Santé : plus d'un ultramarin sur deux opposé à la greffe d'organes d'un proche

Selon une étude, 69% des ultramarins seraient favorables au don de leurs propres organes. Dans l'Hexagone, ce chiffre atteindrait les 80%.
Selon une étude publiée par l'Agence de la biomédecine, plus de 50% des ultramarins sont opposés au prélèvement d'organes de leur proche après une mort cérébrale contre 36,1% au niveau national. Malgré la loi, qui stipule que tout individu est donneur présumé, la défiance subsiste dans les Outre-mer, faute d'information mais aussi pour des raisons religieuses.

Pour la première fois, l'Agence de la Biomédecine a intégré à son baromètre annuel sur la connaissance et la perception du don d'organes un volet DROM, qui recense la sensibilité des populations ultramarines vis-à-vis du prélèvement d'organes et de tissus humain. 

L'agence relève notamment une augmentation des greffes entre 2022 et 2023. À l'inverse, elle constate que certains territoires français, particulièrement les Outre-mer, affichent un taux d'opposition supérieur à l'Île-de-France, qui atteint déjà presque 50 % malgré les lois de bioéthique qui posent trois principes fondamentaux : le consentement présumé, la gratuité et l'anonymat, pour le donneur comme pour le receveur. 

Un taux d'opposition plus élevé  

Dans ce rapport, l'Agence de la Biomédecine constate qu'au niveau national, les chiffres sont en augmentation. + 2,5 % entre 2022 et 2023, passant ainsi de 5 495 à 5 634 greffes d'une année à l'autre. Mais pour les patients décédés d'une mort cérébrale (accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien…), le taux d'opposition dépasse les 50 % en Outre-mer contre 36,1 % à l'échelle nationale. 

Or, ce type de décès représente jusqu’à "80 % des possibilités de prélèvement d’organes" selon l'Agence, qui ajoute que "le maintien artificiel de l’activité cardiaque après la mort permet en effet de perfuser et d’oxygéner les organes et de les maintenir en état en vue d’une éventuelle transplantation". Des taux qui impactent donc directement la disponibilité d'organes à l'échelle d'abord territoriale puis nationale. 

C'est la raison pour laquelle l'agence nationale, et sa directrice, Marine Jeantet, ont décidé de détailler les chiffres territoire par territoire. "Afin d'adapter notre campagne de sensibilisation" avance-t-elle.

Selon la directrice générale, "les populations ultramarines doivent être sensibilisées encore plus que la métropole de cette nécessité de don d’organe sur leurs îles".

évolution du prélèvement selon les régions

Ce déficit d'information serait en effet l'une des causes principales d'une certaine "défiance" vis-à-vis du don d'organes, seulement 21 % des ultramarins " se sentent bien informés" selon le rapport. 

La seconde explication, qui découle de la précédente, serait liée au fait qu'il y ait " beaucoup d'idées reçues" que Marine Jeantet souhaiterait écarter. 

Il y a beaucoup d’idées reçues, on aimerait lever aussi certains tabous. Nous souhaitons rappeler que les greffes sont attribuées de manière équitable. Ça permet aussi d’être compatible avec des rites funéraires. (...) On restitue les corps avec beaucoup de dignité. Il n'y a aucune incompatibilité avec aucun rite [ religieux ou funéraire].

Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine

À l'inverse, l'étude publiée par l'agence nationale met en avant de nombreuses similitudes sur la sensibilité des personnes (vivantes) entre l'Hexagone et les Outre-mer sur l'adhésion au don.

Les Ultramarins plus réticents que les Hexagonaux

Une différence notable s'établit entre deux valeurs : le taux d'opposition au prélèvement sur un proche, qui atteint plus de 50 % dans les Outre-mer, et le taux de personnes favorables au don de ses propres organes, qui lui grimpe à 69 % (80% dans l'Hexagone).

L'étude démontre ainsi que dans plus d'un cas sur deux, les ultramarins s'opposent à la loi de consentement présumé. Sur le territoire national, ce taux atteint 36,1 % d'opposition. C'est la raison pour laquelle Marine Jeantet insiste sur le fait de " dire son choix à ses proches" afin d'éviter d'aller contre la volonté du défunt si un malheur arrivait.

Chaque année, l'agence nationale dirige une enquête afin de déterminer la perception et les connaissances des Français sur le don d'organes et de tissus. Elle note ici que les résultats dans les DROM sont "sensiblement inférieurs à ceux de métropole", avec tout de même une adhésion au don qui reste "largement majoritaire".

Mais si, 90 % des habitants des Outre-mer pensent qu’il est important que leurs proches connaissent leur position sur le don d’organes et de tissus, moins d’un sur trois en a parlé. Un chiffre "majeur" pour la directrice générale de l'Agence de la Biomédecine qui souhaite accélérer les processus de dons et faire face aux délais d'attentes que subissent certains territoires, notamment dans la préinscription. Un autre facteur, et non des moindres, est le prix des bilans pré-greffe. Un facteur à améliorer tout comme " l'accès aux soins sur ces territoires ultramarins" selon Marine Jeantet.