A Sainte-Hélène, le Royal Mail Ship qui assurait le transport des passagers entame son dernier voyage

Le Royal Mails Ship "Saint Helena"
Le paquebot quitte définitivement la baie de Jamestown samedi 10 février. Il est déjà remplacé par une liaison aérienne. La fin d’une ère pour ce territoire d'outre-mer britannique accessible uniquement par bateau depuis cinq siècles. Reportage.
L’événement est si exceptionnel que Lisa Phillips, la gouverneure de Sainte-Hélène a décrété le vendredi 9 février jour férié. « Un moment très particulier pour l’île » a souligné la représentante de la reine d’Angleterre sur le territoire britannique. Les 4500 habitants de Sainte-Hélène sont invités à célébrer sur le front de mer de Jamestown le départ du Royal Mail Ship après vingt-sept ans de service. Au programme : des spectacles, de la musique, un défilé et de quoi boire à la santé du dernier bateau de passagers de l’histoire de l’île.

Quinze jours de traversée

Saint-Hélène, petit bout de terre volcanique situé au beau milieu de l’Atlantique sud, a été découvert par les Portugais en 1502. Jusqu’au 14 octobre 2017, jour du premier vol commercial depuis Johannesbourg, ce territoire britannique d’outre-mer n’était accessible que par bateau. Le RMS assurait le ravitaillement de l’île et le transport des habitants, les Héléniens, à raison d’une visite toutes les trois ou quatre semaines.

Pendant très longtemps le bateau assurait sa liaison depuis le Royaume Uni. Il fallait alors compter deux semaines de traversée pour les quelques 128 passagers et 56 membres d’équipage. Mais depuis deux ans le RMS ne naviguait plus que  dans les eaux de l’Atlantique sud, avec un départ du Cap, en Afrique du sud.

« Il va nous manquer », se désole Johnny, propriétaire d’un bateau de pêche qui mouille dans la baie de Jamestown, là où se pose régulièrement le RMS. « Quand nous partons pour Le Cap les vacances commencent dès que l’on monte sur le bateau. Les quatre jours de traversée comptent autant que notre séjour sur terre ».

Le RMS faisait partie de la vie de l’île

Le RMS se rend aussi sur l’île d’Ascension, autre territoire britannique situé à plus de mille kilomètres au nord de Sainte-Hélène. Beaucoup d’Héléniens partent travailler sur la base américaine qui s’est installée là-bas il y a une soixantaine d’années. Leur retour « au pays » donne lieu à un rituel sur le front de mer raconte Stephen Royle, un géographe irlandais spécialiste de Sainte-Hélène qui participe à un colloque sur l’île.

Quand le bateau arrive, le quai est totalement rempli de gens. Ils viennent accueillir les habitants qui rentrent chez eux. Et quand le bateau repart, c’est un peu une rupture du lien avec le monde extérieur pour plusieurs semaines. Et quoiqu’il arrive dans l’île pendant ce laps de temps, vous êtes coincés.


Trente-mille visiteurs par an en 2043

De fait, jusqu’à l’ouverture de l’aéroport en 2016, toute urgence médicale devait être prise en charge par le petit hôpital de Jamestown avec ses cinq docteurs et sa vingtaine de lits. Désormais les évacuations sanitaires vers l'Afrique du sud se font par avion. Un progrès dans la prise en charge des habitants. Mais l’ouverture d’une ligne commerciale risque de transformer profondément la société locale.

Pour l’instant un seul vol commercial se pose chaque semaine sur la toute nouvelle piste de l’aéroport installé à grands frais (320 millions € ) au nord-est de l’île. Mais il n’est pas impossible qu’à terme un autre avion assure une liaison hebdomadaire.


"Ici, tout le monde se dit bonjour"

"On espère accueillir trente-mille visiteurs par an à l’horizon 2043", annonce Helena Bennett, responsable de l’office du tourisme de Sainte-Hélène qui ne recense actuellement que quelques dizaines de touristes par semaine sur l’île.

« Ici tout le monde se dit bonjour. Vous croisez le regard de  tous ceux que vous rencontrez sur l’île », raconte Stephen Royle pour illustrer l’esprit de convivialité des Héléniens. "Est-ce que cette habitude va survivre à l’arrivée de centaines de touristes ? Je ne sais pas. J’aimerais penser que c’est possible, mais je n’en suis pas certain ».