Les Polynésiens auraient-ils atteint l’Amérique trois siècles avant Christophe Colomb ?

Une étude publiée dans la revue américaine Nature révèle que les anciens polynésiens se sont rencontrés et se sont mélangés à des personnes d'Amérique du Sud, il y a des centaines d'années. Selon l’un des auteurs de l’étude, les Polynésiens auraient été en Amérique bien avant Colomb.
 
Soixante-treize ans après l’expédition du Kon-Tiki, des scientifiques donneraient-ils enfin raison au navigateur norvégien Thor Heyerdahl, décédé en 2002 ? Quand il s’installe aux Marquises à l’âge de 22 ans, un habitant lui parle du Dieu Tiki qui aurait conduit ses ancêtres vers la Polynésie.
Une scène du film Kon-Tiki (2012).

►L'expédition du Kon-Tiki

Heyerdahl est persuadé que les îles polynésiennes sont aussi peuplées par des descendants d’hommes venus d'Amérique du Sud et pas seulement d'Asie comme cela est scientifiquement admis.

Pour confirmer son intuition, il fait bâtir un radeau traditionnel qu’il baptise Kon-Tiki du nom d’un dieu inca qui a effectivement le même nom que le dieu vénéré par les anciens polynésiens. Avec cinq co-équipiers scandinaves comme lui, Thor Heyerdahl part du Pérou et se laisse dériver pendant 101 jours et 7000 kilomètres, pour finalement échouer à Raroia, une île des Tuamotu en Polynésie.
Couverture du livre Kon Tiki

A la suite de cette aventure, l’anthropologue norvégien publie un livre au retentissement international intitulé L’expédition du Kon Tiki. Il multiplie les fouilles archéologiques pour prouver le bien-fondé de ce peuplement venu d’Amérique latine.
 

►Le peuplement de la Polynésie

Le peuplement de la Polynésie n’est pas clairement établi. De nombreuses preuves archéologiques et génétiques indiquent que les îles polynésiennes ont d'abord été colonisées par des hommes voyageant vers l'est en provenance d'Asie. Toutefois certains indices tels que les patates douces, originaires des hauts plateaux andins, et qui poussent dans toute la Polynésie orientale, démontrent bien des contacts avec les Sud-Américains.

Alors pourquoi ne pas envisager d’autres sources de peuplement que celles venant d’Asie comme le plaidait Heyerdhal ? C’est l’objectif de l’étude américaine publiée dans la revue Nature ce 8 juillet.  

Des chercheurs ont collecté des données génétiques de quinze groupes amérindiens le long des côtes du Pacifique de la Colombie et du Pérou et de dix-sept îles polynésiennes - plus de 800 individus au total.

Les résultats de cette étude menée par Alexander Ioannidis de l’Université de Stanford et de ses collègues ont mis en évidence des traces d'ascendance amérindienne dans les génomes des habitants de certaines îles polynésiennes. Ce qui signifie que des anciens polynésiens se sont rencontrés et se sont mélangés à des personnes d'Amérique du Sud il y a des centaines d'années.


►Quand et où ont eu lieu les rencontres ?

Quand et où se sont-ils rencontrés ? D’après l’étude, ces croisements seraient survenus entre 1150 et 1230 après JC. Pour Alexander Ioannidis, interrogé par l’AFP "il est plus probable que ce soit les Polynésiens qui aient atteint l'Amérique, du fait de leur technologie maritime et de leur capacité démontrée à parcourir des milliers de kilomètres sur les océans" que les Amérindiens.

Les Polynésiens auraient donc mis les pieds en Amérique bien avant Christophe Colomb en 1492 ? Ce que dévoile l’étude est donc vertigineux. L’histoire pourrait donc être totalement réécrite.
 

►Les livres des ancêtres

Le peuplement de la Polynésie a toujours passionné les explorateurs et les scientifiques. A partir de 1956, le navigateur Eric de Bisschop n’a eu de cesse de vouloir comprendre, comment dans l'immensité du Pacifique, les anciennes populations polynésiennes ont pu réussir à naviguer et à peupler cet immense archipel d’îles de la taille de l’Europe.
 
L’explorateur a suivi les traces de Thor Heyerdahl dix ans après en menant deux expéditions nommées Tahiti nui I et Tahiti nui II entre la Polynésie et le Chili. Son aventure s’est mal terminée. Le Tahiti nui II a fait naufrage au large des îles Cook. Le corps d’Eric de Bisschop a été retrouvé et il repose aujourd’hui au cimetière de Moerai à Rurutu dans l’archipel des Australes.

A Rurutu justement, des écrits des ancêtres, des Puta Tupuna ont été compilés et publiés dans un livre intitulé Eteroa (l’ancien nom de Rurutu) Mythes, légendes et traditions d'une île polynésienne paru aux éditions Gallimard. On peut y lire le texte suivant : "Le troisième peuple de migrants qui parvint à Eteroa était un peuple dont les gens avaient la peau de couleur rouge (… ) Ils étaient forts et puissants. On les disait venir d’Amérique du Sud". Les anciens ne s’étaient donc pas trompés.