L'esclavage est au centre de l'histoire du monde : c'est ce que démontre brillamment quatre documentaires qui en expliquent les mécanismes, du Ve au XIXe siècle, en croisant les ressources historiques et scientifiques les plus diverses. En diffusion sur Arte, France Ô et les 1ères cette semaine.
Cinq ans de travail, dix voyages dans le monde, quarante historiens (dont Catherine Coquery-Vidrovitch, professeur émérite à l'université Paris-Diderot, et conseillère historique de la série) : la fabrication de ce documentaire événement a bénéficié d'un budget très important. Ces "routes de l’esclavage" se déploient en quatre épisodes, chronologiques, qui nous font remonter au Vè siècle, bien avant la traite transatlantique.
Les points de vue scientifiques ne se réduisent pas à des débats d’experts, mais ils éclairent une narration très efficace, servie par une mise en image élégante (avec recours à des animations, lectures en off d'archives et de témoignages par Lucien Jean-Baptiste, Alex Descas, Aïssa Maïga, Gaël Faye, Edouard Montoute, Mathieu Amalric, etc.) qui permettent d'entendre les témoins des différentes époques.
Le tout guidé par la voix de Gaël Kailindi, de la Comédie française, lui-même d'origine rwandaise.
Episode 1
La chute de l'empire romain se fait sous la poussée des "invasions barbares" : les Arabes bâtissent un nouvel empire, qui s'étend jusqu'à l'empire du Mali. Les deux grandes capitales sont alors Le Caire et Tombouctou. Pendant dix siècles, c'est la traite orientale : on estime que 3 millions et demi d'Africains seront capturés et transportés via le désert, traversée qui s'avérera plus meurtrière que celle de l'Atlantique quelques siècles plus tard (même si la traite transatlantique n'est pas comparable en intensité avec deux fois plus de déportations sur deux siècles et demi seulement).
Episode 2
C'est d'abord l'or qui va motiver les grandes expéditions, mais bientôt la folie du sucre s'empare de l'Occident, ce qui offre des perspectives de profit et aiguise bien des appétits, mais demande aussi beaucoup de main d'oeuvre. Le Portugal envahit la petite île de Sao Tome e Principe, alors déserte (en face de l'actuel Gabon) et va y mener une expérimentation pour rationaliser l'exploitation de la canne à sucre en créant la plantation sucrière. Une poignée d'hommes blancs contrôlant une armée d'esclaves pour exploiter la canne et fabriquer le sucre. Le modèle sera décliné au Brésil puis dans toute la Caraïbe.
Un épisode qui éclaire aussi un aspect méconnu de cette période : on estime que 10% de la population de Lisbonne était alors noire, et les dignitaires africains y vivaient sur un pied d'égalité avec leurs homologues portugais.
A Sao Tome, a lieu aussi le premier soulèvement d'esclaves, en 1595. Mais en 1620, les Portugais sont les maîtres de la traite négrière.
Episode 3
Le système de la plantation sucrière se répand, avec le soutien des banques (les esclaves sont achetés à crédit) et des compagnies d'assurance anglaises. Le nombre de déportations atteindra des sommets : au total 7,7 millions d'Africains seront capturés et embarqués à fond de cale pour les Amériques et les Antilles. Pour gagner la guerre du sucre, Louis XIV ordonne la construction de 500 galions, qui participeront au commerce triangulaire, mais ce n'est rien face au 16 000 navires battant pavillon hollandais...
Un épisode qui raconte aussi comment des marchands africains d'esclaves se trouvaient à bord des bateaux négriers, mais pas dans la cale... Dans les plantations, c'est souvent l'escalade de la violence de la part du maître blanc tout puissant. Et des révoltes d'esclaves éclatent, c'est la naissance du marronage, les esclaves réussissant à s'enfuir et à vivre dans la forêt et la montagne. Des flambées de violence ont également lieu en Afrique et l'indignation commence à grandir en Europe, où l'on croise finalement très peu d'esclaves, mais où les abolitionnistes commencent à se faire entendre : l'esclavage est enfin considéré comme immoral...
"Les routes de l'esclavage"
Mais les temps changent, l'Angleterre interdit la traite, l'esclavage "devient une pratique rétrograde, indigne d'une nation évoluée", les abolitions vont se succéder, mais aux Etats-Unis il faudra en passer par quatre ans de guerre civile, avec 200 000 afro américains qui s'engageront dans les armées nordistes. Leur émancipation ne sera pourtant pas totale.
