Portrait : la Guadeloupéenne Yanis David est une sauteuse, triple sauteuse et gameuse exilée en Floride

Selfie de l'athlète guadeloupéenne Yanis David.
2014 : championne olympique de la jeunesse au triple saut. 2016 : championne du monde junior à la longueur. Le CV catégories jeunes de la Guadeloupéenne Yanis David impressionne. Installée en Floride, Yanis veut maintenant s'imposer chez les seniors. Et comme la serial gameuse n'aime pas perdre...

Les aînés font toujours rêver leurs cadets. Jadis en Guadeloupe, chaque enfant David avait sa console de jeux vidéo. Le grand frère disposait d'une PS4. Yanis, d'une Wii. Tout allait pour le mieux sur la plus paradisiaque des îles. Sauf que la petite Yanis visait déjà plus vite, plus haut, plus fort... "J'avoue : je passais mon temps sur la console de mon frère. Les jeux y étaient plus élaborés. Ma passion a commencé à ce moment-là."

Une passion pour les jeux de simulation de vie, type Les Sims et pour les jeux de combat, genre Call of duty. Une passion dévorante ou juste un gentil passe-temps ? "Euh… Je peux quand même enchaîner deux ou trois heures sans m'en rendre compte. Il faut que je me limite. Surtout qu'en ce moment, je termine une formation de préparateur physique qui demande un gros investissement." Yanis David est comme ça. Elle fait tout à fond. Intensément. C'est peut-être pour ça d'ailleurs que la Floride lui réussit aussi bien.

L'athlète guadeloupéenne Yanis David en action sur le stade universitaire de Gainesville en Floride.

 

Depuis 6 ans à Gainesville

En 2015, Yanis David obtient son baccalauréat. Chez elle en Guadeloupe. Elle est déjà une sauteuse et triple-sauteuse qui compte. La Fédération rêve de l'installer à l'INSEP à Paris. Comme souvent. "Sauf que je n'imaginais pas la suite de mon histoire dans l'Hexagone. J'ai eu l'occasion de visiter l'université de Gainesville en Floride. Ils me proposaient une bourse complète. J'ai galéré pendant six mois avant d'atteindre un niveau d'anglais correct, mais c'était le meilleur choix possible. La météo n'est pas très différente de la Guadeloupe. Et je n'ai pas la sensation d'être une expatriée. Même si au début, le choc culturel fut immense !"

Le choc des cultures se retrouve tout d'abord dans la nourriture. "Vraiment une autre approche. No comment." Dans les échanges aussi. "Ici, les gens vous posent beaucoup de questions. Ils cherchent à vous connaître en profondeur. Rien à voir avec mon île."

Mais le fameux choc ne se retrouve pas tant que ça dans le sport. "En athlétisme, les entraînements ne sont pas si différents. Peut-être que les Français mettent plus l'accent sur la muscu. Peut-être." En réalité, ce qui change vraiment, c'est l'esprit. Tout se passe dans la tête. "C'est simple : la mentalité américaine, c'est la gagne. La gagne tous les jours. Les gens misent sur le sport pour s'en sortir. Que ce soit à l'école ou à l'entraînement. La gagne. Toujours. À tout moment."

La Guadeloupéenne Yanis David tout sourire avant les Jeux Olympiques de Tokyo en 2021.

 

Un impact Covid même sans le virus

Alors que la planète va bientôt fêter le deuxième anniversaire d’une bien triste pandémie, Yanis David se sent encore groggy. La Guadeloupéenne n’a pourtant pas été touchée par le virus. Heureusement. Mais elle a très mal vécu la période. "L’hiver 2020 devait marquer le début de ma première saison en tant qu’athlète professionnelle. Sauf que du jour au lendemain, tout a été mis à l’arrêt. En Floride, il n’y avait plus une salle de muscu ouverte. Financièrement, j’ai pu m’en sortir grâce aux aides de l’IAAF mais mentalement, j’ai eu beaucoup de mal à tout remettre en place."

Les Jeux Olympiques de Tokyo sont reportés d'un an. Les petits bobos s'enchaînent. Finalement à l'été 2021, Yanis est bien au Japon. Pour l'épreuve de saut en longueur. Sauf qu'elle passe à côté des qualifications. 6 mètres 27. Très loin de ses meilleures performances. Pas de finale pour la Française. "Ça reste encore un sujet sensible pour moi aujourd'hui. À l'entraînement, j'avais retrouvé de vraies belles sensations. Or, je n'ai pas su montrer mon niveau réel dans le stade olympique. J'ai mis de longs mois avant de m'en remettre et de retrouver l'envie. Je me posais des tonnes de questions."

Photo officielle de l'athlète guadeloupéenne Yanis David avant les JO de Tokyo en 2021.

 

Stop ou encore ?

Arrêter sa carrière ? Faire une pause ? Repartir sur de nouvelles bases ? "J'ai eu besoin de trois mois pour analyser tout ça. Nic Petersen, mon coach m'a beaucoup écouté. Beaucoup aidé. Je ne m'amusais plus autant qu'avant. Nous avons donc décidé de changer certaines choses. J'ai aussi commencé à travailler avec un psychologue du sport. Je me sens mieux désormais."

Yanis David a retrouvé le sourire à la fin de l'année 2021. Un sourire conforté par deux semaines de break chez elle en Guadeloupe. "Je n'avais plus revu mon île depuis 2018 ! J'ai vraiment pu me ressourcer. J'ai notamment passé du temps avec ma grand-mère à Marie-Galante. Le soutien de ma famille est un booster extraordinaire pour moi."

Dans ces conditions, la Guadeloupéenne aborde 2022, gonflée à bloc. Saison hivernale. Saison estivale. Yanis David, 24 ans ne fera aucune impasse. Priorité au saut en longueur. "Même si je compte bien faire quelques concours au triple saut, l'été prochain."

Et les ambitions ? Élevées ! "Je vise une place en finale aux championnats du monde en salle de Belgrade en mars. Ainsi qu'aux championnats du monde à Eugene et aux championnats d'Europe à Munich. Avec à chaque fois, une médaille si possible…"

Et le secret pour y arriver ? "Basique : sauter loin ! Donc battre mes records personnels. Si je pouvais atteindre 6 mètres 90 à la longueur et 14 mètres 40 au triple, je serais ravie. Et tout cela bien sûr, sans blessure." Basique effectivement.