C’est avec un air jovial et sa bienveillance naturelle que David Venkatapen se confie sur le parcours qui l’a amené à devenir modèle photo et à militer en faveur des causes qui lui tiennent à cœur. "Je me demande toujours si voir quelqu’un faire ce que je fais aurait pu m’aider lorsque j’avais 16 ans", reconnaît le Martiniquais. Son crédo à lui est la visibilité : celle des personnes grosses et celle de la communauté LGBT noire. Il considère la représentation comme un pas important vers l’acceptation de soi et des autres.
Né en région parisienne, sa famille déménage en Martinique lorsqu’il est âgé de 10 ans. Il poursuit sa scolarité sur son île avant de revenir dans l’Hexagone une fois ses études achevées. Dès le plus jeune âge, le jeune garçon réalise que son apparence n’est pas commune. "À l’école, l’institutrice avait demandé à un élève de classer les élèves de la classe du plus maigre au plus gros pour enseigner les chiffres croissants, raconte David Venkatapen. Pour la fille qui était au début de ce classement et pour moi, de l’autre côté, notre rapport aux autres a complétement changé à ce moment-là. On est devenu la crevette et le gros."
Plus tard, vers 20 ans, et alors qu’il s’essaie aux machines de la salle de sport en Martinique, il est attiré par le cours de salsa qui se déroule à côté. Il reste spectateur pendant plusieurs semaines avant d’être invité par la professeure à rejoindre le cours. "Je pensais que tout le monde allait me regarder et finalement personne ne m’a prêté attention." La perception qu’il a de son physique évolue. "La professeure m’a fait comprendre que mon corps avait une particularité qui pouvait être prise en compte et être utile pour la chorégraphie", se souvient le mannequin.
Concilier l’administration militaire et le mannequinat
Sa deuxième vie professionnelle, celle de modèle photo, est arrivée sur le tard. David Venkatapen a presque 40 ans lorsqu’il candidate à l’annonce d’une agence qui cherche à ouvrir son catalogue grandes tailles aux hommes. Il est retenu par l’agence. Il commence alors à jongler entre son travail dans l’administration militaire, où il ne mentionne pas ses autres activités, et les shootings photos. Il pose pour des marques de prêt-à-porter et en tant que modèle vivant pour des écoles d’art. "Quand je l’ai annoncé à ma mère, elle a pensé à une blague", se rappelle-t-il. Passer d’un monde à l’autre lui permet de trouver un équilibre. "Commencer le mannequinat m’a fait gagner en confiance en moi. Je suis moins réservé et j’aborde différemment les autres."
Adepte du body positive, un mouvement prônant l'acceptation de tous les corps humains quels qu'ils soient, David Venkatapen tente de partager cette confiance renouvelée. Il poste les photos de ses shootings et de ses collaborations artistiques sur les réseaux sociaux. Il est tout particulièrement fier d’avoir été photographié pour la revue gay Têtu. "Recevoir des messages de jeunes qui me disent que voir quelqu’un comme moi leur fait du bien me fait plaisir, sourit-il. A leur âge, je ne voyais personne qui me ressemblait.» D’autant plus que le mouvement du body positivisme touche beaucoup moins les hommes que les femmes. Selon le mannequin, les hommes mettent le corps au cœur des discussions « seulement lorsqu’ils font de la musculation », et il n’y aucun endroit où « ils s’expriment sur leurs complexes ».
Surmonter le rejet pour ouvrir la discussion
Ses photos ne font pas toujours l’unanimité. Il est fréquemment la cible d’attaques homophobes, racistes ou visant son poids. "La plupart du temps, je cherche à comprendre pourquoi ces personnes réagissent ainsi et se sentent obligées de venir me dire ce que je devrais faire, explique David Venkatapen. Dans la mesure du possible, j’essaie d’engager la discussion et de les faire réfléchir sur la raison qui les pousse à m’insulter alors que je ne nuis à personne". Une patience et une pédagogie qui ne le quittent pas. Il constate toutefois que ces remarques viennent en majorité d’hommes. "Pour beaucoup d’entre eux, le corps d’un homme gros ressemble physiquement à celui d’une femme : ils ont des hanches, des fesses, de la poitrine … Et ils n’aiment pas. Ça s’assimile presque à du sexisme".
D’un naturel positif, le Martiniquais ne s’attarde pas longtemps sur ces commentaires et souhaite à présent voir les portes du luxe s’ouvrir à toutes les morphologies... En attendant, il s’attèle à des projets qui lui permettent de mettre en avant des sujets qui vont au-delà de l’apparence physique. Il aspire ainsi à réaliser un podcast faisant intervenir des personnes absolument passionnées par leurs hobbies qui viendraient partager leur enthousiasme à son micro.