Le titre
Il n’y a pas d’ironie dans ce titre, "Le rêve français", même si le Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) a souvent offert des emplois subalternes et a conduit parfois à la précarité. "C’est parti de l’american dream", explique France Zobda, la coproductrice (avec Jean-Lou Monthieu, Eloa Prod). "Nous avons eu notre french dream, c’est-à-dire ce rêve français, où chacun rêvait de la France d’une certaine manière. Il s’agissait donc de savoir ce que c’était que ce rêve français. Mais on aurait pu mettre un point d’exclamation ! Pour l’illusion ou la désillusion de certains, et la réussite d'autres aussi, car il y a eu de tout : des gens qui ont échoué, mais aussi des gens qui ont réussi. Et on ne voulait pas montrer qu’un versant des choses".
France Zobda : "le rêve ou le cauchemar"
Les histoires
Ce « Rêve français » est un film choral. On suit les parcours de Doris et Samuel, qui quittent la Guadeloupe pour l’hexagone au début des années 60 : elle veut s’extraire de son milieu familial, lui va devenir avocat. On suit également Charley, arrivée de La Réunion, qui tente de devenir comédienne. Parcours croisés sur deux générations, qui brassent les destins et la grande Histoire.
L’Histoire
Le point de départ, c’est la création en 1963 du Bumidom par Michel Debré, face à la démographie galopante aux Antilles et à La Réunion, et faute d’emplois suffisants sur place. Il encourage donc les départs de populations essentiellement jeunes, défavorisées, noires ou métissées, peu instruites et peu qualifiées. Le Bumidom prend en charge les frais de voyage (bateau, puis avion), et promet une formation, un logement et un emploi. Beaucoup connaîtront surtout les emplois dont ne veulent pas les métropolitains, et se retrouveront logés en périphérie des grandes villes. Certains plongeront dans le chômage, la précarité et la prostitution.
Mais le scénario, qui va des années 60 aux années 2010, intègre d’autres épisodes des relations entre la France et ses DOM, souvent méconnus dans l’hexagone (et par toute une génération de « domiens »). Répression syndicale, émeutes après un acte raciste (mé 67), mouvements séparatistes (OJAM), indépendantistes (GONG) terroristes (GLA), pollution au chlordécone, radicalisation de jeunes convertis à l’Islam... Rien ne semble oublié. Et bien sûr la mémoire de l'esclavage, avec une scène d'ouverture au Memorial Acte de Pointe à Pitre.
Les scénaristes
Le Réunionnais Sandro Agénor, le Martiniquais Alain Agat, et le réalisateur Christian Faure, signent le scénario de cette saga. A l’origine, elle devait se dérouler en 6 fois 52 minutes. Il a donc fallu renoncer à certaines choses, comme des scènes à La Réunion, et se concentrer sur deux fois 90 minutes.
"Après l’écriture des 6 épisodes, qui était pratiquement terminée", raconte Sandro Agenor, "il y avait énormément de matériau et il a fallu se concentrer sur l’essentiel. Il y a toute une partie qui se passait à La Réunion qui a fait un peu les frais de l’opération, mais je crois aussi pour des raisons budgétaires : ça représentait énormément de moyens de tourner à la fois aux Antilles et à La Réunion. Nous avons donc sacrifié des choses, on s’est recentré sur la destinée de certains personnages, mais à partir du moment où j’ai rendu mon scénario, j’estime que j’ai donné le meilleur. C’est toujours perfectible mais ça veut dire que je suis content de mon travail".
Sandro Agénor qui raconte aussi la chape de plomb qui pesait dans les familles qui n'osaient pas dire qu'elles voyageaient en France métropolitaine grâce au Bumidom.
Sandro Agenor : "c'était un peu la honte"
Les actrices et les acteurs
En tête d’affiche Yann Gael (d’origine Camerounaise), dans le rôle de Samuel (qui lui a valu le prix de la meilleure interprétation au Festival du film de fiction tv de La Rochelle en septembre dernier), et Aïssa Maïga (d’origine sénégalaise), qui a une belle carrière au cinéma, de "Bamako" à "Il a déjà tes yeux". Un choix artistique et non pas basé sur les origines. Mais les domiens sont là : les Martiniquais Christian Julien, Sohée Monthieux, les Guadeloupéens Julien Beramis, Laurence Joseph, par exemple. Sans parler de Firmine Richard ! Seul l'accent, ou plutôt son absence, peut créer un certain trouble. Il y a d'ailleurs une explication technique typiquement française, que souligne Aïssa Maïga : contrairement aux Etats-Unis, il n'y a pas en France de coach vocal pour prendre un accent local sans que cela tourne à la caricature.
Aïssa Maïga : "l'accent antillais caricaturé, on en a soupé"
Voir "Le rêve français"
- Projections en avant-première en Guadeloupe au Rex mardi 13 mars à 19h, et en Martinique à Madiana jeudi 15 mars à 19h.
- Diffusion sur Martinique la 1ère et Guadeloupe la 1ère mardi 20 mars à 20h35 et mardi 27 mars
- Diffusion sur France 2 mercredi 21 mars et mercredi 28 mars à 20h55, ainsi que sur les chaînes la 1ère (sauf Martinique et Guadeloupe)
- Diffusion sur France Ô samedi 7 avril et samedi 14 avril à 20h55