Pour Jonathan Zebina, la "vraie force" du combat contre le racisme dans le sport aujourd'hui, "c'est qu'il est mené de manière collective"

Jonathan Zebina, défenseur au Toulouse FC, en 2012.

Dans une interview, l'ancien international martiniquais revient sur les événements qui ont ébranlé la planète foot ces jours derniers. Pour l'ancien footballeur, le combat contre le racisme est loin d'être terminé, mais avance de manière positive grâce à un véritable élan collectif.

“Je pense que la grande différence entre aujourd’hui et il y a 20 ans, quand nous aurions pu ou avons connu ce genre de situation sur les terrains de football ou dans des stades, c’est qu’on était plus ou moins tous seuls dans notre combat si je puis dire... Aujourd’hui il y a quand même une force collective, un élan collectif et aussi un regard des instances politiques qui a grandement changé.” 

Jonathan Zebina

  
Il y a vingt-deux ans, le footballeur martiniquais Jonathan Zebina quittait l’AS Cannes pour intégrer le championnat italien : Caligari, l’AS Rome puis la Juventus, équipe avec laquelle il remporte le championnat. C'est le début des années 2000, le défenseur martiniquais est confronté au racisme. Il raconte : “Le racisme je l’ai connu en Italie, sur les terrains, en dehors des terrains, je l’ai connu aussi en France, même peut-être un racisme plus profond, plus réel que celui qu’on connaît en italie… Mais que dire? A l’époque, il y a 22 ans, on était assez seul, on était isolé. on avait pas la force du collectif.”
 

Ce qui a changé : l'élan collectif

D’où l’importance du geste des joueurs ce mardi pour arrêter le match PSG-Basaksehir : “une décision courageuse”, “exemplaire” mais en même temps “obligatoire” selon Jonathan Zebina. Une “décision positive” et un “geste fondamental”  qui est d’après lui “aussi la réponse à ce qui pourrait être un début de solution : c’est l’élan collectif tout simplement”.
Le Martiniquais de 42 ans développe :

Je pense que la vraie force de ce combat aujourd'hui, c’est qu’il est mené de manière collective. [Mardi], vous avez les 22 acteurs, plus les entraîneurs, plus les dirigeants, plus tout le monde qui repart dans le vestiaire, ce qui était impensable il y a 22 ans et il y a encore peu de temps aussi.

Jonathan Zebina

 

Un combat encore long

Mais il est clair que c’est "un combat très très long" : "changer les mentalités est la chose la plus difficile". Selon lui, “’il y a des générations qui seront plus difficiles en termes d’âge à changer” mais la lutte est maintenant ailleurs : “aujourd’hui,il faut s’occuper de la nouvelle génération”. Et dans cette mission, les footballeurs ont leur rôle à jouer : “plus que l’UEFA”, ils ont la possibilité de “faire passer des messages” , “à travers ce sport fantastique". 


"Je crois dans la capacité des joueurs et des sportifs de haut niveau à véhiculer des images et des messages positifs", souligne Jonathan Zebina. “Le devoir d’exemplarité est quelque part obligatoire de la part des joueurs.” 

"Aujourd’hui je dirais que c’est une merveilleuse et fantastique opportunité qu’ont les sportifs de haut niveau de pouvoir rétablir les choses : les basketteurs américains ont commencé, fortement même". Le Martiniquais précise : “même si la politique n’est pas censée rentrer dans le monde du sport, on se rend bien compte qu’aujourd’hui, elle est un peu obligatoire si on veut  faire avancer les choses”. 
Cette prise de conscience est selon lui fondamentale “parce qu’on a vu que les instances politiques de l’UEFA jusqu’aux fédérations de tous les pays n’étaient pas forcément intéressées. Jusqu’ici, elles n’ont selon lui pas vraiment géré le problème - ce sujet du racisme dans le foot -, elles ont plutôt procrastiné.
Et Jonathan Zebina de revenir, un peu outré, sur les propos du président de la Fédération française de foot de septembre dernier, après les accusations de racisme lancées par le Parisien Neymar à l'encontre du Marseillais Alvaro Gonzalez lors du Classique remporté par l'OM :  "On entendait encore récemment Noël Le Graët dire de manière honteuse (...) qu’aujourd’hui en France le racisme n'existait pas dans les stades."
 

Espoir dans les jeunes générations

Pour l’ancien international, on est sur la bonne voie : “Il est clair que des actions et des attitudes comme celles que nous avons eues [pendant le match] sont porteuses d’espoirs et seront aussi un merveilleux véhicule pour faire passer le message auprès des plus jeunes qui sont ceux qui aujourd’hui doivent être éduqués et auprès des moins jeunes aussi, pour leur dire que le temps du racisme n’a plus lieu d’être… Du moins, ceux qui le pensent et ceux qui le sont devront rester beaucoup plus discrets", plaisante-t-il.
Bref, ce qui s’est passé mardi est un jalon vers un avenir plein d'espoirs."Voilà comment aujourd’hui le racisme peut être combattu, déclare le Martiniquais, et j’espère qu’ils [les jeunes joueurs ndlr] saisiront cette opportunité que nous,  nous n’avions pas. L'important c’est qu’à notre manière nous ayons aussi  fait de petites avancées à notre époque , pour mettre en avant ce qui n’allait pas." Dorénavant, il s’agit de “ne pas lâcher, pour  donner l’opportunité à cette génération de pouvoir faire avancer de manière considérable les choses sur ce sujet qu’est le racisme”.

► Vous pouvez écouter ici l'interview de Jonathan Zebina par Alain Rosalie en intégralité :

Interview radio de Jonathan Zebina par Alain Rosalie