La commission des enfants de la Creuse créée en février dernier par le gouvernement se réunit pour la première fois ce mardi à La Réunion. Jean-Bernard Pranville et sa soeur Sylvie Arcos seront présents. Exilés respectivement à l'âge de 5 et 4 ans, Une équipe de France Ô les a rencontrés à Toulon.
De 1963 à 1982, plus de 1 600 enfants de La Réunion ont été envoyés dans des départements français peu peuplés tels que la Creuse, le Gers, le Cantal ou la Lozère. Jean-Bernard et Sylvie ont un parcours atypique car ils ont atterri en Bretagne. Là, un couple a adopté le frère et la sœur et leur ont dit qu’ils avaient été abandonnés à La Réunion.
Jean-Bernard, lui, se dit bien volontiers Breton. "J’ai même failli faire partie du FLB, le front de libération breton ! J’aimais suivre les cours de Breton. J’ai gardé pleins de bons souvenirs là-bas et d’amis aussi". En revanche Sylvie, préfèrerait ne jamais remettre les pieds en Bretagne. Toulon, la ville où ont grandi ses quatre enfants lui plaît bien. "C’est le sud, ça va, mais je me sens uniquement bien à La Réunion" sourit-elle.
Les deux enfants ont grandi ensemble. Pour Sylvie, son grand-frère est "un repère, la vraie famille". Sur les photos, on les voit très complices. Jean-Bernard se rappelle en particulier d’une série de photos prises par un journaliste pour Lorient hebdo. "Ils avaient écrit un article sur ce couple de Bretons (nos parents adoptifs) qui avait adopté des petits guadeloupéens. Je m’en rappelle encore, ils s’étaient trompés. Et quand plus tard, j’ai vécu en Guadeloupe. J’y ai vu comme un signe".
Puis les destins des deux enfants se sont quelque peu éloignés. Jean-Bernard est parti en école hôtelière. Sylvie est restée à la maison avec toutes ses questions. "J’ai commencé à faire le service dans un restaurant réunionnais. Et le patron avait une sœur qui travaillait à la mairie de Saint-Denis. Grâce à elle, j’ai pu avoir mon acte de naissance. J’ai pu commencer vraiment mes recherches".
Pendant ce temps, Jean-Bernard suit de loin les avancées de sa sœur. Il est parti vivre en Guyane puis en Guadeloupe. "En Guyane, dit-il, j’avais l’impression de déjà-vu, comme si ce climat tropical m’était familier".
Documentaire - Une enfance en exil (bande-annonce) par France3PoitouCharentes
"J’ai alors compris que tout ce qui nous était arrivé avait une origine : une politique mise en œuvre pas l’Etat français", s’étonne toujours Sylvie. "Et ça m’a fait un choc terrible, j’ai fait une dépression grave", confie-t-elle. De son côté, Jean-Bernard apprend par sa sœur toute cette histoire. Sylvie ne se laisse pas abattre et décide d’adhérer à la fédération des enfants déracinés de la Creuse. Elle se rend à l’assemblée générale de cette année à Guéret et souhaite désormais faire connaître cette histoire.
Elle apprend que les associations recherchent des Réunionnais de la Creuse n’ayant jamais été à La Réunion. Elle monte un dossier pour son frère. Jean-Bernard suit toute cette affaire de loin, mais ne freine jamais sa sœur dans ses démarches. Et puis, coup du destin, il apprend que son dossier est retenu. Il décide de quitter la Guadeloupe, de vendre sa maison et de s’embarquer dans une nouvelle aventure. L’association va l’aider à partir pour La Réunion, pour la première fois. "Ma vie s’est basée sur un mensonge, déclare-t-il, on nous a toujours dit que nous avions été abandonnés, j’ai envie d’en savoir plus, de comprendre ce qui s’est passé".
Pendant ce temps-là, la commission des enfants de la Creuse créée en février dernier poursuit son travail de recherche historique et se réunit ce mardi pour la première fois à La Réunion. Tous les enfants de la Creuse et leurs descendants espèrent que la lumière soit faite sur cette histoire et qu’elle soit connue de tous.
Les soeurs de La Réunion
En 1971, Jean-Bernard Pranville et Sylvie Arcos n’avaient respectivement que quatre ans et cinq ans. A l’époque, ils croient se souvenir qu’ils parlaient créole. Mais ensuite, leur approche de l’adoption diffère. Jean-Bernard se souvient des sœurs de La Réunion qui le maltraitait. "Elles nous enfermaient dans une pièce noire. Il y en a une qui m’avait mis la tête sous l’eau, j’ai cru étouffer…" confie-t-il. "Au moins avec mes parents adoptifs, nous avions de quoi manger, nous étions au chaud et bien habillés".Déracinée
Sylvie, elle, se rappelle surtout qu’elle s’est toujours sentie mal en métropole. "Je me sentais différente. Ma mère était très autoritaire et mon père m’a fait vivre un traumatisme que je ne suis pas prête d’oublier". Du plus loin qu’elle se souvienne, Sylvie a toujours voulu comprendre, savoir d’où elle venait. "Je me sentais différente, j’avais besoin de savoir où étaient mes racines".
