Philippines et Tanzanie : un embargo sur le nickel inspiré de la « doctrine Allende » ?

Le président chilien Salador Allende annonce aux mineurs la nationalisation du cuivre au Chili (1971)
Le nickel reste stimulé par l'incertitude en cours aux Philippines et par la Tanzanie qui a instauré un embargo sur les exportations de nickel. L’objectif de ces deux pays est d’imposer, après l'Indonésie, la construction d’usines de transformation aux sociétés multinationales.
Le sentiment général est plutôt favorable. En 2016, la hausse du nickel (17 %) a été pondérée si on la compare à d'autres métaux industriels. Il y a donc encore de la marge. À la City, ce lundi, le métal évoluait dans une fourchette de prix comprise entre 10.937 et 11.080 dollars. Dans l'attente de décisions politiques aux Philippines, comme dans les années 70 au Chili.

Du minerai

Le 11 juillet 1971, Salvador Allende procéda à la nationalisation des mines de cuivre du Chili. Si l’objectif affiché était de mettre fin au "hold-up" sur les ressources du pays, il s’agissait aussi de rendre leurs terres aux populations Mapuches. Comparaison n’est pas raison. Cependant, la stratégie suivie par l’Indonésie depuis 2014 – un embargo sur les exportations de nickel pour favoriser la construction d’usines et obtenir la plus-value que représente la transformation métallurgique du minerai, n’est pas sans rappeler la nationalisation ou « chilénisation du cuivre » par Allende.
Minerai de nickel calédonien dans l'usine SLN (Eramet) de Doniambo en Nouvelle-Calédonie

Au métal

Après l’Indonésie en 2014, les Philippines s’interrogent. Faut-il fortement dinimuer ou arrêter les exportations de minerai ? En Afrique, la Tanzanie a tranché. Elle vient d'instaurer un embargo sur le nickel : « La stratégie de ces deux pays qui consiste à décréter ou à envisager un embargo sur les exportations de minerai de nickel, est effectivement, mais pas seulement, un héritage de la doctrine Allende. Les pays producteurs de nickel nationalisent le métal car c'est lui qui apporte la plus-value » précise Philippe Chalmin, professeur en économie à Paris-Dauphine et directeur du rapport Cyclope sur les matières premières, à La1ere.fr.
"Chips" de ferronickel calédonien SLN 25 [Eramet] pour l'acier inoxydable

Diminution ou embargo ?

Après avoir annoncé une possible diminution de près de 50 % de ses exportations de minerai de nickel, les Philippines s’orienteraient, en ce début de semaine, vers un embargo. Cette dernière information, reprise par les agences économiques, n’a pas encore de conséquence sur les cours du nickel, mais les analystes sont prêts. Ils savent que les Philippines ont exporté 36 millions de tonnes de minerai en Chine l’an dernier. Un embargo de Manille affolerait le marché et pourrait faire flamber les cours du métal. Lundi soir au LME, le nickel a de nouveau franchi le seuil symbolique des 11.000 dollars la tonne. 

Embargo tanzanien sur le nickel

Cette politique d’embargo minier (ban, en anglais), initiée par l’Indonésie en 2014, commence donc à faire des émules. Outre les Philippines qui l’envisagent, la Tanzanie a stoppé ses exportations depuis le 2 mars. Petit producteur de nickel, sa décision envoie malgré tout un signal fort : 30.000 tonnes de métal seront retirées du marché mondial. La Tanzanie revendique, elle aussi, la construction d’usines sur son sol afin de transformer localement le nickel : « Les entreprises étrangères qui exportaient des minerais en vue de leur enrichissement ont cessé de le faire », précise le gouvernement tanzanien.
 

Le marché du nickel à Londres

En toile de fond, le nickel reste freiné par une offre encore abondante. Les stocks du LME sont importants avec 377.280 tonnes de métal pour les entrepôts officiels. Enfin, "les indices, moins bons que prévu, de la croissance chinoise" sont un autre élément de pondération des prix souligne le négociant londonien Marex Spectron.