Précarité, décrochage scolaire, violences… Dans les Outre-mer, la situation critique de la protection de l’enfance

Petite enfance (photo d'illustration)

Ce jeudi s’ouvrent les Assises de la protection de l’enfance. Elles se déroulent à Nantes jusqu’au 25 juin. Fin 2020, un rapport a révélé l'état des dispositifs mis en place pour les enfants dans les Outre-mer. 

Pendant deux jours, les acteurs de l’action sociale en France sont réunis à Nantes dans le cadre des Assises de la protection de l’enfance. Des échanges qui doivent permettre d’évaluer les dispositifs mis en place par l’État pour mieux protéger les tout-petits, les enfants, les adolescents et les jeunes majeurs. Outre-mer, la protection de l’enfance rencontre bon nombre de difficultés, comme l’a révélé fin 2020 un rapport publié par la convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE). 

Une population ultramarine jeune 

Selon les chiffres de l’INSEE cités par la CNAPE, la population ultramarine est particulièrement jeune. 35,5% des habitants de La Réunion ont moins de 25 ans. Un pourcentage qui grimpe à 48,6% en Guyane et 60,2% à Mayotte.

Si cette population est si jeune, c’est en partie parce que le nombre de grossesses juvéniles explose dans les Outre-mer. “Les naissances précoces sont très fréquentes dans les départements d’Outre-mer”, rappelle la CNAPE. L’organisme indique qu’en 2018, 10,2 % des naissances en Guyane sont précoces, 9,9 % à Mayotte, 5,6% à la Réunion, 3,9% en Martinique et 3,1% en Guadeloupe. Ces grossesses précoces ne représentent que 1,2% des naissances dans l’Hexagone.

Malgré cette démographie en plein essor, les structures de soins peinent à répondre aux besoins. Dans les territoires ultramarins, le manque de structures de soins et de centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) met en danger la santé des habitants, en priorité celle des enfants. “Le manque de dispositifs sanitaires et de Protection Maternelle et Infantile (PMI) a notamment mené à « une dégradation inquiétante du suivi prénatal et de la protection de la santé des enfants. »”, indique la CNAPE, qui alerte également sur la prise en charge du handicap dans ces territoires. 

Des familles monoparentales et en grande précarité 

Dans les Outre-mer, entre 30 et 41% des familles sont monoparentales et s’inscrivent parmi les plus défavorisées. Alors que le taux de pauvreté dans l’Hexagone stagne à 14%, il est de 33% en Martinique, 34% en Guadeloupe, 42% à La Réunion, 53% en Guyane et de 77% à Mayotte, toujours selon les chiffres de l’INSEE. 

Ces familles vivent souvent dans des logements insalubres et suroccupés et rencontrent également des difficultés pour se nourrir. Ces conditions de vie rendent les enfants vulnérables et freinent leur épanouissement. 

La délinquance, pendant direct du décrochage scolaire

Ces difficultés sont renforcées par le décrochage scolaire, l’absence de perspective pour l’avenir, la consommation de produits stupéfiants et l’insuffisance des équipements sanitaires, notamment de santé mentale. En Guyane par exemple, le plus vaste des territoires ultramarins, les populations isolées n’ont pas toujours les moyens d’assurer la scolarité des enfants. “De nombreux enfants résident dans des communes trop éloignées des établissements scolaires. Par conséquent, ils ne sont pas scolarisés”, explique la CNAPE, qui ajoute que “les jeunes cumulent ainsi, faute de suivi adapté, des problématiques qui ne peuvent que s’accentuer à défaut d’être traitées”. 

Cette situation est très prégnante en Guadeloupe, explique la CNAPE. Dans l’archipel, “beaucoup d’enfants n’ont pas d’occupation en journée et vont développer des comportements à risque, notamment la consommation de stupéfiants (cannabis, alcool, drogue dure). Ces comportements ont des répercussions sur leur santé psychique et renforcent le risque de marginalisation sociale”. Un constat corroboré par les associations locales qui rapportent que “les actes de délinquance sont commis par des mineurs de plus en plus jeunes”. La délinquance juvénile est également inquiétante en Martinique et à Mayotte. 

Les violences physiques faites aux enfants encore trop nombreuses

En Guadeloupe encore, “les adhérents de la CNAPE expliquent que les coups et blessures engendrés dans la sphère familiale sont fréquents”. Des violences éducatives qui seraient “relativement tolérées par la société”.

Même constat sur l’île de La Réunion. Selon l'Observatoire régional de la santé de l’Océan Indien, entre 2014 et 2018, “le nombre de faits de violence constatés sur des enfants à La Réunion n’a cessé d’augmenter (+62%)”. Environ  43% d’entre elles sont des violences sexuelles.


Depuis 2019, une stratégie nationale de protection de l’enfance est menée par le ministère de la Santé et le secrétariat d’État chargé de l’enfance et des familles. Cette stratégie doit notamment permettre de réformer la politique de protection de l’enfance et créer à terme une agence nationale. Elle prendra la forme d’un “groupement d’intérêt général (GIP), pour mieux prendre en compte le rôle des départements en matière de protection de l’enfance”, indiquent les autorités sanitaires.