► Léa Ramsamy, étudiante à Paris (75)
Léa Ramsamy est une réunionnaise de 22 ans. Tout juste installée à Paris pour intégrer l’école de journalisme de Sciences Po en septembre dernier, la jeune femme a dû faire face à la fermeture du campus quelques semaines après la rentrée, suite au signalement de plusieurs clusters au sein de l'institut d’études politiques.
Cours en distanciel, visioconférences et promotion scindée en groupes de sept, son arrivée à Paris a été bouleversée. " L’intérêt d’une promo c’est qu’on soit soudés, c’est quand même plus intéressant que l’on puisse se voir", glisse celle qui a quand même pu profiter des semaines de septembre pour se lier avec des camarades. " Heureusement qu’on pouvait encore faire quelques soirées privées, même si c’était risqué à cause du COVID. On faisait attention", précise Léa, qui confie qu’elle a tout de même contracté le virus à la suite d’une soirée.
Confinée depuis vendredi, la future journaliste aborde la situation avec sérénité. " Comparativement au premier confinement, que j’ai trouvé long et compliqué, celui-ci est beaucoup plus facile. Il y a du monde dans les rues, on peut commander à manger et les restaurants peuvent encore livrer...", indique Léa. Elle sort justement d’un restaurant d’une chaîne de fast food, les bras chargés de six menus. Six menus pour la nourrir elle et les cinq autres étudiants avec qui elle s’est confinée en fin de semaine dernière. " On a tous décidé de rester sur Paris pendant les premières semaines de confinement parce qu’on a encore cours. On travaille, on rigole, on mange ensemble et c’est plus agréable", explique celle qui " appréhende déjà de se retrouver seule".
Si elle a pensé à rentrer se confiner sur son île natale auprès des siens, Léa a finalement choisi de rester sur Paris après mûre réflexion. " J’ai fait le choix de rester ici parce que tout se passe bien. J’aurais pu rentrer mais je préfère attendre. J’espère que je pourrais rentrer au moment des fêtes de fin d’année. Même si la situation est préoccupante", achève l’étudiante, qui se demande si les vols à destination de Saint-Denis et le motif impérieux obligatoire pour se rendre dans une autre région risquent de l’empêcher de rentrer.
► Yéléna Sam-Mine, étudiante à Bordeaux (33)
Ce reconfinement, Yéléna Sam-Mine pensait y échapper, après avoir passé le premier auprès de sa famille à La Réunion. " Je commence seulement à réaliser ce que ça signifie d'être confinée seule et loin", confie-t-elle depuis son appartemment de Bordeaux où elle étudie à Sciences Po. " La solitude me fait un peu peur", ajoute celle qui constate au retour des vacances scolaires que sa vie sociale va désormais " se résumer à un écran d'ordinateur ou de téléphone".
Référente de l'union des étudiants réunionnais de l'Hexagone (UERH) dans sa ville, elle a créé avec d'autres référents des groupes Facebook pour permettre aux étudiants de se retrouver. Sondages, jeux, "apéro Zoom"... " tout ce que les gens voudront bien faire s'ils se sentent seuls, pour garder un lien et ne pas tomber dans la déprime étudiante qui peut arriver quand on est tout seul." À côté, elle continue d'appeler ses amis et sa famille, " un peu plus" qu'avant.
La santé mentale c'est difficile de la garder quand on perd le côté intéraction sociale de notre quotidien. C'est important de garder du lien social par quelque moyen que ce soit et on a la chance de pouvoir être confinés en 2020 !
Au téléphone, Yéléna rigole beaucoup et semble sereine. " Il fait encore bon à Bordeaux", note-t-elle avec optimisme. Et malgré les complications de la crise sanitaire, " l'important c'est de rester soudés entre étudiants, que l'on soit ultramarin ou pas".
Seule ombre d'inquiétude : la santé de sa famille : " Quand je vois les chiffres à La Réunion qui augmentent, j'ai plus peur pour ma famille. Mais bon ici, à part si je peux attraper le virus par bluetooth, ça devrait aller", relativise-t-elle dans un éclat de rire.
