Si vous cherchez le bateau de Sacha Daunar (Cit'Hôtel – Région Guadeloupe), le plus simple sera de vous diriger à l'oreille. C'est sur l'air de La divinité de Perfecta qu'il nous accueille dans le village de course de la Route du Rhum.
Sur son bateau, on est aux Antilles et il compte bien le faire savoir à ses voisins qui écoutent, de plein gré ou non, les mélodies créoles s'échappant à longueur de journée de la coque.
Le "Guadeloupéen d'adoption, Martiniquais d'origine" prendra le départ le 6 novembre dans la catégorie Class40 pour sa première Route du rhum. Un nouveau terrain de jeu pour Sacha Daunar, pour qui le bassin caribéen était devenu un peu trop étroit. Décision est prise pendant les confinements successifs : en 2022, Sacha Daunar traversera l'Atlantique nord pour rentrer chez lui grâce à la transat au départ de Saint-Malo.
La suite logique d'une belle histoire d'amour avec la voile, qu'il doit à sa mère l'ayant lancé dans le grand bain dès ses 4 ans. Quelques années et un joli palmarès plus tard, Sacha Daunar déménage outre-Dominique pour le travail, mais emmène sa passion dans ses bagages. Elle grandit, grandit, au point de l'emmener à devenir président de la ligue guadeloupéenne de voile et d'être aujourd'hui soutenu par la Région Guadeloupe pour sa course.
Forces et faiblesses d'un retour chez soi
Alors, un skipper guadeloupéen qui vogue vers la Guadeloupe, ça porte chance ? "C'est une force mais aussi une faiblesse", argue Sacha Daunar. "La Guadeloupe peut être juge de paix pour mal de choses et je sais que beaucoup de Routes du rhum se sont gagnées à la bouée de Basse-Terre." Sacha Daunar le sait mieux que quiconque, lui qui a été pointeur sur la bouée de Basse-Terre à l'arrivée de la Route du Rhum.
Au bout de la ligne, dans son "quartier" qu'il connaît si bien, des skippers qui se pressent près de ce point fatidique… et font "marche arrière", se souvient l'ancien arbitre. "Là, on se dit, "ah ouais, en effet"… "C'est pour ça que je dis que c'est un avantage et aussi un inconvénient."
Car attention à trop d'aisance. "On sait qu'on va être scrutés, guettés et il ne faut pas surtout faire d'erreur pour ne pas être charrié à l'arrivée par les copains qui vont nous dire "ah t'es passé par là, t'aurais pas dû alors que tu connaissais !""
On arrive en Guadeloupe après plusieurs jours de mer, donc c'est vrai qu'on est un peu moins lucides. On n'a qu'une envie, arriver, la maison est là. Alors qu'il y a quand même tout le tour de la Guadeloupe à faire avant... Ça peut être ça, aussi, la faiblesse de l'environnement.
Sacha Daunar
Une course pour l'inclusion
La défaite à domicile, très peu pour lui. Mais le défi sportif n'est pas la priorité de Sacha Daunar. Le skipper aimerait arriver avant le jour de ses 33 ans, le 25 novembre – "ou mieux arriver le jour-même" – pour s'offrir un cadeau d'anniversaire tout spécial. Et surtout, arriver "en entier" pour porter les couleurs des trois associations qu'il parraine : Tous en bleu, pour l'inclusion des personnes autistes, Serac, qui œuvre pour les personnes sourdes et malentendantes, et Les Képis Pescalune, qui viennent en aide aux enfants malades et orphelins de la gendarmerie. Leur slogan, "vivons nos vies, vivons nos rêves" est affiché en grand sur son bateau. "J'espère faire vivre des rêves à tout le monde."
Sacha Daunar emmènera à bord sa guitare pour raconter en musique son journal de bord. Il espère ne pas avoir à y narrer une rencontre avec un orque, "friand des safrans de bateau" sans lequel il ne pourrait plus naviguer. Ou encore, un conteneur qu'il ne peut pas détecter et pourrait percuter, risquant une voie d'eau. Mais Sacha Daunar l'assure, "le skipper est prêt, le bateau est prêt". Les conditions météo très dures ? Il les a testées en préparation, affrontant 65 nœuds et 15 mètres de creux au large de Belle-Île. Alors maintenant, pas trop d'assurance – "on ne sait jamais" – mais une envie plus forte que tout : profiter de chaque instant de cette nouvelle aventure.