Racisme et indigénisme : à Sciences Po, l'action d'associations antiracistes crée des remous sur les bancs de l'école

Des étudiants noirs et l’association beingblackatsciencespo dénoncent des comportements racistes au sein de la prestigieuse école parisienne. En retour, certains élèves s’inquiètent de la montée en puissance d’une idéologie qu'ils qualifient de " racialiste, décolonialiste et indigéniste ".

 

 

Une minorité agissante qui véhicule une idéologie extrémiste venue des Etats-Unis, c’est ce que dénoncent certains élèves de Sciences Po dans un article du Figaro. Ces propos visent principalement l’association beingblackatsciencespo (être noir à Sciences Po), créée dans le sillage du mouvement Black Lives Matter et qui dénonce un racisme structurel au sein de l’école.

Comment devenir antiraciste

A l'origine ce cette crispation, on trouve la publication d'une liste de livres sur le site de Science Po l'été dernier. Des conseils de lecture pour les élèves de l'établissement, parmi lesquelles une série d'ouvrage sur la question noire (Comment devenir antiraciste, d’Ibram X. Kendi; Fragilité blanche, de Robin DiAngelo; Why I’m no Longer Talking to White People About Race, de Reni Eddo-Lodge, ...) recommandée par des étudiants, et qui a fait vivement réagir d'autres élèves de l'école.

 

Julie Tomiche n’appartient pas à l'association beingblackatsciencespo, dont la dizaine d'adhérents tient à rester anonyme. Mais cette Guadeloupéenne qui se trouve en master de journalisme dans l’école parisienne soutient leur position :

Le racisme ordinaire est présent dans l’établissement. Je parle de petites remarques désobligeantes de la part de camarades qui nous font nous sentir comme si nous n’étions pas à notre place.

 

 

" Tu étais dans un lycée français dans ton île ? "

beingblackatsciencespo et Pour Nous, une autre association d’élèves de Sciences Po, sont actifs sur le réseau social Instagram. Elles y postent des témoignages d’élèves victimes de propos racistes (comme cette question posée à un étudiant originaire d’outre-mer : " tu étais dans un lycée français dans ton île ? "), dénoncent le manque de réaction de la direction de l’établissement, et présentent les mesures qu’elles souhaitent voir appliquer dans l’école.

Une cellule de veille contre le racisme

Pour lutter contre le racisme et les préjugés raciaux à Sciences Po, les deux organisations demandent notamment la mise en place d’une cellule de veille contre le racisme, davantage de cours sur l’histoire coloniale -  avec un regard moins « eurocentré » - et des formations pour les professeurs et les étudiants sur les questions de racisme.

Ce que fait Sciences Po

" Notre institution avance sur ces questions-là ", assure de son côté Sébastien Thubert, le responsable de la vie de campus à Sciences Po, qui admet par ailleurs ne jamais avoir eu à enregistrer de plaintes d’élèves victimes de racisme. " Notre objectif c’est justement d’améliorer les voies de saisie pour les étudiant-es qui seraient victimes de racisme ou de discrimination ". Il annonce des formations destinées aux responsables associatifs pour les sensibiliser à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations en général. Il prévoit aussi la mise en place d’une cellule de veille, à l’image de celle qui lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ce plan général de lutte contre les discriminations serait, dit-il, effectif en juin prochain.

Une idéologie extrémiste ?

Dans l’article du Figaro, les étudiants interrogés accusent ces associations antiracistes d’imposer leurs vues idéologique aux autres élèves, sans aucune discussion possible. " Je ne partage pas cette analyse là ", affirme Sébastien Thubert, qui récuse par ailleurs l’existence d’un racisme structurel au sein de l’école. De son côté, l'association beingblackatsciencespo rétorque que son seul objectif est "de sensibiliser les gens aux expériences de racisme auxquelles les étudiant.e.s racisé.e.s font face". Julie Tomiche acquiesce à son tour :

Dès que quelqu’un fait une remarque sur le racisme à Sciences Po, tout de suite elle va être taxée d’indigéniste, de personne qui s’oppose à l’harmonie de la République, à l’universalisme.

 

Moi, je pense que c’est possible de lutter contre le racisme, tout en appartenant à cette société, rajoute-t-elle. Ça fait pas de nous des révolutionnaires, juste des gens qui voulons des droits, et je pense que c’est assez respectable comme objectif ".

Ecoutez le reportage de Tessa Grauman :

Le racisme à Sciences Po