Précarité : l'émouvante lettre d'une étudiante antillaise dans l'Hexagone

La lettre a été écrite par une étudiante antillaise inscrite à l'université de Bretagne Sud à Lorient.
Une lettre anonyme, mise en ligne le 5 mars, a, depuis, été partagée plus d’un millier de fois. C’est le témoignage d’une étudiante guadeloupéenne à Lorient, “loin de se douter” qu’elle vivrait “dans une telle précarité.”
Nous l’appellerons Clémentine. Étudiante en première année de licence de Lettres Modernes à l’Université Bretagne Sud de Lorient, cette étudiante guadeloupéenne de 19 ans souhaite garder l’anonymat. Nous avons pu la joindre par téléphone. 

Entre défiance et compassion, son témoignage n’a, en tout cas, pas laissé les réseaux sociaux indifférents. Il a été mis en ligne le 5 mars par le groupe "UBS en luttes" et a été depuis partagé plus d’un millier de fois.
 

Étudiante boursière de 19 ans

Clémentine est arrivée en août dernier à Lorient. Elle raconte avoir voulu quitter le nord de la Guadeloupe d’où elle est originaire pour étudier en Bretagne parce que l’université de Lorient proposait une licence avec un cursus “parcours de réussite”, c’est-à-dire avec un accompagnement personnalisé, comme des cours de soutien supplémentaires. 

En Guadeloupe, sa mère est employée dans un commerce, son père au chômage. Elle a une sœur cadette là-bas et un frère aîné qui étudie aussi dans l’Hexagone et qui se trouverait dans situation similaire à la sienne.

À Lorient, Clémentine décroche une bourse (455 €/mois dit-elle), mais ne reçoit pas d’aides de LADOM pour la prise en charge des billets d’avion. "La licence existe en Guadeloupe. De ce fait, les services d’aides partent du principe que si elle existe, la solution est de rester en Guadeloupe, sinon, ils refusent d’aider”, confie Clémentine. Elle ajoute : "vu mes difficultés, j’ai choisi cette université qui me proposait ces cours bénéfiques à la réussite de ma licence."
 

"Je me questionne à l'idée de me prostituer"

Autre déconvenue : elle n’obtient pas de logement étudiant via le CROUS, mais en trouve un par ses propres moyens, un 18m2 à 350 euros. Elle bénéficie de 282 €/ mois d'APL (Aide personnalisée au logement), mais nous raconte, comme dans sa lettre, avoir des factures à payer pouvant atteindre les 150 €. “Une fois mes factures payées au début du mois, je dois finir le mois avec 50 euros", écrit-elle dans cette lettre.

Je me trouve dans l’incapacité de me nourrir, (...) de me soigner correctement.


Voilà ce qui a pu toucher les internautes. Clémentine suggère : "je me questionne à l’idée de me prostituer pour avoir un peu d’argent."

Une internaute s’indigne : "Peut être que cet étudiant peut se tourner vers les associations de Lorient pour lui venir en aide ??? Quelle tristesse de lire ces maux ! Bienvenue en France en 2020" Un autre s’interroge :  " Elle travaille ? Lidl fait de bon petit CDI en contrat étudiant."
Sur ce point, Clémentine tient à se justifier : "À cause de mon emploi du temps (elle a 22 heures de cours par semaine), on ne m’accepte pas tout de suite." Elle ajoute : "je suis partie dans un but, réussir mes études."

Face aux critiques, elle se défend : "Je pense que ce sont des personnes qui ont les moyens, qui se permettent de juger sans savoir." Mais certains internautes sont assez féroces. Ainsi, on peut lire sur twitter: "Étudiante en lettres modernes ? Elle écrit aussi mal le français qu'elle le parle. Elle se dit antillaise ? Mais les antillais que je connais s'exprime bien mieux en français surtout si ils viennent des Antilles."
 

"Porte-parole" des précaires

Malgré ces critiques et vu le nombre de messages de sympathie, Clémentine est satisfaite du retentissement de son témoignage :

Je ne m’attendais pas à ça. Je ne suis pas la seule personne dans cette situation. Si ça peut aider à trouver une solution aux personnes en situation de précarité, je suis pour. Je me suis désignée comme leur porte-parole.


Les jours suivants, "UBS en luttes" a publié de nouveaux tweets, pour donner plus de poids à ce témoignage :