Révélations sur Youssoufi Touré, le recteur de Guyane démissionnaire

Youssoufi Touré était à la tête de l'université d'Orléans de novembre 2009 à mars 2016.
Le recteur de Guyane a annoncé sa démission mercredi 4 janvier. En poste depuis un peu plus de 9 mois, Youssoufi Touré a été rattrapé par sa gestion de l’université d’Orléans, dont il était le président de 2009 à 2016. Une enseignante, élue au CA lors de son premier mandat, raconte.
C’est un article de Libération qui a fait la lumière sur la situation de l’Université d’Orléans, qui accuse un déficit de 12 à 15 millions d’euros, soit près de 10% de son budget annuel. Le nouveau président (et ancien vice-président démissionnaire sous l’ère Touré) Ary Bruand, élu en juin, a diligenté l’audit mettant au jour la situation de l’établissement.

Dérives budgétaires

La gestion de la précédente équipe de direction est en cause, et Youssoufi Touré devra s’en expliquer devant l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale. Pourtant dès sa prise de fonction, plusieurs membres du conseil d’administration ont tiré la sonnette d’alarme. C’est le cas de Maïtine Bergounioux, élue lors de la première mandature : « Dès 2009, avec mon collègue du syndicat des Biatoss (Ndlr : personnel administratifs et techniques) on a remarqué qu’il y avait des dérives budgétaires. Donc à chaque fois qu’on avait l’occasion de parler - soit au moment du compte financier, soit au moment du vote des budgets -, on remettait ça sur le tapis et on alertait… mais on avait toujours une bonne explication à nous donner tout en assurant que les budgets étaient sincères, au sens juridique du terme. »

Clientélisme et népotisme

Cette enseignante, membre du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP), confirme également les dérapages personnels de Youssoufi Touré. « J’avais signalé un budget téléphone en augmentation vertigineuse… et on m’avait répondu que cela n’était pas vraiment un problème, et qu’il fallait bien pouvoir s’exprimer. » Surtout, pour Maïtine Bergounioux, il y avait une forme de clientélisme « via l’instauration de 14 vice-présidents. Tous avec des primes et des décharges plus ou moins importantes, alors que dans les statuts de l’université il y a trois vice-présidents statutaires ! J’ai retrouvé un extrait de conseil d’administration où je m’étonnais du montant des primes qui étaient dévolues à tous ces gens-là… Cela représentait 74 000€ de primes pour l’équipe présidentielle en 2011. » Pour elle, les responsabilités sont partagées par les membres du conseil d’administration. L'enquête de France bleu Orléans a également révélé que la compagne de l'intéressé aurait bénéficié d'un poste de responsable de la cellule investissement d'avenir, au sein de l'université.

Nomination en tant que recteur

Le rectorat de Guyane a connu des mouvements sociaux depuis la nomination de Youssoufi Touré en mars 2016. Un climat social dégradé qui rappelle des souvenirs à l’enseignante-chercheuse : « C’était quelqu’un qui pouvait être extrêmement charmeur en vis-à-vis… mais cassant avec les gens au tempérament plus faible. A Orléans il y a eu pas mal de promotions qui relevaient du clientélisme au sein des services centraux. Il y a même eu un suicide. L’affaire est devant les tribunaux, vraisemblablement pour harcèlement moral. » Maïtine Bergounioux s’étonne que Youssoufi Touré ait été nommé à Cayenne. « Sachant ce qu’il était, et je pense que nos tutelles ne pouvaient pas l’ignorer - la région, le rectorat, le ministère -, on l’a promu recteur en Guyane alors que c’est quelqu’un d’incompétent ! Au mieux incompétent... Je suis étonnée de ce genre de procédé. Comme si la Guyane était un lot de consolation… C’est troublant. » Le ministère de l’Education nationale attend maintenant les conclusions de ses inspecteurs sur ce dossier.