Meurtre à l’Ile-aux-Chiens
Le 31 décembre 1888, le père Coupard François, marin-pêcheur, âgé de 61 ans est trouvé mort dans sa cabane de pêche, le corps horriblement mutilé. Un de ses employé habitait avec lui : Louis Ollivier. Les deux hommes avaient de fréquentes altercations mais ces disputes ne dégénéraient jamais. Hors, la nuit du meurtre, les enquêteurs découvrent que Louis Ollivier a été vu avec un individu nommé Auguste Néel, employé lui aussi du père Coupard. Cette même nuit, les époux Juin, proches voisins de Coupard, entendent un tapage effroyable et des chants venant de la cabane du pêcheur. Les soupçons se portent naturellement sur Louis Ollivier et son comparse qui ont disparu avec l’embarcation de leur patron. Les deux suspects ont effectivement tenté de fuir et de gagner Terre-Neuve au Canada. Mais leur tentative échoue. Le matin du 1er janvier, ils sont de retour en ville et interpellés.
Arrestation et procès
À peine arrêtés, Néel et Olliver sont conduits sous bonne escorte sur les lieux du crime pour y être confrontés au cadavre de pauvre Coupard. Rapidement, ils font des aveux complets. Néel aurait frappé le premier, Ollivier n’aurait frappé qu’après, sur l’invitation de son complice. Interrogés pour savoir dans quel but ils avaient tenté de dépecer le cadavre de leur victime, ils répondent qu'ils voulaient savoir “s’il était gras" et qu'ils étaient complétement ivres au moment des faits. Sur cette île paisible, leur abominable forfait soulève l’indignation publique. L’instruction de cette affaire est menée très rapidement. Le tribunal criminel peut se réunir en session dès le 6 février 1889. Ce jour là, la salle d’audience est comble. Après une délibération assez courte le verdict tombe : Olliver est condamné à dix ans de travaux forcés, le ministère public estimant qu'il était sous l'emprise de Néel au moment des faits. Néel est quant à lui condamné à la peine de mort.
La seule exécution à Saint-Pierre et Miquelon
Le 9 février, Néel se pourvoit en cassation contre l’arrêt du tribunal criminel, mais pour parer à l’éventualité du rejet de son pourvoi, il forme un recours en grâce le 9 avril suivant. Le 12 avril, la Cour Suprême rejette le pourvoi de Néel. Le condamné n’a donc plus qu’à attendre la décision en dernier ressort du président de la République. Fin juillet, la nouvelle arrive par télégraphe à Saint-Pierre : le recours en grâce est rejeté. Pour l'exemple et à hauteur du choc pour les habitants, les autorités ont décider d'exécuter Auguste Néel, considéré comme le cerveau de l'opération.
L’autorité administrative se retrouve dans une situation inédite. On se demande comment assurer le cours de la justice puisqu'il n'y a n'y bourreau ni guillotine sur l'archipel. L'agonie morale de Néel dure six mois, le temps de faire venir une guillotine de Martinique. Ne trouvant personne pour faire office de bourreau, les autorités finissent par promettre la grâce à un pêcheur condamné pour vol qui accepte d'exécuter la sentence.
Le 24 août 1889 au matin, Auguste Néel est décapité. Mais l'exécution est une suite d'incidents macabres. Le Procureur de la République Maurice Caperon, ébranlé par tant d'horreur, écrit dans son journal que plus jamais il ne réclamera la peine capitale. La décapitation d'Auguste Néel fut dont la seule exécution publique jamais orchestrée à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ce fait divers a inspiré le film "La Veuve de Saint-Pierre" de Patrice Leconte sorti en 2000 avec Juliette Binoche, Daniel Auteuil et Emir Kusturica.
"La veuve de Saint-Pierre", un podcast écrit par Léia Santacroce, raconté par Stana Roumillac
Réalisation : Karen Beun et Arnaud Forest
Production originale Initialstudio avec la participation de France Télévisions
Durée 22 min - 2022