Rugby, le Stade Toulousain en couleur outre-mer

C'était il y a 8 jours au stade de France, depuis la fête fut continue
Au Stade Toulousain le brassage ethnique est une force. Autour des Néo-Zélandais, Sud-Africains ou Argentins, existent les talents ultramarins du rugby de demain. Formés en outre-mer comme Mauvaka ou Youyoute ou dans l'Hexagone comme Tolofua ou Lebel, six joueurs symbolisent la réussite de ce club.

Une semaine après leur victoire, nous avons reussi à joindre les invincibles de cette saison 2021, pas simple après les gros jours de fête dans la tradition du rugby, mais là aussi ils ont assumé et assuré. Retour une semaine après jour pour jour, sur le 21ème titre du Stade Toulousain, et ses acteurs ultramarins.

Les Antillais du Stade

Matthis Lebel savoure juste après le coup de sifflet final, des étoiles plein la tête. Le Martiniquais formé à Lombez Samatan dans le Gers fut l’un des meilleurs marqueurs du top 14 cette saison et une véritable révélation au plus haut niveau. A 22 ans, il vit pleinement son deuxième sacre. 

" C’est vrai que je n’étais pas vraiment là en 2019, même si le titre est inscrit à mon palmarès j’avais vécu cela à distance. Mais là c'est une saveur toute particulière de vivre ça sur le terrain, un moment sympa et génial car avec tous les copains et ma famille dans les tribunes. Alors oui ce n’était pas un match pour les ailiers, mais bon la finale on la joue pour la gagner. C'est ce qu’on s’était dit toute la semaine. Et même si je n’ai pas pris de plaisir sur le terrain, soulever le bouclier reste un moment inoubliable."

Matthis Lebel relance ballon en main, soutenu par Pita Ahki à gauche et Santiago Chocobarès à droite

Le natif de Toulouse, dont la famille est originaire du Robert, revient souvent dans son île d’origine rencontrer les rugbymen locaux de l'USR. « Je suis fier de mes racines à chaque fois que j'y vais et je suis les traces de Papa. D’ailleurs je m’entends très bien avec Yannick (Youyoute), Sele (Tolofua) ou Peat (Mauvaka). On doit avoir un feeling îlien naturel entre nous ».

Une fête démentielle

Matthis on l’a rarement vu sur ce match, quelques ballons grappillés ici et là, quelques soutiens bien sentis et précieux sous les chandelles Rochelaises. Qu’importe, lui retient, une semaine après, deux images de cette finale :
" Sans conteste le drop de Cheslin (Kolbe), j’étais tout près quand il l'a déclenché, incroyable. Et puis le coup de sifflet final, c’était dingue et ce qui a suivi aussi."  

 

Là on est encore dans l’euphorie. On a fait une fête démentielle car la saison s’est déroulée dans un contexte pas facile sans public. C’était dur et très long, cette saison restera dans les mémoires. Mais on a enfin pu lâcher prise avec nos supporters, sans se dire qu’on avait entraînement après.

Matthis Lebel, ailier du Stade Toulousain

 

Dans les tribunes on a aperçu Yannick Youyoute le Guadeloupéen menant une troupe Toulousains en transe. Il a joué la demi-finale, mais le retour des joueurs clés le remet en tribunes pour la finale, qu’importe !

" A chaque action je me levais, j’ai vécu la finale à fond comme la demi-finale dans laquelle j’ai joué. Le moment le plus fort ? Sans doute quand on était tous à l’échauffement voir ce stade de France avec du monde c’est tellement impressionnant."

Du haut de son 1m 97, Yannick bientôt 22 ans, fils de Pascal Youyoute ex-président du comité de Guadeloupe de rugby, a été formé au Good-Luck du Gosier. Il a quitté son île en 2014 pour un test espoirs à Marcoussis, il n’a pas fait demi-tour depuis pour intégrer ensuite le centre de formation du stade Toulousain.

" Je rêve tout éveillé, aux côtés des Kaino, Tekori et des frères Arnold, je bois leurs conseils, c’était intense cette finale, comme le match contre l’Ulster que j’ai joué en coupe d’Europe. "

Yannick tient son "bout de bois " lui aussi dans les vestiaires du Stade de France

Yannick lui va enchaîner avec un retour au pays. " Ça fait trois ans que je ne suis pas rentré en Guadeloupe. Là je vais en profiter et me faire chouchouter aux Abymes, manger du dombré d’ouassous, de la langouste, malheureusement je n’ai pas eu la autorisation d’emporter le bouclier avec moi."