Un dernier épisode illustré de photos, de films d'époque et même d'un témoignage sonore, et qui démontre comment l'esclavage est la face cachée de la révolution industrielle en Europe, comment en Afrique les anciennes routes des traites deviennent celles du travail forcé avec la colonisation, et comment se développe le concept de race.
Parmi les conclusions de la série, celle de Sylvia Hunold Lara, de l'université d'Etat de Campinas (Brésil) :
* David Elits (Université Emory, Atlanta), Elikia M'Bolkolo (EHESS Paris), Myriam Cottias (CNRS) et Vincent Brown (Harvard, Cambridge). Mais aussi Jean-Pierre Sainton (Université des Antilles), Frédéric Régent (La Sorbonne), Salah Trabelsi (Université de Lyon), Doulaye Konaté (Université de Bamako), Joseph Delide (UNPCH, Haïti), Sven Becker (Cambridge), Izequiel Batista de Souza (Université de la Réunion), etc.
Les routes de l'esclavage, série documentaire française, réalisée par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant. Co-produite par Arte et la Compagnie des Phares et balises.
- Diffusion sur France Ô à 20.55 mercredi 2 mai (épisodes 1 et 2) et mercredi 9 mai (épisodes 3 et 4) assorti d'un débat mené par Fabrice d'Almeida, avec :
• Jean-Marc Ayrault : Président de la mission de la mémoire de l'esclavage, des traites et de leurs abolitions et ancien Premier ministre.
• Myriam Cottias : Historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l'histoire sociale des Caraïbes.
• Loïc Céry : Auteur
• François Durpaire : Universitaire et historien
• Max Mathiasin : Député de la Guadeloupe
• Christophe Boisbouvier : Journaliste à Radio France Internationale
- sur les 1ères :
Martinique : 1er et 8 mai à 20.00
Guadeloupe : 2 et 9 mai à 20.05
Polynésie : 2 et 9 mai à 20.55
Saint-Pierre et Miquelon : 2 et 9 mai à 23.00
Mayotte : 3 et 10 mai à 22.30
La Réunion : 6, 13, 20 et 27 mai à 22.00
Guyane : 9 et 16 mai à 21.50
Wallis et Futuna : 10 mai à 21.00 et 17 mai à 20.45
Nouvelle-Calédonie : 17 et 24 mai à 21.10
Les points de vue scientifiques ne se réduisent pas à des débats d’experts, mais ils éclairent une narration très efficace, servie par une mise en image élégante (avec recours à des animations, lectures en off d'archives et de témoignages par Lucien Jean-Baptiste, Alex Descas, Aïssa Maïga, Gaël Faye, Edouard Montoute, Mathieu Amalric, etc.) qui permettent d'entendre les témoins des différentes époques.
Le tout guidé par la voix de Gaël Kailindi, de la Comédie française, lui-même d'origine rwandaise.
Episode 1
476-1375 : Au-delà du désert
La chute de l'empire romain se fait sous la poussée des "invasions barbares" : les Arabes bâtissent un nouvel empire, qui s'étend jusqu'à l'empire du Mali. Les deux grandes capitales sont alors Le Caire et Tombouctou. Pendant dix siècles, c'est la traite orientale : on estime que 3 millions et demi d'Africains seront capturés et transportés via le désert, traversée qui s'avérera plus meurtrière que celle de l'Atlantique quelques siècles plus tard (même si la traite transatlantique n'est pas comparable en intensité avec deux fois plus de déportations sur deux siècles et demi seulement).Episode 2
1375-1620 : Pour tout l'or du monde
C'est d'abord l'or qui va motiver les grandes expéditions, mais bientôt la folie du sucre s'empare de l'Occident, ce qui offre des perspectives de profit et aiguise bien des appétits, mais demande aussi beaucoup de main d'oeuvre. Le Portugal envahit la petite île de Sao Tome e Principe, alors déserte (en face de l'actuel Gabon) et va y mener une expérimentation pour rationaliser l'exploitation de la canne à sucre en créant la plantation sucrière. Une poignée d'hommes blancs contrôlant une armée d'esclaves pour exploiter la canne et fabriquer le sucre. Le modèle sera décliné au Brésil puis dans toute la Caraïbe.Un épisode qui éclaire aussi un aspect méconnu de cette période : on estime que 10% de la population de Lisbonne était alors noire, et les dignitaires africains y vivaient sur un pied d'égalité avec leurs homologues portugais.
A Sao Tome, a lieu aussi le premier soulèvement d'esclaves, en 1595. Mais en 1620, les Portugais sont les maîtres de la traite négrière.
