Jadis, l'athlétisme guyanais se résumait un peu à… Katia Benth. La sprinteuse de Kourou portait les espoirs de tout un département. Lourde mission. En 2021, les choses ont bien changé. Les talents sont nombreux. De la star confirmée à la jeune pousse en devenir.
Même si la période est encore incertaine, Katia Benth se veut confiante. Optimiste. Tournée vers un avenir forcément meilleur. 2021 ? La lumière au bout du tunnel. Enfin. Un vrai bonheur pour la Guyanaise qui a vécu bien des drames, ces deux dernières années.
En 2019, Katia subissait l'amputation d'une partie de sa jambe gauche. L'an passé, elle est à peine de retour chez elle à Kourou que le confinement est décrété. Période trouble. La vie ne peut pas reprendre ses droits. Pas complètement. Mais Katia Benth maintient le cap. Déterminée. Déterminante. Car convaincue qu'elle peut guider la nouvelle génération vers des sommets insoupçonnés.
2020, drôle d'année pour un retour
Le 16 novembre dernier, Katia Benth a fêté son quarante-cinquième anniversaire. Une célébration un peu particulière puisqu'elle a eu lieu durant le deuxième confinement général. 2020 ? Un jour sans fin, disent certains. Katia n'est pas loin de penser la même chose : "J'ai eu très peur. Surtout au début. Je l'ai mal vécu. Puis je me suis habituée. Aujourd'hui, ça va. Et le côté positif de tous ces confinements, c'est d'avoir pu rester en famille. Une belle récompense imposée."
Lorsque les stades ont pu rouvrir, on imagine aisément l'émotion ressentie par Katia Benth. Cette réouverture symbolisait un nouveau départ pour elle. Après toutes ces semaines d'angoisse, de douleurs. La Guyanaise pouvait enfin exercer librement son métier d'entraîneur. Une coach forcément marquée par tout ce qu'elle venait de vivre. "Bien sûr que ces épreuves ont eu un impact sur ma façon de travailler, reconnaît-elle. J'entraîne différemment désormais. Je parle beaucoup plus avec les athlètes. Et je fais aussi attention à moi."
Son duo gagnant avec Gemima Joseph
Ce qui ne change pas en revanche, c'est la complicité évidente de Katia Benth avec la jeune prodige de l'ASC Rou Kou, Gemima Joseph, 19 printemps. Le duo performe depuis déjà plus de cinq ans : "Lorsqu'on me l'a présentée, elle était Benjamine deuxième année. Je la trouvais intéressante. Sauf qu'il fallait bosser et que Gemima venait plutôt au stade pour passer du bon temps avec ses copines. Puis elle a très vite réalisé qu'elle avait du potentiel. Nous avons alors commencé à travailler ensemble. Les résultats sont arrivés dans la foulée."
Des résultats ? Des médailles, oui. Et en or. Presque toujours en or. De quoi surprendre le petit monde de l'athlétisme. Un exemple ? En 2018 à Bondoufle dans l'Essonne, Gemima réalise le doublé 100 / 200 mètres aux championnats de France cadets. Et ce n'est pas tout. Les chronos s'affolent. La nouvelle pépite guyanaise va plus vite que les deux lauréates juniors sur 100 et 200 mètres, titrées le même week-end sur la même piste ! "Que voulez-vous que je vous dise ? s'en amuse Katia. Nous avons pris l'habitude de créer la surprise, chaque année. Donc si en 2021, Gemima parvient à se qualifier pour les JO de Tokyo, je l'accepterais comme la suite logique de sa carrière."
Avec Gemima Joseph, Katia Benth ne s'interdit rien. Le diamant de Kourou lui rappelle ses jeunes années. Un talent XXL qui semble même avoir une palette d'expressions encore plus élargie. "À l'entraînement, elle encaisse très bien. Le travail est axé sur le sprint court mais pourquoi ne pas aussi essayer de s'exprimer sur 400 mètres ?" Comme une certaine Marie-José Pérec quoi. Voilà qui fait sourire Katia. Effectivement, le potentiel de Gemima est immense. Espérons juste qu'il puisse s'exprimer : "La question est toujours d'actualité en ce début 2021. Est-ce que les compétitions d'hiver auront lieu ? Et les JO de Tokyo alors ? À huis clos ? Ce serait triste quand même. Tout le côté spectacle disparaîtrait."
L'athlétisme guyanais n'a jamais été aussi fort
En 2020, les champions guyanais ont trusté bien des podiums nationaux : Alexie Alaïs, reine du javelot ; Marvin René, empereur en salle du 60 mètres ; Amaury Golitin, patron du 200. Sans oublier Gemima Joseph, quatrième du 200 mètres pour ses premiers championnats de France élite. L'athlétisme guyanais connaît un bel âge d'or et selon Katia Benth qui est également CTR (Conseillère Technique Régionale) du département, cela ne fait que commencer : "La relève est tout aussi prometteuse. Chez les cadets notamment, ça devrait faire du bruit."
Dans la famille Benth, n'hésitez d'ailleurs pas à demander la fille aînée, Jessika Ringuet. Katia vous répondra à coups sûrs que c'est une bonne pioche ! "Effectivement, Jessika fait partie des athlètes à suivre. Elle n'a que 15 ans mais elle vient d'avoir le déclic. Je l'entraîne. Ce qui n'était pas facile au début mais désormais, ça se passe bien. Et je peux vous dire que pendant les séances, je ne suis plus sa maman. Ça bosse dur !"
Ça bosse sur place. À Cayenne ou à Kourou. Mais ça bosse DANS le département. "Au niveau de la Ligue, le Président Jean-Victor Castor a fait de gros efforts, tient à préciser Katia Benth. Désormais, rester s'entraîner sur place n'est plus incongru." L'exemple de la Guyanaise a fini par être copié. Wilhem Belocian en Guadeloupe. Ludvy Vaillant en Martinique. Tous continuent à s'épanouir et à progresser chez eux. "À l'époque, j'étais la petite Guyanaise qui venait gêner les plans de la direction parisienne. Heureusement aujourd'hui, la Fédération a une autre vision de l'athlétisme. Et pas uniquement dans les Outre-mer. Regardez Christophe Lemaître. Il a pu rester à Aix-les-Bains avec les résultats qu'on connaît."
En tant qu'athlète, Katia Benth a très certainement été privée de Jeux Olympiques du fait de son éloignement. "J'étais hors du circuit national. Il aurait fallu être au-dessus du lot pour espérer quelque chose." Pas de Jeux pour Katia, l'athlète. Mais peut-être bientôt des JO pour coach Benth ? "Par l'intermédiaire de Gemima ? sourit-elle. J'en serais ravie ! Cela symboliserait la réussite d'un projet commun de plusieurs années. Et puis en tant qu'entraîneur, ce serait aussi une belle consécration."