Selevasio Tolofua en pleine lumière

Vacances aussi pour Selevasio Tolofua, qui a vécu sa finale comme une vraie marque de confiance de son coach Hugo Mola. Le Calédonien d’origine Wallisienne a su attendre son heure. Longtemps dans l’antichambre de Jérôme Kaino l’immense all black double champion du monde, le cousin de Christopher, qui a appris le rugby dans le nord de la France, a grappillé des bouts de match, y compris en Equipe de France.
Et cette fin de saison le propulse au rang de titulaire, Kaino terminant sa carrière de joueur (il intègrera le staff la saison prochaine), Selevasio a joué la demi-finale et la finale en numéro 8, en digne successeur.

" J’avais de l’envie, de l’énergie et de l’excitation sur ce match, être titulaire à la place de Kaino, c’est une marque de confiance des coachs car ils ne me considèrent plus comme un impact player. "

Le ballon bien au chaud, Tolofua progresse

 

Jérôme Kaino m’a beaucoup appris. A ses côtés on ne se pose pas de question, on est tranquilles. C'est un All Black, il vient du bout du monde pour nous enseigner ça, on est un peu cousins. C'est mon aîné, je l’écoute et le respecte, comme chez nous. 

Sélévasio Tolofua, numéro 8 Stade Toulousain

 

En famille, unis et plus forts

Il n y a pas de titulaires ou de remplaçants, il n'y a que des hommes heureux de vivre ensemble. Les images sont nombreuses, comme celle de Peato Mauvaka assis sur le toit du car qui défile dans les rues de Toulouse en roi triomphant, aux côtés du "Papa" Joe Tekori
Peato, titulaire en demi-finale a su attendre l’heure de jeu pour rentrer à la place de Julien Marchand, « C’est normal c’est lui le capitaine, moi je suis au service du collectif » glissera Peato toujours humble.

Le Roi Peato brandit le bouclier à la foule Toulousaine

Solide en mêlée avec son compère Rodrigue Neti rentré en fin de match, il fit admirer sa nouvelle technique de jeu au pied à la 79e minute, mettant le danger dans le camp Rochelais. Incroyable. Le talonneur formé à l'URC Dumbéa, pur produit du centre de formation du Stade Toulousain, a appris l’école « je sais tout faire quand je suis au Stade ».

« Ce coup …..il nous le fait souvent après les entrainements » déclare Yannick Youyoute, « on fait des concours de drop entre nous, ça nous fait rigoler, mais il est vraiment doué ».

Rodrigue Neti et Paulo Tafili les deux piliers, forment une première ligne unie avec Peato, aussi bien sur le terrain que sur les réseaux sociaux. Les contacts sont constants avec la Nouvelle-Calédonie. Le quatuor avec Selevasio est inséparable. 
Et Rodrigue Neti restera celui qui aura décoré le premier le Président de la République, lui donnant son collier rouge noir et or.

 

On a un groupe très uni avec des leaders de jeu et à l’extérieur des leaders de vie qui font tout pour l’équipe. Une saison ce n’est pas avec 23 joueurs, au stade Toulousain on raisonne en famille, comme dans nos traditions du Pacifique », 

Paulo Tafili, pilier Stade Toulousain

 

 

de gauche à droite avec le "Brennus", Paulo Tafili, Peato Mauvaka, Sélévasio Tolofua et Rodrigue Neti

 

Tolofua, Youyoute, Lebel, Mauvaka, Neti, Tafili et si désormais l’équipe de France les réunissait ? A deux ans de la Coupe du Monde tout est permis pour ces gaillards-là, qui apportent une vraie bouffée rafraîchissante au rugby français.
Leur credo se faire plaisir, sans se poser de questions. Avec Dupont, Cros, Marchand, Ntamack ou Ramos en leaders, quelle équipe ! On se dit que ce titre sera encore suivi d’autres pour cette bande de copains.
Un double titre Top 14 et Champion's Cup pour le Stade Toulousain qui récompense une certaine partie de la formation de ce rugby d’Outre-mer, devenu fort et crédible aux yeux du grand public.