Le Calédonien d’origine Wallisienne est la surprise de la liste de Fabien Galthié en vue du tournoi des 6 Nations. Son début de saison spectaculaire avec le Racing 92 en faisait un candidat idéal. Recalé pour l’Autumn Cup, il pourrait faire ses débuts contre l’Italie.
Chez les Tao, le rugby est une affaire de famille, et ce n’est pas une galéjade du sud-ouest, ou du sud-est, tant le parcours de la tribu a emmené ses joueurs de Nice à Grenoble en passant par Mont-de-Marsan, Bayonne ou Clermont Ferrand. Les deux frères Taofifenua, Jean-Jacques et Willy, ont trois de leurs garçons évoluant en Top 14. Romain et Sébastien, les deux enfants de Willy jouent à Toulon, et Donovan le fils de Jean-Jacques, plus jeune que ses cousins, est au Racing 92. Les deux Tao avaient emmené avec eux leurs frères d’armes du Pacifique (Lionel Vaitanaki, Laurent Pakihivatau, Abraham Tolofua) dans une magnifique épopée avec Grenoble en 1999, jusqu’en demi-finale du Top 16.
Le rugby dans les gènes
Willy Taofifenua est actuellement à Nouméa pour développer une académie du rugby, réservée aux jeunes de 18 à 21 ans qui va dans le prolongement du travail du pôle espoir de Laurent Vili. Il suit de loin mais avec ses yeux d’expert, de papa ou d’oncle, ce qui se passe.
"Quand je reviens en arrière c’est incroyable d’aller jusqu’en équipe de France, nos gamins font ce qu’on n'a pas su faire nous les anciens.On était juste à la porte du XV de France, mais on n’y est pas rentré. (Willy a joué en équipe de France 7 et Jean-Jacques en France B, ndlr). Je suis grand-père de 8 petits enfants, tous jouent au rugby, même à l’école. Je suis fier de mes fils et de mes neveux et de ceux qui pérenniseront le nom de la tribu Taofifenua", déclare le frère aîné.
"Donovan a fait de l’athlétisme et c’est la gazelle des Tao", continue Willy. "Il est toujours resté fluet, ce sont ses gènes, on croyait qu’il était malade mais non (rires). Il est doué avec une vitesse incroyable, ses crochets font mal, il est toujours bien placé. Je ne pensais pas qu’il arriverait si vite à ce niveau."
Tout cela est de bon augure pour la relève du clan Tao. Jean-Jacques, actuel entraîneur de Trélissac, et père de Donovan, nous précise quelques données familiales.
La tribu des Tao, ce n’est pas anodin. On est une famille extraordinaire dans ce milieu, on a toujours connu le rugby en tant que parents et ce qui nous arrive là n’est que du bonheur.
"J’espère que ce sera une bonne lignée, car dans l’arbre généalogique de toute la famille Tao, toutes les branches sont ovales. Notre papa Kiliemo est le ciment de notre réussite, il est à la base de tout ça par l'éducation qu'il nous a donnée. Même le petit Moefana (NDLR Yoram Moefana a joué contre l’Angleterre mais il est blessé actuellement) a du sang Tao, Yoram c’est un petit cousin. Comme le sont Yann David et Selevasio Tolofua."
Après ce préambule indispensable, penchons-nous sur le cas de Donovan, dernier rejeton d’une lignée exceptionnelle.
De Clermont au Racing 92
Né à Grenoble, au moment de la fameuse épopée évoquée plus haut, Donovan touche son premier ballon ovale au pays basque, alors que Jean-Jacques était parti à l’Aviron Bayonnais. Il débute à Mouguerre à l’âge de 5 ans, et suit ensuite papa, jusqu’à Limoges, puis Clermont où il intègre le Centre de formation. Il s’impose dans les catégories jeunes et est sélectionné en équipe de France U20 pour une suite royale avec le titre de champion du monde en 2019. Jusque-là tout allait bien.
A Clermont-Ferrand, Donovan était un enfant du club, il a fait toute sa formation et au final on ne lui a pas donné sa chance. Le joueur s’est posé des questions après son titre de champion du monde espoirs. Lui qui voulait juste avoir du temps de jeu, il ne comprenait pas les décisions des dirigeants auvergnats. C’est alors que les bonnes fées du rugby venant du Racing se penchent sur le petit Tao
"On l’avait repéré sur la coupe du monde des moins de 20 ans quand il gagne le titre, on avait ciblé certains joueurs et il en faisait partie. Quand on a su qu’il n’était pas trop utilisé à l’ASM, Yannick Nyanga (directeur sportif du Racing 92) est parti au contact car on l’avait trouvé très bon. Quand on m’a dit qu’il était le fils de Jean-Jacques, sur le coup j’ai été surpris par son petit gabarit. J’ai appelé le papa, on s’est vu à Brive et la confiance a fonctionné entre nous", se rappelle Laurent Travers, actuel entraîneur du Racing 92.