Episode 3
1620-1789 : du sucre à la révolte
Le système de la plantation sucrière se répand, avec le soutien des banques (les esclaves sont achetés à crédit) et des compagnies d'assurance anglaises. Le nombre de déportations atteindra des sommets : au total 7,7 millions d'Africains seront capturés et embarqués à fond de cale pour les Amériques et les Antilles. Pour gagner la guerre du sucre, Louis XIV ordonne la construction de 500 galions, qui participeront au commerce triangulaire, mais ce n'est rien face au 16 000 navires battant pavillon hollandais...Un épisode qui raconte aussi comment des marchands africains d'esclaves se trouvaient à bord des bateaux négriers, mais pas dans la cale... Dans les plantations, c'est souvent l'escalade de la violence de la part du maître blanc tout puissant. Et des révoltes d'esclaves éclatent, c'est la naissance du marronage, les esclaves réussissant à s'enfuir et à vivre dans la forêt et la montagne. Des flambées de violence ont également lieu en Afrique et l'indignation commence à grandir en Europe, où l'on croise finalement très peu d'esclaves, mais où les abolitionnistes commencent à se faire entendre : l'esclavage est enfin considéré comme immoral...
"Les routes de l'esclavage"
Episode 4
1789-1888 : les nouvelles frontières de l'esclavage
L'esprit de la Révolution française souffle jusqu'aux Antilles : à Saint-Domingue, une première nuit d'insurrection a lieu le 22 août 1791, qui conduira à l'indépendance d'Haïti en 1804, première république noire. D'un coup, la moitié de la production mondiale de sucre est retirée du marché et 10 000 blancs d'Haïti prennent la fuite... Un des paradoxes de cette émancipation, c'est que les anciens maîtres, très recherchés pour leur expertise dans la plantation sucrière, vont faire profiter de leur "expérience" Cuba pour le sucre, le Brésil pour l'exploitation du café, et le sud des Etats-Unis pour le coton.Mais les temps changent, l'Angleterre interdit la traite, l'esclavage "devient une pratique rétrograde, indigne d'une nation évoluée", les abolitions vont se succéder, mais aux Etats-Unis il faudra en passer par quatre ans de guerre civile, avec 200 000 afro américains qui s'engageront dans les armées nordistes. Leur émancipation ne sera pourtant pas totale.
Un dernier épisode illustré de photos, de films d'époque et même d'un témoignage sonore, et qui démontre comment l'esclavage est la face cachée de la révolution industrielle en Europe, comment en Afrique les anciennes routes des traites deviennent celles du travail forcé avec la colonisation, et comment se développe le concept de race.
Parmi les conclusions de la série, celle de Sylvia Hunold Lara, de l'université d'Etat de Campinas (Brésil) :
L'esclavage n'a pas existé à cause du racisme, c'est l'histoire du racisme qui est liée à celle de l'esclavage
* David Elits (Université Emory, Atlanta), Elikia M'Bolkolo (EHESS Paris), Myriam Cottias (CNRS) et Vincent Brown (Harvard, Cambridge). Mais aussi Jean-Pierre Sainton (Université des Antilles), Frédéric Régent (La Sorbonne), Salah Trabelsi (Université de Lyon), Doulaye Konaté (Université de Bamako), Joseph Delide (UNPCH, Haïti), Sven Becker (Cambridge), Izequiel Batista de Souza (Université de la Réunion), etc.
Les routes de l'esclavage, série documentaire française, réalisée par Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant. Co-produite par Arte et la Compagnie des Phares et balises.
- Diffusion sur France Ô à 20.55 mercredi 2 mai (épisodes 1 et 2) et mercredi 9 mai (épisodes 3 et 4) assorti d'un débat mené par Fabrice d'Almeida, avec :
• Jean-Marc Ayrault : Président de la mission de la mémoire de l'esclavage, des traites et de leurs abolitions et ancien Premier ministre.
• Myriam Cottias : Historienne, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l'histoire sociale des Caraïbes.
• Loïc Céry : Auteur
• François Durpaire : Universitaire et historien
• Max Mathiasin : Député de la Guadeloupe
• Christophe Boisbouvier : Journaliste à Radio France Internationale
- sur les 1ères :
Martinique : 1er et 8 mai à 20.00
Guadeloupe : 2 et 9 mai à 20.05
Polynésie : 2 et 9 mai à 20.55
Saint-Pierre et Miquelon : 2 et 9 mai à 23.00
Mayotte : 3 et 10 mai à 22.30
La Réunion : 6, 13, 20 et 27 mai à 22.00
Guyane : 9 et 16 mai à 21.50
Wallis et Futuna : 10 mai à 21.00 et 17 mai à 20.45
Nouvelle-Calédonie : 17 et 24 mai à 21.10