De La Réunion à la Bretagne
Jean-Bernard, lui, se dit bien volontiers Breton. "J’ai même failli faire partie du FLB, le front de libération breton ! J’aimais suivre les cours de Breton. J’ai gardé pleins de bons souvenirs là-bas et d’amis aussi". En revanche Sylvie, préfèrerait ne jamais remettre les pieds en Bretagne. Toulon, la ville où ont grandi ses quatre enfants lui plaît bien. "C’est le sud, ça va, mais je me sens uniquement bien à La Réunion" sourit-elle.
Des petits Guadeloupéens
Les deux enfants ont grandi ensemble. Pour Sylvie, son grand-frère est "un repère, la vraie famille". Sur les photos, on les voit très complices. Jean-Bernard se rappelle en particulier d’une série de photos prises par un journaliste pour Lorient hebdo. "Ils avaient écrit un article sur ce couple de Bretons (nos parents adoptifs) qui avait adopté des petits guadeloupéens. Je m’en rappelle encore, ils s’étaient trompés. Et quand plus tard, j’ai vécu en Guadeloupe. J’y ai vu comme un signe".
Recherche effrénée
Puis les destins des deux enfants se sont quelque peu éloignés. Jean-Bernard est parti en école hôtelière. Sylvie est restée à la maison avec toutes ses questions. "J’ai commencé à faire le service dans un restaurant réunionnais. Et le patron avait une sœur qui travaillait à la mairie de Saint-Denis. Grâce à elle, j’ai pu avoir mon acte de naissance. J’ai pu commencer vraiment mes recherches".Les retrouvailles
En 1998, Sylvie décide de partir à La Réunion et là, c’est le choc, elle se découvre pleins d’oncles et de tantes. Elle découvre aussi le nom de sa mère Adrienne Marie-Jeanne et surtout elle comprend que sa mère ne les a pas abandonnés. "Je me suis rendue à la DDASS et là, on m’a dit que ma mère n’a jamais signé d’acte d’abandon", confirme-t-elle.
Guyane et Guadeloupe
Pendant ce temps, Jean-Bernard suit de loin les avancées de sa sœur. Il est parti vivre en Guyane puis en Guadeloupe. "En Guyane, dit-il, j’avais l’impression de déjà-vu, comme si ce climat tropical m’était familier".Catherine, la Kafrine
Pour Sylvie, ces révélations sur son enfance lui font l’effet d’un électrochoc. Peu à peu, elle reconstitue le fil de son histoire, comme un puzzle qui se met en place. "Je me souviens que ma mère adoptive m’avait donné un deuxième prénom Catherine. Elle m’avait vu appeler toutes mes poupées Catherine. J’ai réalisé en allant à La Réunion que ce que je disais n’était pas Catherine, mais Kafrine, femme en créole réunionnais".Une enfance en exil
Depuis, Sylvie adore parler créole et profite de chaque voyage pour améliorer sa pratique. Au fur et à mesure de ses recherches, elle a compris que son père était un homme marié du nom de Félicien Amsing. Puis il y a deux ans, nouveau déclic. Le parrain de Sylvie en Bretagne l’appelle pour lui dire de regarder un documentaire : Une enfance en exil réalisé par William Cally avec l’historien Sudel Fuma (bande-annonce ci-dessous).Documentaire - Une enfance en exil (bande-annonce) par France3PoitouCharentes
Fédération des enfants déracinés
"J’ai alors compris que tout ce qui nous était arrivé avait une origine : une politique mise en œuvre pas l’Etat français", s’étonne toujours Sylvie. "Et ça m’a fait un choc terrible, j’ai fait une dépression grave", confie-t-elle. De son côté, Jean-Bernard apprend par sa sœur toute cette histoire. Sylvie ne se laisse pas abattre et décide d’adhérer à la fédération des enfants déracinés de la Creuse. Elle se rend à l’assemblée générale de cette année à Guéret et souhaite désormais faire connaître cette histoire.
Voyage à La Réunion
Elle apprend que les associations recherchent des Réunionnais de la Creuse n’ayant jamais été à La Réunion. Elle monte un dossier pour son frère. Jean-Bernard suit toute cette affaire de loin, mais ne freine jamais sa sœur dans ses démarches. Et puis, coup du destin, il apprend que son dossier est retenu. Il décide de quitter la Guadeloupe, de vendre sa maison et de s’embarquer dans une nouvelle aventure. L’association va l’aider à partir pour La Réunion, pour la première fois. "Ma vie s’est basée sur un mensonge, déclare-t-il, on nous a toujours dit que nous avions été abandonnés, j’ai envie d’en savoir plus, de comprendre ce qui s’est passé".Pendant ce temps-là, la commission des enfants de la Creuse créée en février dernier poursuit son travail de recherche historique et se réunit ce mardi pour la première fois à La Réunion. Tous les enfants de la Creuse et leurs descendants espèrent que la lumière soit faite sur cette histoire et qu’elle soit connue de tous.