Polynésie : Fa’afaite ou la réconciliation avec la navigation traditionnelle [INTERVIEW]

Jean-Claude Teriierooiterai, président de l’association Fa’afaite.
La pirogue traditionnelle Fa’afaite est arrivée lundi à Raivavae, sa première escale dans l’archipel des Australes pour faire compagne en faveur d’un projet de réserve marine. La1ère.fr a rencontré Jean-Claude Teriierooiterai, président de l’association Fa’afaite.
A la gare maritime de Papeete, où il a son bureau, le retraité Jean-Claude Teriierooiterai, paraît des plus actifs. Il vient de passer deux heures au téléphone avec Olivier de Kersauson. Le navigateur qui réside à Punaauia à Tahiti a été fasciné, selon Jean-Claude Teriierooiterai, par ses recherches sur la navigation traditionnelle polynésienne. L’actuel président de l’association Fa’afaite a en effet publié une thèse à ce sujet. Et c’est pourquoi La1ère. fr l’a rencontré. 
 

La1ère.fr : Qu’est ce que l’on appelle la navigation traditionnelle polynésienne ?

C’est une navigation sans instrument. Notre but à Fa’afaite consiste à renouer avec ces techniques ancestrales qui ont été oubliées pendant 200 ans, en particulier la navigation aux étoiles. 
 
Dans les années 50, quand des Polynésiens ont tenté de retrouver ce savoir-faire, il n’y avait plus de personnes vivantes pour transmettre ces connaissances. Il y avait bien quelques marins qui naviguaient à l’estime (sans instrument) entre les îles de la Société et l’archipel des Tuamotu, mais aucun Polynésien n’effectuait de grandes distances, à savoir plus de 2 000 km ainsi en mer. 
 
Heureusement, à Satawal en Micronésie, il restait un homme en vie qui maîtrisait cette technique et pouvait l’enseigner : Mau Pialug. En 1976, cet homme a réussi l’exploit de relier Hawaï à Tahiti avec un équipage et faire 4 500 km en se guidant  avec les étoiles, le vent, les oiseaux, la houle, le soleil. 
La pirogue Fa'afaite


Et après 1976 que s’est-il passé ? 

Aux îles Hawaï, à Honolulu, ils ont crée une école de navigation. Il y a là-bas sept maîtres navigateurs qui ont été “ordonnées” par Mau Pialug lui-même. La navigation traditionnelle polynésienne est enseignée à l’Université.
 
Chez nous à Tahiti, nous en sommes encore loin et je milite pour que l’on ait des navigateurs ainsi reconnus. Désormais, nous avons notre pirogue Fa’afaite depuis 2009.
 

Comment cette double pirogue à voile est arrivée à Tahiti ?

En fait, Fa’afaite est l’oeuvre d’un mécène allemand : Dieter Paulmann. Cet industriel passionné par les cétacés a fondé l’association Okeanos. Il s’est ensuite très sérieusement intéressé à la navigation traditionnelle au point de faire construire huit pirogues à voile en Nouvelle-Zélande. Fa’afaite ressemble bien à ces pirogues que l’on voit dans les gravures représentant James Cook en Polynésie. 
 
En 2009, une énorme expédition a rassemblé toutes ces pirogues à voile à travers le monde pendant deux ans. Une centaine de Polynésiens y ont participé. A la fin de cette aventure, Dieter Paulmann a décidé de confier chacune de ces pirogues à voile à un territoire. Tahiti a eu la sienne et l’a nommé Fa’afaite qui signifie en Tahitien, réconciliation. 
Plage de Raivavae


Pour quelle raison ? 

Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une réconciliation avec le passé, les traditions. Quand James Cook est arrivé à Tahiti, il y avait plus d’habitants qu’aujourd’hui, mais les Tahitiens vivaient alors avec leur environnement. On n’avait pas besoin d’importer tout ce que l’on consomme comme aujourd’hui. On devrait s’inspirer cette expérience, et préserver notre nature. 
 

C’est pourquoi Fa’afaite soutient le projet de grande réserve des Australes ?

Dès qu’il y a la création d’une aire marine protégée, il n’y a pas besoin de réfléchir, on adhère. Si l’on veut continuer à manger du thon en Polynésie, il n’y a pas le choix, il faut une grande aire marine protégée. Et à l’association Fa’afaite, nous soutenons tous ces types de projets.