Présidentielle américaine : "Kamala Harris est la candidate naturelle" estime l'avocat guadeloupéen Jean-Claude Beaujour

Le président Joe Biden en compagnie de sa vice-présidente Kamala Harris au pupitre lors de la National Small Business Week (événement qui honore chaque année les meilleurs entrepreneurs des États-Unis) dans la roseraie de la Maison Blanche à Washington, le 1er mai 2023.
Au lendemain de l'annonce du Président des États-Unis, Joe Biden de retirer sa candidature pour la présidentielle américaine, tous les regards se tournent vers sa vice-présidente Kamala Harris, à laquelle il a apporté son soutien. Une candidature "naturelle" pour le Guadeloupéen Jean-Claude Beaujour, avocat international, spécialiste des États-Unis.

Dimanche, Joe Biden, président des États-Unis qui était apparu fragilisé ces dernières semaines, a annoncé retirer sa candidature. Qui représentera les Démocrates face à un Donald Trump revigoré par la tentative d'assassinat dont il est sorti presque indemne ? Pour l'avocat guadeloupéen spécialiste des États-Unis, Jean-Claude Beaujour, le match n'est pas gagné pour Trump, et Kamala Harris pourrait bien faire la différence. Entretien. 

Jean-Claude Beaujour

Comment analysez-vous le retrait de candidature de Joe Biden ? Kamala Harris a-t-elle ses chances ? 

Sur le retrait de Joe Biden, je dois vous avouer que je n'ai pas été surpris. Déjà la semaine dernière, au cours du week-end où Donald Trump a été victime d'une tentative d'assassinat, il se disait que Barack Obama et les responsables du parti démocrate devaient échanger pour envisager la sortie de Joe Biden. On s'y attendait donc. Et puis ce que j'avais comme retour depuis Washington, mais dans un certain nombre d'États du pays aussi, c'est que les démocrates vivaient très mal cette campagne. Ils avaient le sentiment que c'était un calvaire. Compte tenu des incidents qui s'étaient produits, il se disait que la campagne tournait plus autour de la personnalité et des difficultés cognitives de Joe Biden, plutôt que du fond. Donc la conjugaison de ces deux éléments me fait dire que c'était pour ainsi dire attendu. 

Sur la candidature de Kamala Harris, c'est la candidature la plus naturelle. Parce qu'elle est vice-présidente depuis quatre ans, qu'elle a été déjà candidate aux primaires. Sur le plan financier, c'est important parce qu'une campagne américaine présidentielle vaut environ 1 milliard de dollars, elle peut bénéficier de la cagnotte qui existe pour le président Biden. Les autres candidats ne peuvent pas le faire puisque les donateurs ont donné au ticket Biden-Harris. Elle est connue maintenant, il faudrait que ce soit confirmé lors de la convention des démocrates qui s'ouvre le 19 août prochain. 

Kamala Harris n'est pas très populaire, même dans son propre camp ? Est-ce une élection déjà pliée d'avance à laquelle on lui donne une chance alors qu'on sait qu'elle ne peut pas gagner  ?

Aujourd'hui, le changement de candidat va permettre aux Démocrates de mettre en place deux objectifs. Le premier, c'est de gagner la Maison-Blanche, la conserver en tout cas. L'objectif numéro deux qu'il faut bien garder en tête, c'est qu'au rythme ou les choses allaient, le risque pour les Démocrates était de perdre les élections dites locales : les postes de gouverneurs, de sénateurs,...et notamment de perdre le contrôle du Sénat. Pour toutes ces raisons, les Démocrates ne pouvaient plus continuer comme ça. Quel que soit le candidat, il a pour objectif d'éviter la catastrophe. Et malheureusement, il n'y a pas de démocrate extrêmement populaire dont on pourrait dire qu'il serait sûr de faire jeu égal avec Donald Trump. La seule personnalité populaire qui pourrait rivaliser en termes de popularité, c'est Michelle Obama, et il semble bien qu'elle n'ait pas envie d'y aller. 

Moi, je pense que les choses ne sont pas aussi pliées que cela en faveur de Donald Trump. Il va devoir faire campagne désormais, peut-être moins sur le physique. Il sera très violent. Il devra faire campagne non pas sur le physique ou sur l'âge du candidat adverse, mais avancer ses idées. Ce sera peut-être l'occasion pour la candidate démocrate d'avancer, elle aussi, ses idées qui tiennent à l'Amérique et à un certain nombre d'électeurs comme l'avortement ou la sécurité. Elle a des atouts, il faut maintenant qu'elle aille à la rencontre des Américains, et qu'elle se raconte. 

Kamala Harris est d'origine jamaïcano-indienne, est-ce que ces origines peuvent avoir une influence sur les relations internationales et les relations avec les pays de la Caraïbe et du Pacifique ? 

En termes de relations internationales, les Antilles (Guadeloupe et Martinique) n'ont pas de souveraineté, donc passent par la relation diplomatique entre la France et les États-Unis. Là-dessus, il n'y a pas grand-chose à attendre.

En revanche, son père était jamaïcain, sa mère indienne. Elle a dans son parcours universitaire toujours été attachée à la question des droits civiques. Elle s'est toujours plus considérée comme une Afro-américaine que comme une Indo-américaine. Elle est allée à l'Université de Howard alors qu'elle aurait pu aller à Berkeley. Elle a toujours revendiqué et assumé sa dimension afro-américaine. Donc là, ça peut être un élément qui peut jouer en faveur du bassin Caraïbe. On peut imaginer que demain, si elle devenait présidente des États-Unis, elle serait plus attentive au sein de la Caraïbe, notamment à ce qu'il se passe en Haïti. Haïti vit une situation dramatique. Donc j'espère qu'elle pourra impulser quelque chose dans la relation avec Haïti puisque les États-Unis pèsent beaucoup. Je pense que sur le plan géostratégique, il peut y avoir une écoute différente, un regard différent.