De La Réunion aux cités de Gennevilliers : qui est Guillaume, le porte-parole des policiers en colère ?

De La Réunion aux cités de Gennevilliers : qui est Guillaume, le porte-parole des policiers en colère ?
A 31 ans, Guillaume, agent de la Brigade Anti-Criminalité des Hauts-de-Seine, est l'un des porte-paroles des policiers en colère. Né à Saint-Benoît en 1985, qui est ce policier réunionnais en attente de mutation depuis 2005 ? Portrait.
De lui, il parle peu. Jusqu’à présent discret sur son parcours, Guillaume l’est beaucoup moins sur son métier. Le "manque d’effectifs", les "missions trop nombreuses, parfois éloignées des besoins", "le manque de moyens" : quand il s’agit d’"alerter sur les problèmes de la profession", le Réunionnais n’hésite pas à s’exprimer (ci-dessous son interview sur France Ô). Jugé trop bavard par sa direction, Guillaume a été convoqué devant l’IGPN, le 3 novembre. La police des polices lui reproche l’organisation des manifestations de policiers en colère. Ses collègues, eux, le soutiennent, le considérant comme un "lanceur d’alerte".
 
©la1ere

Devenir policier

À 31 ans, le visage du jeune brigadier est devenu presque familier. En première ligne, lors des manifestations à Paris, il fait partie des rares policiers qui ont protesté à visage découvert. Agent de la Brigade Anti-Criminalité au commissariat de Gennevilliers (Hauts de Seine), Guillaume est entré dans la police en 2005 par "vocation", sourit-il. "Très jeune déjà, je regardais les séries policières, les documentaires, raconte le Réunionnais né en 1985 à Saint-Benoît. J’aimais cet univers. Je voulais sauver des gens et être utile".
 

De St-André à l’école de police de Nîmes

Le bac en poche, Guillaume a à peine 18 ans lorsqu’il passe avec succès son concours d’entrée dans la police. Intégré à l’école à Nîmes, il quitte sa famille et son île. "Ça avait beau être le sud, je passais de 40 à 8 degrés, s’exclame le Réunionnais qui en garde toutefois un excellent souvenir. La méthode était militaire mais pas trop, avec un mélange de sports et d’études". Le jeune homme noue de "solides amitiés", une manière de pallier l’éloignement familial "souvent pesant". "A l’époque, il n’y avait pas les forfaits illimités, pas de skype. J’achetais une carte téléphonique pour appeler d’une cabine !"
 

Gennevilliers et les émeutes de 2005

À sa sortie de l’école, Guillaume est affecté au commissariat de Gennevilliers et prend son poste en 2005 "pendant les émeutes". "Un climat de violence extrême auquel il est impossible d’être préparé, souligne le policier. Encore moins lorsque l’on vient de La Réunion". "Nous étions jeunes, sortis d’école, à trois par voiture, lâchés dans une cité où personne ne voulait nous voir", raconte-t-il. "Bien sûr, on avait appris les bases d’une intervention à l’école, mais pas dans des cités sans issue, pas lorsque l'on se fait caillasser. Ado à La Réunion, j’ai le souvenir d’un respect de la police qui n'existe plus en métropole".
 
Guillaume, le porte-parole réunionnais des policiers en colère, avait été entendu par l'IGPN en novembre 2016.

Une mutation qui s’éloigne

De ses débuts, Guillaume retient de "belles interpellations et le sauvetage de personnes dans un appartement en feu". Le Réunionnais traverse aussi des périodes de doutes. "Parfois, ma famille me manquait tellement que j’avais envie de tout quitter", avoue-t-il. Il y a aussi eu des moments éprouvants, "un collègue blessé dans un guet apens, un autre brûlé à 90 %". 

En début de carrière, le policier prend régulièrement ses congés bonifiés pour rentrer à La Réunion, puis de moins en moins. "Quand je suis entré dans la police, une équipe de la BAC était composée de 16 personnes, aujourd’hui nous sommes quatre. Impossible de prendre mes congés bonifiés sans priver les collègues de vacances", regrette ce père de famille qui n’est pas allé à La Réunion depuis 2013. Au commissariat de Gennevilliers, Guillaume a très vite gravi les échelons, tout en demandant sa mutation depuis 2005. "Mais maintenant que je suis brigadier, la mutation s'éloigne encore un peu plus, car je repars de zéro dans un nouveau classement", explique le Bénédictin.

Policier en colère

Prend-t-il un risque en se mettant en avant dans la contestation des policiers ? "En théorie, cela ne peut pas avoir de conséquence sur la mutation", espère Guillaume qui explique être devenu l'un des porte-paroles du mouvement par "un concours de circonstances", suite à un "épisode douloureux". "On nous a accusé d’être affilié au Front national, déplore-t-il. On ne pouvait pas se laisser faire. La police a de vrais problèmes que nous devons faire entendre". Comme d’autres, Guillaume tombe le masque pour "redonner du crédit au mouvement".
 
Manifestation des policiers en colère en soutien à Guillaume devant l'IGPN, le 3 novembre.

Le calme avant la tempête

A La Réunion, sa famille est fière de lui, mais exprime "ses craintes" et "se demande ce (qu'il) risque". Convoqué le 3 novembre devant l’IGPN, Guillaume ne sait pas encore s’il sera sanctionné. "Je n’ai pas de regret, il fallait prendre la parole", ajoute-il. Tenace, le Réunionnais n'a pas l'intention d'abandonner le combat : "c’est le calme avant la tempête". "L’association des -Policiers en colère- est créée, les manifestations vont reprendre", prévient Guillaume qui espère toutefois rentrer à La Réunion le mois prochain. Une bouffée d’air et un retour aux sources. De quoi revenir encore plus déterminé.