Ils sont chauffeurs de bus au dépôt de Créteil et en grève depuis le 5 décembre dernier pour dénoncer la fin de leurs régimes spéciaux. Vanessa, Lisa et Rossi, originaires des Antilles et de la Réunion ne percevront presque pas de salaire en janvier et février.
Mohamed Errami •
Le jour ne s'est pas encore levé au dépôt de bus RATP de Créteil dans le Val-de-Marne. Une demi-douzaine de salariés gréviste est déjà réunie autour d’une petite table. Sur celle-ci, du café chaud, quelques tracts et des biscuits. En fond sonore, une enceinte diffuse de la musique dansante. Ils s'opposent à la réforme des retraites et à la fin de leurs régimes spéciaux.
Un tee-shirt syndical glissé sur son manteau, Corinne délégué syndicale depuis plus de 15 ans, "pointe" les chauffeurs non grévistes à l’aide de son calepin. Elle sollicite également les uns et les autres pour quelques pièces qui viendront alimenter le fonds de solidarité aux grévistes. Le dépôt compte mercredi 15 janvier 70% de bus en service.
"Je n’avais pas prévu que les grèves allaient durer aussi longtemps, je pensais que deux semaines suffiraient". La jeune femme compte sur les cinq premiers jours de décembre travaillés et quelques économies pour faire face au manque à gagner de ces dernières semaines. Elle espère toucher fin janvier au moins 500 euros contre 1800 euros habituellement.
Vanessa à 33 ans. Elle est conductrice de bus depuis 7 ans. D’origine antillaise, cette mère isolée à une fille de huit mois à sa charge. Elle est en grève depuis le 5 décembre.
Si je fais grève ce n’est pas pour mes parents mais pour ma fille. Vanessa, conductrice de bus
"Si un bus a une sortie prévue à 6 heures, nous on leur dit, vous sortirez à 6 heures 20. C’est un accord négocié avec la direction. Cela perturbe les lignes et ralenti le trafic" explique Rossi. Ce Réunionnais de 37 ans est chauffeur de bus par passion à la RATP depuis 2013. Il perçoit 1695 euros. Reconverti après une carrière de commercial, Rossi veut reprendre le boulot. Sa plus grosse perte est financière mais son moral intact.
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Rossi a bénéficié du décalage d’un mois sur le versement des salaires et fin décembre il a touché son salaire de novembre. Fin janvier et février, Rossi est conscient qu’il ne touchera presque rien. "Concrètement à la fin janvier, j’aurais zéro, en février zéro" Grâce aux quelques jours travaillés début décembre avant la grève, Rossi touchera ce mois un petit reliquat.
J’ai un travail dans lequel je rends service aux gens tous les jours et ça m’ennuie d’être en grève parce que j’adore mon métier. Rossi, chauffeur de bus
Rossi, Réunionnais de 37 ans chauffeur de bus
Une AG pour se rassurer
Malgré ces actions de filtrage les grévistes saluent les collègues qui ont choisi de travailler. Ces derniers leurs répondent par des coups de klaxon.
Vanessa interroge les représentants syndicaux : "est-ce qu’on peut négocier avec la direction une grève par intermittence, c’est-à-dire qu’on travaillerait de 7 heures à 11 heures et on ferait grève de 11 heures à 15 heures ?"
Corinne et son collègue répondent que si on ne gagne pas le mouvement, on ne pourra rien négocier et que pour pouvoir gagner, il faut mobiliser, être nombreux et faire pression.