A Rurutu, le moule d’une statue étonnante trône dans la mairie au milieu de trophées et d’objet divers. L’original se trouve dans les réserves du British Museum. Un couple de passionnés aimeraient faire venir cette statue sur leur île des Australes.
Cécile Baquey •
Viriamu et Elin Teuruarii dirigent ensemble une pension à Rurutu. Viriamu vient d’une famille royale de l’île. Il a du rentrer de Tahiti à la demande de son grand-père Rurutu pour prendre en charge le Marae de la famille. Dans ce lieu sacré se trouvait probablement la statue du Dieu A’a, il y a bien longtemps.
Un moule à la mairie de Rurutu
Aujourd’hui, il ne reste qu’un moule de ce bel ouvrage dans une vitrine de la mairie de Rurutu coincée entre des trophées et divers cadeaux. L’original se trouve à Londres dans les réserves du British Museum.
Population décimée
C’est autour de 1820 que cette statue si particulière a quitté Rurutu. A l’époque, les habitants étaient durement frappés par leurs premiers contacts avec les Européens. N’étant pas immunisés contre les maladies extérieures à leur île, les habitants de Rurutu ont été décimés. Selon Elin Teuruarii, “la population de l’île est alors passée de 6 000 personnes environ (selon le missionnaire William Ellis) à une centaine”.
London Missionary Society
Certains survivants de cette terrible épidémie ont fui. “Ils sont d’abord arrivés à Maupiti”, selon Elin Teuruarii. Ils espéraient trouver des remèdes et ont embarqué à bord de leur pirogue à voile la statue du Dieu A’a. Une fois sur place, ils ont entendu parler d’une mission à Raiatea. Ils ont donc poursuivi leur chemin avec la statue d’ 1 mètre 17, toujours à bord. Ce Tiki a donc été offert en 1821 à la London Missionary Society dont le siège se trouvait à Raiatea.
Conversion au christianisme
“En fait, c’était le symbole de leur renoncement à l’adoration des Tiki. Ils montraient ainsi qu’ils ne voulaient plus de leurs anciens Dieux”, explique encore Elin Teuruarii. A leur retour à Rurutu, selon Jean Guillin qui a publié un livre sur les îles australes, les convertis allèrent “prier sur un lieu réservé aux anciens Dieux. Ce qui entraînera toute l’île à à se convertir et à détruire toute trace de son ancienne religion : idoles, Marae…”
Symbole de ses ancêtres
Pendant ce temps, la statue du Dieu A’a était entre les mains des Britanniques. Elle a été envoyée à Londres puis léguée au British Museum. Or Pour Viriamu Teuruarii, cette statue est un peu “le symbole” de ses ancêtres. Il s’est d’ailleurs fait tatouer son image sur le torse.
Le retour de la statue
Lui et sa femme d’origine galloise aimeraient bien que ce Tiki soit prêté au musée de Tahiti et de ses îles et pourquoi pas qu’il fasse un tour à Rurutu. Le couple n’envisage pas d’exiger un rapatriement de la statue.
Une statue du 16ème/17ème siècle
Pour l’instant, rien n’a encore vraiment été lancé, mais Elin entretient une correspondance avec Julie Adams du British Museum qui s’est aussi passionnée pour cette statue. Cette oeuvre, selon les dernières recherches du Museum, daterait du 16e/17e siècle et serait faite en bois de santal.
Picasso et la statue du Dieu A’a
De nombreux artistes ont été inspirés par cette statue recouverte de personnages représentant probablement les grandes familles de Rurutu. Parmi eux, Pablo Picasso qui, dans une photo, posait avec le moule de ce Tiki derrière lui (voir ci-dessous).
Voyage à Londres
En 2005, Viriamu et sa femme se sont rendus à Londres pour voir cette statue du Dieu A’a. “Quand on habite Rurutu, il est possible d’avoir un rendez-vous pour contempler cette oeuvre dans la réserve”, explique Elin.
Une porte secrète
La statue du Dieu A’a n’a pas encore révélé tous ses secrets. Des recherches menées au British Museum ont montré qu’il y avait des traces de cheveux humains et de plumes d’oiseaux dans le dos de la statue. Cette statue est en effet unique car elle abrite dans son dos une cavité fermée par une porte dans laquelle se trouvaient 24 petits Dieux.