Rentrée : Trouver un logement dans l’Hexagone, un parcours du combattant pour les étudiants d’Outre-mer

Une des residences etudiante au Crous de Nanterre.
Visites à distance, difficultés à trouver un propriétaire acceptant un garant vivant dans un territoire éloigné… Si des solutions alternatives existent, trouver un logement est particulièrement difficile pour les Ultramarins venus poursuivre leurs études dans l'Hexagone.

Trier les annonces, dénicher un appartement qui entre dans son budget, constituer un dossier, faire des visites et, enfin, emménager. Trouver un logement est rarement simple pour les étudiants. Cela se complique encore pour les jeunes d’Outre-mer venus faire leurs études dans l’Hexagone.

"À distance, je ne pouvais pas visiter. Avec des photos et des vidéos, tu as du mal à te faire une idée de ce à quoi ressemble vraiment l'appartement et le quartier. On ne connait pas, on ne sait pas où on finit", témoigne Jaurick, qui a quitté la Polynésie pour étudier la kinésithérapie à Lille. Ne pas pouvoir être présent complique la recherche et limite les chances de voir son dossier accepté. "À 20 000 km on se fait doubler rapidement par des personnes qui viennent et rencontrent directement le propriétaire", détaille Takai, un étudiant en école de commerce venu de Tahiti. Le jeune homme a finalement trouvé un appartement dans une résidence étudiante, "parce qu'avec un propriétaire privé, c'était vraiment compliqué".

Autre problème : la caution. "Mes parents n'ont pas pu être garants, il fallait que le compte du garant soit en France", raconte Keha, une étudiante en licence de biologie à Poitiers, elle aussi d’origine tahitienne. La jeune femme a trouvé une solution en demandant à son oncle de se porter garant, mais tous n’ont pas des proches dans l’Hexagone qui peuvent les aider.

Une pratique illégale

Un propriétaire n’a pas le droit de refuser une caution parce que le garant ne réside pas dans l’Hexagone. La pratique est punie par la loi, qui prévoit jusqu’à 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement. Mais si le député de Guadeloupe Olivier Serva s’est saisi du problème l’année dernière, en interpellant le gouvernement, depuis, rien n’a changé, et certains propriétaires sont réticents à accepter un garant vivant à des milliers de kilomètres.

"Quand on assigne quelqu'un en justice, on doit l'assigner au lieu du domicile du défendeur, c'est-à-dire au tribunal là où il est", décrypte David Fitoussi, le directeur de la Commission des locataires et des familles (la CLEF). Pour le juriste, cela explique en partie les réserves des propriétaires qui excluent les dossiers dont les garants n'habitent pas dans l'Hexagone. "Un propriétaire ne peut pas refuser le cautionnement pour cette raison, mais il peut toujours refuser de louer son bien", poursuit David Fitoussi. Difficile ensuite pour un locataire de prouver que c’est parce que son garant vit en Outre-mer qu’il n’a pas obtenu l’appartement.

Marché saturé

À niveau de bourse équivalent, les CROUS donnent en priorité les logements aux étudiants venus des Outre-mer. Pour ceux qui n’ont pas les moyens de se loger dans le privé et qui ne remplissent pas les conditions pour obtenir un appartement du CROUS, des solutions alternatives existent, notamment la garantie VISALE. Mise en place par Action Logement, il s’agit d’une caution gratuite sur trois ans : en cas d’impayé, c’est Action Logement qui dédommage le propriétaire, avant de demander un remboursement au locataire. La garantie VISALE est accessible aux étudiants de moins de 30 ans, sans condition de ressources.

"Au niveau des démarches administratives, on a souvent ce problème des garants, mais même quand on passe par la solution VISALE, certains particuliers ne sont pas très à l'aise, donc ça ne fonctionne pas forcément", relativise pourtant Mdallah-Mari Antoissi, le président de l'Association des Mahorais de la métropole lilloise. "Il y a aussi une question de discrimination, parfois, on sent qu'ils essayent de nous faire comprendre qu'ils ne veulent pas de nous", ajoute-t-il.

Son association s'est rapproché d'un partenaire local et dispose d’une dizaine de logements réservés aux jeunes de Mayotte. Des initiatives similaires ont été mises en place dans d’autres villes universitaires, notamment à Montpellier, où l’association solidarité DOM-TOM travaille avec un bailleur social qui réserve des logements à des étudiants ultramarins venus poursuivre leurs études dans l’Hexagone.

"Le prix du marché a explosé, c'est très difficile de trouver un appartement. Chaque année, bon nombre d'étudiants n'ont pas de logement", regrette le directeur de l’association, Jean-Marie Bargot. Cette année, les 40 logements mis à disposition par solidarité DOM-TOM ont tous trouvé preneurs en moins d’une semaine.