À côté de son engagement associatif et de ses études, Yéléna préparait un concours administratif qu'elle devait passer courant novembre. Elle attend aujourd'hui de savoir s'il va être annulé, reporté ou maintenu et dans quelles conditions.
► Luca Élie-Dit-Cosaque, étudiant à Compiègne (60)
" Peut-être que ce sera plus dur à l'avenir, mais là ça va plutôt bien". Luca Élie-Dit-Cosaque, 17 ans, a commencé sa vie d'étudiant dans l'ère "Covid". " Ça fait très longtemps que j'ai pas eu une semaine d'école normale", note, amer, cet étudiant arrivé de Martinique en juillet dernier. Malgré le confinement, son école d'ingénieur de Compiègne a pu négocier trois heures de cours en présentiel par semaine. Le reste du temps, tout se fait en ligne. " Les cours à distance c'est beaucoup plus compliqué. Ça me demande beaucoup plus de travail. C'est comme tout faire tout seul."
Un mois après la rentrée, des cas sont déclarés dans son école et l'ensemble des cours passent alors en distanciel jusqu'aux vacances de la Toussaint. La plupart des étudiants rentrent alors chez leurs parents et les sorties se raréfient. Luca décide alors de descendre à Montpellier rejoindre un cousin. " C'était trop dur d'être tout seul après seulement trois mois à vivre seul", raconte-t-il.
C'est là-bas qu'il apprend le reconfinement et qu'il doit rentrer dans l'Oise, comme tous ses camarades. " Maintenant tout le monde est obligé de rester à Compiègne", explique Luca.
En tant qu'étudiant d'Outre-mer, je sais que je ne serai pas rentré chez mes parents. Ça m'a fait ni chaud ni froid quand l'école nous l'a annoncé, mais beaucoup d'étudiants qui espéraient pouvoir rentrer chez leurs parents n'étaient pas contents.
Mais par rapport au premier confinement, qu'il avait passé au François, en Martinique, il trouve un peu plus de liberté. " On ne fait plus la fête mais on continue à se voir pour travailler, pour faire du sport ou pour se rendre des petits services".
On subit moins le confinement. La ville est toute petite donc j'ai moins de gêne à aller chez un ami qui habite à côté de chez moi. J'aurais été dans une grande ville, je n'aurais pas pu.
► Antoine*, en stage à Munich (Allemagne)
Après un début d'année compliqué sur le plan financier, dû à un retard dans le versement des bourses, Antoine peut enfin souffler. L'argent a enfin été versé et il effectue actuellement un stage rémunéré à Munich, en Allemagne, ville qui a l'avantage d'avoir des règles moins strictes qu'en France et d'être proche de sa petite amie. "Ça se passe super bien, confie-t-il. Le cadre de vie est différent, c'est dépaysant. C'est plus apaisé que le contexte actuel en France."
Autre avantage, la vie est moins chère dans le pays : "Quand je suis arrivé, j'ai fait mes courses dans un centre commercial, apparemment le plus cher de la ville mais je ne le savais pas. Les gens étaient ahuris que je sois allé là-bas alors que j'en ai pour 50 euros pour un caddie plein !"
Très impliqué dans l'union des étudiants réunionnais de l'Hexagone (UERH), Antoine garde le lien avec l'Hexagone et les étudiants ultramarins. Il constate de nouvelles sources d'inquiétude chez les personnes qui les contactent.
Quand j'ai vu ce qu'il s'était passé avec les attentats... Certains viennent vers nous et nous disent qu'ils ont peur et qu'ils veulent rentrer. Ce sont surtout les parents qui sont inquiets.
Pour le moment, la majorité des contacts ne concerne que les demandes de retour à La Réunion. "Mais on sait que des problèmes plus graves pourront être signalés dans les prochaines semaines, comme des dépression, etc. Ce qui nous inquiète c'est comment la situation va évoluer." Comme d'autres membres de l'UERH, il s'active sur Facebook et compte relancer un groupe créé l'an dernier par une autre étudiante réunionnaise depuis Hambourg. "Je vais essayer de voir s'il y a des créoles en Allemagne, explique-t-il, pour créer une communauté de solidarité." Et Antoine d'assurer : "On est encore plus motivés."
*prénom d'emprunt