Ni ponctuation, ni majuscule. Son deuxième recueil de nouvelles (et la mer pour demeure), son écriture en général et peut-être elle-même, ne souffrent ni d’être arrêté par un point ou une virgule, ni de faire déférence ou de révérence à qui que ce soit, si ce n’est aux personnages qu’elle décrit dans les différentes nouvelles qui composent ce recueil.
Tous sont issus de l’alentour de Chantal Spitz, de Tahiti ou de la petite île de Huahine où elle vit depuis quarante ans, une vie "super-chouette" avec la conscience d’être une privilégiée, comme elle l’indique dans son autoportrait, au début du podcast L’Oreille est hardie.
Ecriture poétique, sujets âpres
Son écriture n’a pas beaucoup changé depuis ses débuts littéraires mais l’agencement des phrases a quand même un peu évolué, se rapprochant formellement du poème en prose mais avec la densité d’une nouvelle. Une poésie qui contrasterait presque avec les propos de ces différentes histoires courtes.
Car Chantal Spitz ne fait pas dans le récit façon soleil, sable blanc et cocotier. Non, ce qu’elle écrit c’est l’âpreté du monde, de son monde, de ce Tahiti qui est aussi fait de drames, de détresses, d’hommes et de femmes à la rue et d’espoirs ou d’utopies très vite déçus. Si elle n’a pas raconté et fait tout le tour de la misère ("on n’a jamais fait le tour de la misère !"), pour autant Chantal Spitz entrouvre la porte, pour ses prochains livres, vers un autre type de narration, peut-être moins sombre, allez savoir…
Ecrire en langue ?...
Chantal Spitz a toujours eu un rapport compliqué avec la France en tant que pays colonisateur : si ses engagements pour l’indépendance l’ont menée sur la voie du combat politique, sur le plan littéraire en revanche, elle considère sa relation à la langue française aujourd’hui plus apaisée, dit-elle. C'est son mode d’expression au quotidien et son outil d’écriture, le seul.
Elle nous raconte à L’Oreille… combien il lui a fallu apprendre une langue qui était pourtant sienne - le tahitien - et qui lui a été refusée, enfant et travailler sur elle-même. Est-ce alors une revanche de la femme-écrivain de jongler aujourd’hui avec les mots français et les expressions tahitiennes et en faire l'une des particularités de ses livres ? Peut-être.
Tahiti triste
Pour l’heure, qu'elles soient issues de faits divers, issues de rencontres avec une SDF qui se sort de la rue ou issues d’un état politique qui la dérange, les nouvelles de et la mer pour demeure sont empreintes d’un sentiment de tristesse que ne recherche nécessairement pas leur autrice. C’est ce qui s’impose à elle, à son regard, à sa plume et Chantal Spitz le raconte comme personne.
Les mots sont directs, parfois crus mais tous sonnent justes. Et la métaphore musicale tient jusqu’au bout puisque tout le livre est fait de cette musicalité. Chaque ligne est composée de ces musiques qui accompagnent Chantal Spitz dès le moment de l’écriture, confie-t-elle dans L’Oreille est hardie.
Écoutez L'Oreille est hardie
Et apprenez comment Chantal Spitz s’imprègne de Tahiti pour la restituer dans ces textes. Découvrez quel est le processus de création qui a concouru à l'écriture de ces nouvelles. Écoutez les musiques qui sont importantes pour elles - et pourquoi et comment Otis Redding est devenu l’une de ses références musicales, à jamais.
Retrouvez Chantal Spitz dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Et par là :
"et la mer pour demeure" de Chantal T. Spitz est publié aux éditions Au Vent des Îles.