Michel Charpentier, président de l’association des naturalistes de Mayotte participait à un colloque en ligne organisé par le Sénat sur la biodiversité dans l’océan Indien. Il a expliqué l’importance et la nécessité de préserver les mangroves à Mayotte.
Dans la culture populaire, la mangrove n’a pas bonne presse. Sombre, humide, gadoueuse, elle ne fait guère rêver. Et pourtant c’est l’un des milieux naturels les plus utiles sur terre. Michel Charpentier est installé depuis 17 ans à Mayotte. Ce professeur d’histoire, retraité de l’Education nationale, mène une vie active en tant que président de l’association des naturalistes de Mayotte. En ce moment, il veille trois nuits par semaine sur les nombreuses tortues qui viennent pondre sur une plage du sud de l’île.
Mais ce jeudi 20 mai, il était également en ligne pour participer à un colloque organisé par le Sénat sur la biodiversité de l’océan Indien. Son cheval de bataille : préserver la mangrove à Mayotte, voire la replanter. Or Mayotte est l’île la plus densément peuplée des Outre-mer. On compte aujourd’hui 700 habitants au km2. L’INSEE prévoit une très forte augmentation de la population d’ici à 2050 et l’île pourrait abriter 1200 voire 2200 habitants au km2.
Croissance démographique
Face à cette croissance démographique, les mangroves sont menacées. Urbanisation, construction de routes, de parking, pollution, agriculture intensive... "Les mangroves, ces espaces plats en bord de mer, sont plus que jamais convoitées dans cette île surpeuplée", estime le président de l’association des naturalistes de Mayotte. Les 700 hectares de l’île sont globalement en régression. La surface des mangroves a chuté de 20% depuis les années 80, s’inquiète Michel Charpentier.
"Aujourd’hui avec le changement climatique, l’enfoncement de l’île et la hausse du niveau de la mer, il faut absolument garder cette barrière végétale beaucoup plus efficace que des digues comme celle construite à M’Tsapéré", explique Michel Charpentier à Outre-mer la 1ère. "Protéger la biodiversité c’est protéger les habitants", estime-t-il encore car il n’y a pas meilleure protection naturelle contre la houle, les tsunamis, la montée des eaux ou encore la pollution que la mangrove. Dans une étude publiée en 2019, Matthieu Jeanson, géographe à Mayotte a démontré, sur un site de l’île, que les palétuviers de la mangrove dissipaient jusqu’à 70% de l’énergie de la houle sur une bande de mangrove d’une centaine de mètres de largeur.
Mais les services rendus par la mangrove ne s’arrêtent pas là. A Mayotte le projet LESELAM (lutte contre l’érosion des sols et l’envasement du lagon) porté par le BRGM avec les Naturalistes de Mayotte, a étudié pendant plusieurs années l’érosion des sols et a mis en évidence que la masse de sédiments dégagés par l’érosion était de l’ordre de 20 000 tonnes par an. Or les mangroves permettent de capturer ces sédiments qui, s’ils n’étaient pas piégés, partiraient dans la mer, au risque d’asphyxier les coraux.
Par ailleurs, dans un village du sud de l’île, le CNRS a étudié la capacité d’épuration de la mangrove sur les eaux usées, préalablement décantées. "Les résultats ont été encourageants et confirment que la mangrove a une aptitude certaine à dépolluer", estime Michel Charpentier. La mangrove est aussi une source de biodiversité. Zone de refuge, de reproduction, de nourrissage, de nurserie pour les poissons du lagon, la mangrove est aussi un aspirateur à carbone.
Pégagogie
Afin de sensibiliser les jeunes à l’importance de la mangrove, l’association des naturalistes de Mayotte a mené des actions de vulgarisation scientifique dans les écoles. "En tout 7000 élèves en ont bénéficié, on aurait pu faire mieux s’il n’y avait pas eu le Covid-19", soupire Michel Charpentier. L’association se prépare à lancer l’opération des villages nomades qui va permettre de rencontrer les collégiens pendant quelques jours et de parler d’environnement.
La prochaine étape c’est la replantation. Comment concrètement restaurer la mangrove à Mayotte ? "Il y a 6/7 ans, une première expérience menée par un bureau d’étude n’a pas été concluante", précise Michel Charpentier pour qui il faut absolument mener une "étude sérieuse" avant de se lancer dans l’aventure. Mais au vu de tous les services rendus par la mangrove, il y a, selon le naturaliste, urgence à la préserver et à la faire renaître.