la conquête ou de la colonisation; situation de non dominance; revendication identitaire.
 

Utiliser le terme "peuples autochtomes" plutôt que "populations"

Les Amérindiens représentent moins de 5% (soit entre 6.000 et 10.000 personnes) de la population de Guyane, et les Kanaks environ 39% de la population de Nouvelle-Calédonie. La France refuse de reconnaître formellement "les peuples autochtones", car cela remettrait selon elle en cause le principe d'unicité et d'invisibilité de la République, une analyse contestée par la CNCDH. 

La CNCDH, qui fait au total une quinzaine de recommandations, préconise notamment d'utiliser le terme "peuples autochtones" plutôt que "populations". Utiliser "Peuple" renvoie beaucoup mieux à une communauté et à des coutumes et c'est déjà une reconnaissance de leurs spécificités", estime Christine Lazerges.  
 
 

Les autochtones subissent une marginalisation et un manque d'accès aux droits 

Mais la CNCDH remarque que "la situation des Kanaks est appréhendée par l'Etat de façon totalement différente de celles des Amérindiens". Ainsi, avec l'accord de Nouméa (1998) qui "reconnaît explicitement la légitimité des revendications des Kanaks", "la Nouvelle-Calédonie est le seul exemple des territoires ultramarins français dans lequel sont reconnues constitutionnellement les spécificités des peuples autochtones". A l'inverse, la prise en compte des particularisme autochtones demeure difficile en Guyane, "où la tendance est à l'alignement sur le droit commun".

 

La CNCDH note certains efforts pour prendre en compte les spécificités autochtones, comme la création d'un Sénat coutumier en Nouvelle-Calédonie ou celle du Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge en Guyane, transformé récemment en Grand conseil coutumier.

Mais "les mesures prises restent lacunaires, les autochtones continuant à subir une marginalisation et un manque d'accès aux droits". Elle recommande notamment à la France de ratifier la "Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'Organisation internationale du travail", seul instrument juridique contraignant assurant "une véritable protection aux membres des peuples autochtones", et reconnaissant "le droit collectif à la terre", c'est à dire la reconnaissance de la propriété collective. Il s'agit d'une revendication forte de ces deux peuples.   


"Un acte fort est nécessaire" 

"Au regard de la situation de détresse sociale, économique et environnementale de ces peuples, un acte fort de l'Etat est nécessaire", insiste la CNCDH, qui recommande aussi de mieux les faire participer à "la prise de décision" les concernant. Plus globalement, elle note que pour les Amérindiens guyanais, notamment ceux de l'intérieur du département, qui vivent dans une zone très peu urbanisée, "l'accès aux services primaires (eau potable, électricité, soins primaires, scolarisation) et aux services régaliens (inscription à l'état civil, etc.) n'est pas pleinement assuré".

"Il n'y a pas ou peu d'accès au numérique, pas de couverture téléphonique et 60% du département n'est pas accessible par voie terrestre. Rejoindre certains villages
nécessite parfois plusieurs jours de navigation, en pirogue". 

Pour les Kanaks, outre des conditions socio-économiques difficiles et un droit foncier à améliorer, la commission relève notamment leurs difficultés pour l'inscription sur les listes électorales, alors qu'un référendum d'autodétermination est prévu l'an prochain.