Pollution au chlordécone : "une affaire d’état" pour le député Serge Letchimy

Jean-Luc Volatier, représentant de l'Anses (en haut à droite) a été auditoinné ce mercredi par la Commission des Outre-mer à l'Assemblée Nationale.
La délégation aux Outre-mer de l’Assemblée Nationale a demandé mercredi que soient menées des études approfondies sur les risques liés à la pollution au chlordécone sur la population des Antilles, dans une motion symbolique. Elle appelle aussi à réduire les limites maximales de résidus (LMR).
La délégation aux Outre-mer à l’Assemblée Nationale auditionnait ce mercredi Jean-Luc Volatier, adjoint au directeur de l’évaluation des risques à l’Anses. Pendant un peu plus d'une heure, il a défendu devant des députés le rapport publié en décembre par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail.

F​lou autour de la hausse des LMR

Jean-Luc Volatier a rappelé qu’en 2013, "la Commission européenne a modifié le mode de calcul des produits carnés terrestres", c’est-à-dire des volailles et des viandes rouges. Mais le représentant de l’Anses a refusé de s’attarder sur ces seuils : "il ne faut pas que ce débat sur les LMR conduise à négliger les mesures visant à maîtriser la consommation de produits contaminés par le chlordécone."

Visiblement peu satisfait par les explications "ambiguës" avancées par l'Agence de Sécurité Sanitaire, le député de la Martinique Serge Letchimy interroge : "Qui a demandé à l’Europe l’augmentation [des limites autorisées dans les aliments, ndlr] en 2013 ? Comment se fait-il qu’on n’ait pas été informés de cette augmentation ?" 

Les représentants de l’Anses présents ce mercredi ont renvoyé la balle à la Commission Européenne : "Nous ne savons pas forcément tout puisque nous n’y participons pas non plus." Appuyant son collègue de Martinique, la députée Josette Manin a réclamé "des actes" et "un retour des LMR de 2013".

"Une affaire d'état, un crime d'état"

Mais pour les représentants de l’Anses, "il y a des choses encore plus importantes à faire" que de revenir aux niveaux de 2013 et donc relever les LMR car elles "n’ont aucun impact sur cette partie autoproduction et autoconsommation", admettant que la pollution au chlordécone "est une priorité de santé publique." La clé selon Jean-Luc Volatier, c’est "la réduction des expositions", plus que la baisse des seuils.

Agacés par les réponses obtenues, Serge Letchimy s’emporte : "C’est une affaire d’état, interprétable comme un crime d’état! " Et Justine Bénin d'ajouter : "Je n’ai pas été satisfaite de la réponse du ministre de l’Agriculture, puis de la ministre de la Santé à ma collègue de la Martinique (Josette Manin, ndlr). Je considère qu’il nous faut aller plus loin." La députée de Guadeloupe, soutenue par son collègue du département Max Mathiasin et par Serge Letchimy, a réclamé une rencontre avec le Premier ministre.

Le président de la délégation, le député de Guadeloupe Olivier Serva, satisfait du compte-rendu de l'Anses, n'a pas souhaité accéder à cette demande, arguant que la rencontre était précipitée. La délégation aux Outre-mer doit d'abord recevoir la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 21 février prochain.

Adoption d'une motion

"Nous sortons avec beaucoup de questions", admet, tout de même, Olivier Serva dans les couloirs de l'Assemblée. Au terme de cette audition, les députés présents ont voté une motion, liste de propositions dont pourront s'emparer les députés de la délégation. D'une portée symbolique, elle n'a, pour le moment, aucune valeur juridique ou légale.  

La motion adoptée : "La délégation aux Outre-mer - rappelant que le principe de précaution est inscrit dans la charte de l’environnement, texte de valeur constitutionnel - demande que toutes dispositions soient prises pour répondre aux inquiétudes des populations durablement exposées à la pollution par le Chlordécone. Et notamment pour réduire les limites réglementaires applicables au calcul de cette pollution, LMR en particulier. Elle rappelle qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique essentiel. Elle demande que les études approfondies soient continuées, ou reprise et approfondies pour mieux évaluer scientifiquement le risque épidémiologique sur les 2 territoires Guadeloupe et Martinique."