Pour pallier la pénurie en eau potable, les Outremers diversifient les sources [Planète Outre-mer]

Forage d’eau commune des trois îlets en Martinique
Ce mardi 22 mars nous célébrons la journée mondiale de l’eau dont la thématique de cette année est "l’eau souterraine, rendre l’invisible visible". Avec le dérèglement climatique, la pénurie en eau potable est de plus en plus fréquente Outre-mer. Pour pallier le manque d’eau, les territoires diversifient leurs sources d’approvisionnement.

Benoit Vittecoq terrain sur une source thermale

En Outre-mer, l'alimentation en eau potable varie selon les territoires. Aux Antilles, près de 90 % de l’eau potable vient de prises d’eau en rivières et de captages de sources. Dans un contexte de dérèglement climatique, cet approvisionnement a ses limites. Les saisons sont de plus en plus marquées. En période de carême, autrement dit, de saison sèche, les cours d’eau sont très souvent dans l’incapacité de fournir une eau potable suffisante à la population. En 2020, 50 000 Martiniquais avaient été privés d’eau pendant plusieurs semaines et en Guadeloupe, les coupures d’eau sont récurrentes.

"Une des solutions pour améliorer la distribution d’eau, c’est d’avoir recours aux eaux souterraines car elles sont moins sensibles aux sécheresses du fait des stocks d’eau dans les nappes. En Martinique, la plupart des communes ont des projets de forages", Benoit Vittecoq, directeur du BRGM Martinique.

Captage en rivière Case Navire

Toutefois, en Outre-mer et particulièrement aux Antilles, le dérèglement climatique n’explique pas tout. La vétusté des canalisations du réseau de distribution de l’eau potable est également pointée du doigt. Un programme de restauration est en cours et devrait durer une dizaine d’années.

"En plus d’augmenter l’alimentation des territoires en eau souterraine, il est indispensable de mener en parallèle des programmes de réduction des fuites et de remplacement des canalisations partout Outre-mer, en particulier aux Antilles. Dans certains secteurs, il y a 50 % de fuite donc 50 % de l’eau puisée qui n’est pas distribués aux habitants", souligne Benoit Vittecoq.

Les eaux souterraines sont vulnérables aux contaminations liées aux activités humaines et à la montée du niveau de l’océan

La qualité des eaux souterraines est menacée par la pollution des sols et sous-sols. Une pollution issue des activités humaines comme les produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture, les produits dangereux dans les décharges et les rejets d’eaux usées quand l’assainissement des habitats est défaillant, ce qui est fréquent Outre-mer. Et en plus des activités humaines, le dérèglement climatique menace également les eaux souterraines.

"Le dérèglement climatique avec la hausse du niveau de l’océan qui est déjà constatée va entraîner une modification des interfaces entre l’eau douce et l’eau salée. Ces eaux souterraines pourraient donc être impactées par l’eau salée", alerte le directeur.

Les atolls de Polynésie connaissent déjà pour certains une salinisation de leurs eaux d’où l’importance de multiplier les collecteurs d’eau pluviale. Il est nécessaire d'éviter la dépendance d’une seule ressource. Cette diversification permet de proposer un tarif de l’eau accessible à tous.

Des campagnes de géophysique héliportée

Pour mieux connaître les ressources en eau souterraine en Polynésie française, une campagne de géophysique héliportée a commencé depuis le 3 mars et devrait durer encore cinq semaines. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a mené des campagnes similaires de levé géophysique par hélicoptère dans la quasi-totalité des territoires d’Outre-mer.

Une campagne de géophysique héliportée en Polynésie Française

Pour Benoit Vittecoq : "En 2010, la première campagne a eu lieu à Mayotte, la dernière est en cours en Polynésie. Il reste Saint Pierre et Miquelon mais selon moi, c’est une autre technique qui devra être utilisée dans cet archipel."

Un hélicoptère transporte une antenne de 25 mètres de diamètre tractée entre 50 et 80 mètres du sol pour sonder le sous-sol. L’intérêt est de couvrir la plus grande partie possible des territoires pour récupérer un maximum de données.

"C’est un peu le même concept qu’une échographie. Les ondes électromagnétiques qui sont envoyées rebondissent dans le sous-sol et reviennent, Ces données permettent de bien comprendre les différentes couches géologiques superposées et d’identifier lesquelles sont susceptibles de contenir de l’eau," explique le directeur du BRGM.

Les programmes de forages sont ensuite basés sur ces données. La quasi-totalité des territoires d’Outre-mer ont ainsi pu augmenter leur ressource en eau.