Sébastien Jallier est arrivé sur le tard dans le football américain. À 19 ans, alors qu’il est en licence de STAPS à l’université de Créteil, deux de ses amis, martiniquais eux aussi, lui font découvrir la discipline. À l’époque, les deux sont licenciés dans des clubs en région parisienne, et ne jurent que par le football américain.
Intrigué, Sébastien profite d’un déménagement en périphérie de Grenoble pour tenter ce sport. "J’ai voulu essayer pour voir comment que ça se passait […] et un jour, le coach de l’équipe m’a vu à un entraînement, et il m’a dit de rester, car j’avais le potentiel pour intégrer un jour l’équipe de France", dit-il. Athlétique et puissant, le Martiniquais se démarque et devient rapidement un élément incontournable de son équipe à Grenoble qui le lui rend bien : "J’étais tellement bon que le club m’a proposé d’être salarié. J’étais l’un des seuls dans ce cas", avoue-t-il.
De Créteil à Fort-de-France
Né à Créteil en région parisienne, Sébastien Jallier vit une jeunesse tumultueuse. "Je faisais quelques bêtises à l’époque", admet-il. Champion de France minime en basket avec le SCC Saint-Charles Charenton, Sébastien fait partie des meilleurs espoirs français mais miné par les blessures, le jeune Martiniquais doit abandonner son rêve. C’est à ce moment qu’il se met à faire quelques faux pas.
Pour le canaliser ou pour lui faire découvrir ses racines, sa mère l’envoie faire son lycée en Martinique. Là-bas, il vit chez sa grand-mère au Vert-Pré et est scolarisé au lycée de l’Amep sur les hauteurs de Fort-de-France.
En Martinique, Sébastien retrouve le goût du basket et joue pour le Golden Lion de Saint-Joseph avec qui il sera à plusieurs reprises champion de Martinique junior. Pour l’anecdote, son frère Alexandre, lui, fera carrière dans le basket en passant notamment par le Paris Levallois basket dans les années 2010.
"Je veux marquer mon adversaire à vie"
Éducateur spécialisé dans la vie civile, le Martiniquais finit par faire son trou dans sa discipline, le football américain. De retour dans l'Hexagone, après plusieurs saisons à Grenoble, il décide de sauter le pas et s’engage avec le Flash de la Courneuve, en 2021. Le club de la banlieue de Seine-Saint-Denis est l’un des meilleurs du circuit amateur.
L’offensive tackle (joueur chargé de protéger le quarterback) promène ses 1,93 mètre et ses 133 kilos sur le terrain avec toujours la même hargne : "Mon but est que mon adversaire se souvienne de moi. Je veux le marquer à vie, il faut qu’il quitte le terrain en faisant des cauchemars de moi." Cette rage, il l’aiguise en regardant des vidéos tactiques de son modèle, l'Américain Trent Williams (offensive tackle chez les 49ers de San Francisco).
Un joueur de football américain, c’est un athlète, un super athlète même.
Sébastien Jallier
Après deux ans à martyriser ses adversaires, le Martiniquais tape dans l’œil de la nouvelle franchise parisienne : Le Paris Musketeers. En signant là-bas, Sébastien Jallier change de dimension. En quelques mois, il passe d’amateur au Flash de la Courneuve (club avec lequel il remporte le titre de champion de France amateur en juillet dernier) à professionnel à Paris Musketeers.
Cri de guerre antillais en équipe de France
Membre de l’équipe de France de football américain, Sébastien a côtoyé d’autres joueurs ultramarins en amateur et s’en étonne. "Je me suis toujours posé la question de savoir pourquoi est-ce que nous étions aussi nombreux alors que dans nos territoires respectifs, il n’y avait quasiment pas de ligue de football. Après, c'est peut-être lié au fait qu’en Île-de-France, il y a beaucoup d’Antillais qui pratiquent ce sport. Puis au flash, on avait une forte culture antillaise. Notre cri de guerre était Yékri-Yékra", raconte-t-il.
Si en France le football américain a du mal à émerger, chez les voisins européens, ce n'est pas le cas. En Allemagne, c’est même le sport collectif de contact de référence. Chez nous, la discipline est au début de sa professionnalisation et se heurte au rugby, qui est bien ancré dans la culture.
Mais Sébastien est optimiste sur le fait que le football américain va bientôt s’imposer dans le paysage sportif français. "Avec le temps, quand ça va rentrer dans les mœurs, notre sport arrivera dans les écoles et les jeunes vont jouer autant au football américain qu’au rugby dans les années à venir, j’en suis persuadé. Dans 10-15 ans, les gens auront le choix entre le football américain et le rugby", imagine-t-il.
"Il n’y a que dans les Antilles françaises qu’on ne joue pas au football américain"
Dans sa vie de sportif, Sébastien Jallier s’inspire beaucoup de Teddy Riner. Comme le judoka guadeloupéen, il aime rentrer sur son île de la Martinique se ressourcer et profiter des bienfaits.
"Quand je vais chez ma grand-mère au Vert-Pré, je mange local pour avoir de la force. J’ai regardé récemment un documentaire sur Teddy Riner qui rentrait souvent en Guadeloupe avant ses grandes échéances et qui mangeait local, ça m’a conforté. Notre nourriture, c’est une force naturelle, c’est culturel", dit-il.
Ambassadeur de son île, Sébastien se verrait bien à la fin de sa carrière développer le football américain en Martinique : "C’est un projet qui se fera sur du long terme. Mais ça me tient à cœur, je veux construire quelque chose là-bas. Un terrain de 100 yards, développer la pratique chez les enfants et leur permettre d’aller aux USA ou dans les îles à côté. Il n’y a qu’aux Antilles françaises qu’on ne joue pas au football américain."
À 32 ans, Sébastien Jallier, petit-fils de Maurice Jallier le fondateur du carnaval tropical de Paris, devient l’un des premiers Martiniquais professionnels de football américain.