PODCAST. Aller sans retour, les enfants exilés de La Réunion

Aller sans retour, les enfants exilés de La Réunion
Entre 1962 et 1984, l’État français a organisé l'exil de plus de 2000 enfants et adolescents de la Réunion vers l’Hexagone. Pris en charge par les services de l’enfance, certains étaient orphelins, mais d’autres ont été enlevés à l'autorité de leur famille en échange de fausses promesses. Le podcast "Aller sans retour", retrace le parcours de vie de quatre des ces enfants.

Le podcast Aller sans retour, les enfants exilés de la Réunion, retrace le parcours de vie d'Anne, Denise, Jessie et Stéphane, quatre enfants nés à La Réunion et exilés dans l'Hexagone.
L'arrachement à leur île natale, leur enfance en France hexagonale, la quête de leur identité et l’importance du travail de mémoire sont au cœur de ce récit en quatre parties.

Un exil organisé par l’État français

Entre 1962 et 1984, l’Aide sociale à l’enfance a organisé le déracinement de plus de 2000 enfants et adolescents de la Réunion vers l'Hexagone. Officiellement, il s'agissait de freiner la démographie galopante de l’île et de repeupler les zones rurales françaises. Pris en charge par les services de l’enfance, certains de ces enfants étaient orphelins, mais d’autres ont été enlevés à l'autorité de leur famille en échange de fausses promesses. Tous sont partis pour un aller sans retour.

Dispersés dans 83 départements, les premiers ont été envoyés en Creuse, d’où leur nom d’enfants dits de la Creuse. Placés dans des fermes, dans des familles d’accueil, en foyer ou adoptés, ces jeunes ont subi une série de traumatismes. Un choc culturel voire physique pour certains, psychologique pour beaucoup.

Soixante ans après le début de ce scandale d'État, comment les ex-mineurs ont-ils construit leur identité malgré ce déracinement ?

‍Des témoignages poignants

Anne, Denise, Jessie, et Stéphane ont fait partie de ces enfants déplacés dans l'Hexagone.
Ils témoignent dans Aller sans retour.


Dans le premier épisode,
chacun évoque l'arrachement à son île natale.

Le deuxième épisode s'attache aux récits de leur enfance dans l’Hexagone.

Le troisième épisode est consacré à la quête de leur identité après qu’ils ont appris les raisons de leur "transfert" en France hexagonale.

Et enfin, le dernier épisode revient sur l’importance du travail de mémoire. Comment "Les enfants de la Creuse" se battent pour que leur histoire soit reconnue et ne tombe pas dans l’oubli.

Des destins bouleversés

  • Anne David, exilée dans le Finistère à 18 mois

À gauche : Anne à la pouponnière, à droite : son attestation de départ pour l'Hexagone

Placée à la pouponnière de la Providence à Saint-Denis de La Réunion à 3 mois, Anne est adoptée par un couple de Bretons en 1970. Elle grandit en Bretagne rurale auprès d'une famille adoptive bienveillante bien qu'elle soit victime de remarques racistes par certains enfants. Elle a toujours su qu’elle était originaire de La Réunion, ses parents ne lui ont jamais caché son adoption. Ce n'est qu’à 49 ans, qu’Anne découvre qu'elle fait partie des enfants dits de la Creuse. Des souvenirs de la pouponnière remontent alors qu’elle regarde un reportage sur les enfants de la Creuse à la télévision. Elle prend conscience que très probablement l'histoire de ces enfants la concerne, elle aussi. Elle se rapproche alors de la FEDD* (fédération des Enfants Déracinés des DROM) pour vérifier si elle a fait partie de cet exil forcé. Elle récupère son dossier en 2017. Anne considère qu’elle a eu une chance inouïe car malgré un dossier très incomplet, elle peut découvrir son nom de famille. Elle lance un appel via les réseaux sociaux pour retrouver sa famille biologique. Une demi-sœur la contacte par ce biais et lui apprend qu’elle est la petite dernière d’une fratrie de 7 enfants et la seule à avoir été envoyée dans l'Hexagone.

  • Jessie Moënner, exilée dans le Gers à 11 ans
Jean-Thierry, Patricia et Jessie chez leurs grands-parents adoptifs .

Jessie, son frère Jean-Thierry et sa sœur Patricia sont séparés de leur famille de La Réunion en 1966. Jessie en garde le sentiment d'avoir été volée dans la rue. Les trois enfants sont placés temporairement en foyer sur l'île, alors que leur adoption est déjà actée avant même le départ pour l'Hexagone. Après trois mois passés à l’aérium de Saint-Clar et malgré les doutes des services sociaux, la fratrie est adoptée par un couple de professeurs installés à Auch. Le père se montre tyrannique et violent. Les trois enfants doivent respecter des règles strictes sous peine de sanctions. Jessie est abusée et tente de se rebeller, mais elle se heurte à l’incompréhension des services sociaux.

  • Stéphane Gourdon, exilé à Angers à 2 ans
Stéphane entouré de ses parents adoptifs

Le témoignage de Stéphane, concernant son départ de La Réunion, est très positif, contrairement à ceux de nombreux ex-mineurs réunionnais. Pour lui, avoir été adopté a été une chance. Séparé de sa mère biologique à neuf mois, Stéphane grandit au sein d’une famille adoptive aimante dans le Maine-et-Loire. En 1975, Marie et Jean-Pierre Gourdon acceptent d’adopter leur futur enfant sur simple présentation d’une photographie du nourrisson. Quelques semaines plus tard, un télégramme indique au couple qu’il doit se rendre à l’aéroport d’Orly pour accueillir Stéphane.

  • Denise Martin, exilée à Pau à 11 ans
Denise et sa fratrie à Pau

Denise est placée dans un pensionnat religieux de La Réunion à 5 ans, à la suite du décès de son père et alors que sa mère est enceinte d'un septième enfant. Deux de ses grandes sœurs sont envoyées dans l’Hexagone en 1964. Un an plus tard, les quatre derniers de la fratrie, dont fait partie Denise, arrivent dans un foyer de redressement à Pau. Denise est alors âgée de 11 ans. Coupée de sa mère et de sa sœur aînée restées à La Réunion, Denise est baladée de foyer en foyer dans l'Hexagone. Ce n'est que bien plus tard qu’elle apprend que sa mère a été flouée par les services sociaux. Les papiers signés à l’époque laissent entendre qu’un retour à La Réunion était prévu pour les enfants de la fratrie.

*FEDD : fédération des Enfants Déracinés des DROM

En 2015, c'est sous l'impulsion des associations "Rasinn Anler" (La Réunion), "Couleur Piment Créole" et "Les Réunionnais de la Creuse" (Hexagone), rejointes en 2019 par "Rasine Kaf" (La Réunion) que la FEDD a été constituée. La Fédération permet une synergie afin de faire reconnaître l'histoire des enfants réunionnais exilés de force de 1962 à 1984.

Le site de la FEDD est à retrouver ici.

Les épisodes du podcast Aller sans retour sont à retrouver ici.

Production : Initial Studio avec la participation de France Télévisions
Écriture : Yann Besson et Benjamin Cornuez
Réalisation : Yann Besson et Benjamin Cornuez avec l'aide de Johanna Lalonde
Voix : Alexie Le Corroller
Musiques : Sorg, Zooliya et Racines mêlées.
Durée : 4 x 25 minutes