"Regarde" ou l’exposition inspirée des forêts de La Réunion de Tristan Vyskoc

Tristan Vyskoc
Après avoir lutté pendant quatre ans contre un acouphène assourdissant, Tristan Vyskoc a failli se perdre. La peinture est devenue un médicament pour ce natif de La Réunion. Sa dernière exposition "Regarde" célèbre la beauté et les mystères des forêts de l'île.

Natif de La Réunion, Tristan Vyskoc a vécu une expérience particulièrement éprouvante. Un acouphène virulent. Impossible de se défaire d’un bruit de sirène permanent dans la tête. Jusqu’alors, il vivait comme entrepreneur, dans la finance, spécialiste des investissements. Il avait monté sa boite. Depuis 17 ans, tout roulait. Avec cet acouphène, sa vie a basculé en 2011. Travailler relevait de l'impossible. Pour seul remède, il n’avait trouvé que la course. Alors pendant des années, l’entrepreneur s’est mis à courir. De plus en plus. Pour pousser son cerveau à combattre cet acouphène, il a fait la diagonale des fous en 2013 à La Réunion, la mythique course qui fait rêver les trailers. "Je redécouvrais mon île, ses paysages exceptionnels, dans un cadre différent, raconte-t-il à Outre-mer la 1ère. C’était merveilleux". Toujours plus vite, toujours plus haut, en 2015, Tristan Vyskoc s’est lancé dans l’ultra trail du Mont blanc.

Œuvre de Tristan Vyskoc

Période sombre

Mais avec cette course, il a explosé ses limites. Quelques jours après son retour à Paris, le coureur a dû être hospitalisé d’urgence. L’entrepreneur a vécu une expérience qu’il qualifie "de nuit de feu ou de mort imminente". Bref une nuit pendant laquelle il a tout simplement failli y passer. En quittant l’hôpital, il est parti sur l’île de Ré pour se reposer. C’est alors qu’il s’est mis à peindre frénétiquement. "Je peignais en état de conscience modifiée, en écriture automatique", précise-t-il. Ses premières peintures, il les a effectuées à l’encre de Chine. Le résultat est troublant, car tout simplement beau. Après cette période en noir et blanc, Tristan Vyskoc a eu envie de peindre des montagnes, ces fameuses cimes qu’il avait parcourues à toute allure lors de son trail au Mont Blanc. Des tableaux tout bleus constellés de blanc. La neige.

Œuvre de Tristan Vyskoc

"Ce n’est pas un panorama, écrit-il. C’est une carte mentale. Les images encore prégnantes d’un tracé qui m’a mené près de la ligne rouge". Après avoir exposé à Paris, à Venise et à Chamonix, Tristan Vyskoc a eu envie de plonger dans l’ambiance dans laquelle il vivait enfant à La Réunion. "Ce qui m’a inspiré, c’est vraiment les forêts de la Réunion, explique-t-il. Après ma période noire, puis ma période bleue de montagnes, j’ai commencé à peindre un grand Tamarin des Hauts, un arbre endémique de La Réunion, avec tout ce qu’il représentait de mystères. J’ai débuté par ce tableau, j’ai eu envie de continuer ". Cette envie de forêt n’a fait que croître avec la période de confinement. Le peintre confie qu’il travaille "en état de transe". Il ne voit pas les heures défiler. En deux jours, il parvient à mettre au point un tableau.

Notre maison brûle

Pendant la période de confinement, le seul moyen pour s’échapper, c’était d’aller en forêt ou dans la nature. Tristan Vyskoc a imaginé sa propre forêt intérieure, toute verte, à la fois éblouissante et terrifiante. "L’idée de l’expo, c’est de retrouver cette saturation que l’on peut ressentir en forêt. La forêt à La Réunion peut être rassurante ou apaisante, mais également mystérieuse et effrayante". Plusieurs sculptures en bois accompagnent les tableaux. Tristan Vyskoc a choisi de baptiser sa nouvelle exposition : "Regarde". "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs", cette phrase prononcée par Jacques Chirac il y a 20 ans, lors du 4e Sommet de la Terre à Johannesburg, a inspiré l'artiste. Quand il a découvert il y a quelques semaines la synthèse du rapport du GIEC nous disant que l’on n’avait plus que trois ans pour agir, le peintre s’est dit que l’idée du regard était "importante". "Plus on regarde le beau, plus on le préserve, ajoute-t-il. On devrait être tous alliés face à ce problème du changement climatique", insiste-t-il.

Forêts

Né à la Réunion le 7 juin 1971, le peintre y a vécu jusqu’à l’âge de 13 ans. Son père s’était installé sur l’île à 20 ans et y avait créé une entreprise. Sa mère était chef de cabine à Air France. "Ils se sont probablement rencontrés lors d’un voyage", note l’artiste. La famille habitait dans les hauts de Saint-Denis à Bellepierre et possédait une case au bord de l’eau à Saint-Gilles à Grand fonds. "La Réunion, c’est le plus bel endroit du monde", estime Tristan Vyskoc. Entre Saint-Denis, la roche écrite, ses forêts luxuriantes et Saint Gilles, c’était le paradis.

Détail d'une œuvre de Tristan Vyskoc

Comment devient-on peintre ? Pour Tristan Vyskoc, la vocation est arrivée tardivement et de manière surprenante. Agé de 25 ans, pris d’une envie de peindre, mais n’ayant aucune technique, il a choisi "le truc le plus simple" selon lui : le street art. Les années ont passé, dans la finance. Après cette nuit d’hôpital en 2011, toute sa peinture a été modifiée. "Je suis intimement persuadé que j’ai reçu quelque chose qui s’est révélé cette nuit", estime Tristan Vyskoc. Le peintre se demande si ses ancêtres, René-Marie Castaing peintre et prix de Rome et Joseph Castaing également peintre ne lui auraient pas transmis ce virus de la création. Tristan Vyskoc se prépare à dévoiler sa forêt intérieure, ses tableaux inondés de vert. Il rêve de les présenter un jour à La Réunion. Quant à ses acouphènes, ils sont toujours là, mais la peinture lui a permis de vivre avec. 

René-Marie Castaing

Exposition "Regarde" :

Portes ouvertes du 22 avril au 24 avril de 12h à 20h

Du 25 avril au 15 octobre avec rendez-vous (http://www.vyskoc.com/contact.php)  

70 avenue de la Grande Armée à Paris