Le prévenu, né en 1981, a été condamné pour injures aggravées. Il devra également verser 5.000 euros de dommages et intérêts à la plaignante et 500 euros respectivement à Reporters sans Frontières (RSF) et au Syndicat national des journalistes (SNJ) qui s'étaient portés partie civile au procès.
Sur Twitter, la plaignante Julie Hainaut a salué cette décision prise "le jour où la proposition de loi Avia (contre la haine en ligne, ndlr) est débattue au Sénat".
Le verdict du procès contre l’un de mes cyberharceleurs le jour où la proposition de loi Avia est débattue au Sénat :#demisatisfaction #loiavia #cyberhaine #cyberharcelement @RSF_fr @SNJ_national @LaetitiaAvia https://t.co/ALZOQ5uhor
— Julie Hainaut (@julie_hainaut) December 17, 2019
Cinq plaintes
De son côté, son avocat Éric Morain a fait part de sa "satisfaction" au terme d'une procédure "longue, difficile et douloureuse" pour sa cliente qui, rappelle-t-il, a dû porter plainte cinq fois avant de voir la tenue d'un procès."Apologie de la colonisation"
L'article relayé par le prévenu avait été le premier acte d'une série de harcèlements en ligne déclenchée par la publication d'un papier de Julie Hainaut, en septembre 2017, dans l'hebdomadaire culturel lyonnais "Le Petit bulletin". Elle y racontait une soirée passée dans un bar du 6e arrondissement de Lyon où les gérants faisaient devant elle l'apologie de la colonisation.Mon nom, La Première Plantation, est une référence aux plantations de canne à sucre (le rhum en est issu) dans les colonies françaises. Je cherche à retranscrire l’esprit colonial, un esprit à la cool, une époque où l’on savait recevoir. (...) "C’était cool, la colonisation ?" me suis-je indignée. "Dans l’esprit, oui, carrément, ça représente une période sympathique, il y avait du travail à cette époque accueillante." Je me suis offusquée : "et la partie esclaves, là-dedans ?". "Ah, on a mis quelques photos dans les toilettes." m’a-t-il rétorqué.
Extrait de l'article du Petit Bulletin
Sa parution avait déclenché l'ire des auteurs de "Démocratie participative", qui avaient immédiatement rédigé un article intitulé: "Une p... à nègres féministe veut détruire un bar à rhum colonialiste : mobilisation !". Un flot d'insultes s'était déversé sur le site - "négrophile pathologique", "prostituée", "femelle hystérique", "hyène puante", et d'autres encore plus violentes.
Menaces
Dans la foulée, la journaliste avait été la cible de nombreuses attaques sur les réseaux sociaux et avait reçu plusieurs courriers électroniques menaçants. En mars 2018, elle assurait à la police avoir été suivie par des individus qui l'attendaient devant chez elle.Mme Hainaut a tenté de faire condamner - sans succès - les responsables du site "Démocratie participative", hébergé aux États-Unis. Son administrateur présumé, le blogueur ultranationaliste Boris Le Lay, localisé pour la dernière fois au Japon, demeure recherché après plusieurs condamnations par défaut, notamment pour provocation à la haine raciale et antisémitisme.
L'avocat de la journaliste a d'ailleurs relevé un "petit sentiment d'amertume" après le jugement de mardi car "la justice n'a pas pris le temps ni mis les moyens pour retrouver les instigateurs de ces messages haineux".
Pour sa part, l'avocat de la défense Xavier Moroz s'est dit "plutôt satisfait dans la mesure où le tribunal n'a pas suivi les réquisitions extrêmement sévères du procureur", qui avait réclamé un an de prison ferme. Une peine qui selon Me Moroz "aurait été injuste" car son client n'était ni l'animateur du site, ni l'auteur de l'article. Le parquet et les parties disposent de dix jours pour faire appel.