Le texte a été déposé par le député LREM de la Guadeloupe Olivier Serva, et est co-signé par des élus sur tous les bancs, majorité comme oppositions. Son inscription à l'ordre du jour du Palais Bourbon est cependant très incertaine, à moins de trois semaines de la suspension des travaux de la législature, mais M. Serva dit ne "pas désespérer" de le voir venir en séance.
Même adoptée formellement, la résolution "relative à l'incrimination des propos négationnistes portés sur la traite négrière et l'esclavage colonial" resterait non contraignante.
Devant la presse, M. Serva a toutefois assuré que le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti était disposé à "s'intéresser de très près" à cette démarche. Bien que l'esclavage ait été reconnu comme "crime contre l'humanité" par une loi de 2001, le Conseil constitutionnel a jugé en 2017 qu'il n'était pas possible de sanctionner sa négation.
Cette institution a fait valoir les difficultés que posait une sanction au regard de la liberté d'expression, et argué du fait que la traite négrière n'avait jamais été condamnée par un tribunal français ou international, contrairement à la Shoah.
La proposition de résolution de M. Serva invite donc le gouvernement "à envisager une modification des dispositions législatives" -en particulier la loi de 1881 sur la liberté de la presse-, pour corriger le cadre légal actuel qui conduit "à une discrimination entre victimes de crimes contre l'humanité". Elle appelle aussi à "renforcer les moyens de sensibilisation de tous les publics et à favoriser l'accès de la population à l'information historique relative aux crimes de la traite négrière et de l'esclavage colonial".
Plusieurs parlementaires d'horizons divers ont soutenu sa proposition, sur fond de références au contexte électoral. "Plus que jamais, notre époque voit des faits historiques instrumentalisés par des mains sales", a déclaré la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, en dénonçant "des propos (sur l'esclavage) qui ont la forme d'un racisme recommencé". Annie Chapelier (groupe Agir, majorité) a déploré "des choses qu'on ne peut pas laisser passer", et Karine Lebon (groupe communiste) réclamé que nier ou minorer l'esclavage "puisse être condamné pleinement par notre loi".
M. Serva a mentionné le polémiste et candidat d'extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour, qui en 2021 affirmait à la télévision que "ce qui est banal, c'est l'esclavage, toutes les civilisations ont été esclavagistes", ou que "c'est la colonisation qui a arrêté l'esclavage en Afrique". Le député a déploré dans la société la multiplication de "propos limite", "presque banalisés", et "l'expression d'une pensée négationniste, raciste" sur ce sujet. Cette résolution "militante" permet de "dire dans le débat présidentiel que nous n'acceptons pas les candidats qui flirteraient avec le racisme et le négationnisme", a-t-il ajouté.
Sanctionner le "négationnisme" sur l'esclavage : une proposition déposée à l'Assemblée
Une proposition de résolution réclamant la possibilité de sanctions pour les propos niant ou minorant la réalité de l'esclavage a été présentée jeudi à l'Assemblée nationale, par le député Oliver Serva. Il s'alarme d'une banalisation des discours "racistes" notamment de la part d'Eric Zemmour.
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