En aucun cas je ne suis rentré dans ses choix, c’est son envol, ce n’est pas le mien et j’en suis fier par rapport à tout ce qu’il montre.
"J’ai dit à Laurent et Yannick que je leur faisais confiance et que je n’allais pas choisir pour mon fils, que c’est lui qui prendrait sa décision" , précise papaTao.
Laurent Travers a su convaincre le fils de son ex-joueur de rejoindre la capitale et de relever ce pari dans la magnifique Arena de Nanterre, où les ciel et blanc déroulent ce rugby spectaculaire qui lui va si bien.
L’envol du petit taureau
"La balle à l’aile, la vie est belle", a-t-on coutume de dire dans le milieu du rugby. Et c’est vrai que Donovan touche beaucoup de ballons et a franchi la ligne six fois cette saison dans le Top 14. En Coupe d’Europe il est aussi présent avec cet envol très spectaculaire contre les Irlandais du Connacht le 13 décembre dernier, où il marque un essai en coin.
Il a des "cannes" et une vitesse qui fait qu’on le remarque. Les médias commencent à en faire leurs gros titres, Canal Plus tourne un magazine avec lui. Les raisons ? "D'abord c’est quelqu'un qui ne perd aucun ballon, qui arrive à jouer après lui et qui gagne pratiquement tous ses duels", précise son coach
"Il a cette capacité d’explosivité lorsqu’ il est proche d’un joueur et aussi de gagner la ligne d’avantage. Comme il a une formation d’arrière il est très bon sur les ballons hauts et il a un bon timing. Je pense qu’il a encore, comme tout le monde, des points d’amélioration à trouver mais il a montré ses points forts. Et c’est important qu’il s’en serve chez les Bleus."
Son rugby parle, Donovan est discret dans la vie mais il ne laisse personne indifférent sur ce côté rugbystique. Il est capable à tout moment de marquer des essais que d’autres ne marqueront pas.
Donovan Taofifenua est quelqu’un de très discret, qui se fait d’abord remarquer par ses qualités rugbystiques, il ne va pas crier ou élever la voix sur un terrain. Il est timide mais il a convaincu son entraîneur en club, mais aussi plus haut.
En bleu avec des repères
Ses dernières sorties en Top 14 ont achevé de séduire Fabien Galthié qui l’a retenu pour préparer le match contre l’Italie. Il ne sera pas le seul Océanien en bleu, car Selevasio Tolofua et Romain Taofifenua, les cousins, seront là.
Selevasio était son copain de chambrée lors de l’Autumn Cup, le Toulousain est heureux de retrouver Donovan
"Il avait été très déçu de ne pas être pris pour jouer les matchs avec le Racing 92. Franchement c’est un régal de le voir jouer, il prend du plaisir et fait des supers matchs, c’est cool pour lui qu’il soit dans le groupe. On va encore passer des bonnes soirées ensemble à rigoler en regardant des vidéos".
Propos confortés par le tonton, Willy Taofifenua, dont Romain le fils sera là aussi pour veiller sur le petit cousin. "Romain va lui servir de grand frère, ils ont tous été élevés ensemble quand on était Jean-Jacques et moi dans les mêmes clubs. Il aura un repère comme ça et mon fils plus vieux de 9 ans saura trouver les mots, ça se fait naturellement chez nous les gars des îles."
Petit Tao n’a plus qu’à gagner sa sélection et porter le maillot bleu le 6 février contre l’Italie à Rome. De ce côté-là, il a les armes pour rendre fière sa tribu mais aussi son entraîneur. Laurent Travers a parfaitement conscience que son joueur ne doit se faire aveugler par les lumières de la sélection nationale. Il en a parlé hier avec lui au lendemain de la parution de la liste de Galthié. "Ce n’est pas dû au hasard cette convocation. Il mérite sa place. Je le sens parfois un peu trop humble, un peu gêné mais c’est à lui d’extérioriser tout ça et de montre qu’il mérite d’être en bleu."
Donovan Taofifenua en bleu dans la ville éternelle, ce serait un beau symbole pour tous les Tao, qu’ils soient en France, en Nouvelle Calédonie ou à Wallis et Futuna.